jeudi 20 avril 2023
LAURENT BERGER : FUTUR 3ÈME HOMME ?
mardi 18 avril 2023
DE L' ART DU TEASING EN POLITIQUE.
Recette d'un thriller haletant, d'un film accrocheur ou d'une série réussie, le suspense est l'ingrédient indispensable du scénario pour tenir en haleine le lecteur, le spectateur comme le conso-électeur. Il en est de même dans la politique-spectacle, où entretenir le flou, c’est (en quelque sorte) entretenir la flamme.
Habituellement, le teasing politique se fait sur les candidatures (« je n’exclus rien », « si les conditions sont réunies », « je me déciderai au moment venu » , ), ou sur les annonces à venir (« le moment venu », « au termes de échéances », « dans 100 jours »….).
Hier, lors de l’allocution présidentielle, 15 millions de personnes se sont demandés ce qu’il y avait derrière ces 2 cadres, stratégiquement posés sur une table sans surprise épurée, comme pour mieux attirer les regards.
Éléments du décor comme les drapeaux et l’arrière-plan verdoyant, les 2 cadres se sont retournés aujourd’hui, par le biais de la photographe officielle qui, après le temps 1 du teasing, a posté sur twitter le temps 2 de la « révélation » qui fait réagir la presse et activer le commentariat.
Alors que voit-on ?
- D’abord, le général de gaulle devenu le métre-étalon de la politique. Comme toujours, le Général de Gaulle est utilisé par le politique pour son symbole, son image et sa force d’évocations. Dans l’inconscient collectif, le Général de Gaulle incarne la République. Il est l’image de l’appel du 18 juin, de la Résistance et de l’homme providentiel : soit la posture recherchée par tout Homme politique. Se référer au Général de Gaulle, c’est donc l’assurance de ne pas cliver l’électorat. C’est s’acheter une histoire et des valeurs en temps de crise, une morale aussi («Vous imaginez le général de Gaulle… ?») à l’heure des affaires et des controverses. Avec de Gaulle, le politique se réapproprie le roman historique. Il s’associe dans les mots à un type de leader politique qui n’existe plus aujourd’hui.
- Ensuite, Brigitte Macron, la femme du Président, à travers 3 photos de leur mariage. Ici, Emmanuel Macron montre que le politique est d’abord un couple politique, uni et soudé dans le combat. Le coupe est ici utilisé pour renvoyer aux foules regardantes les messages de stabilité et de solidité. A l’heure où l’on parle d’un « homme seul », « isolé par le pouvoir », le couple est censé véhiculer la force, particper une nouvelle fois au récit de celui qui le met volontiers musique. L’homme et « la femme de » sont un élément-clé du spectacle.
Cette séquence de communication en 2 temps montre une nouvelle fois le diktat du monde de l’image où les signes l’emportent sur le sens.
François Belley.
lundi 17 avril 2023
LE PRÊT-À-PARLER POLITIQUE.
Le langage constitue le premier pouvoir que l’on exerce sur les foules, pas étonnant donc que dans ses fonctions de représentation publique, le politique use et abuse des « bienfaits » de la novlangue dont les mots et les expressions fusent et se diffusent chaque jour dans les médias.
« Défense de la démocratie » plutôt que « guerre » ; « départs progressifs au sein de l’entreprise » au lieu de « licenciements » ; « restructuration de l’hôpital » préférée à « démolition » : ainsi, les bonnes formules retenues et assemblées par les professionnels de la « communication » peuvent facilement par un processus orwellien déformer, changer et détourner le sens des réalités, au profit de ceux qui nous gouvernent.
Gangrène de la politique, la langue de bois qui plâtre les allocutions comme les matinales radio, les discours et les débats, est la conséquence directe du média-training qui gomme chez les coachés toute trace d’authenticité, de spontanéité et de vérité. C’est comme ça que le politique, sans être « ni de gauche ni de droite », promet de « redonner du « sens à l’action », de « remettre la valeur travail au centre des préoccupations » , de « libérer les énergies des entreprises » ou de « reconstruire et retrouver l'élan de notre Nation".
Reposant sur des propos vides de sens, la langue de bois qui s’appuie aussi sur l’art du consensus (syndrome « en même temps »), l’amour des généralités et des lieux communs, vise à séduire, flatter et préserver le plus grand nombre ; également aider l’orateur à se sortir, plus ou moins habilement d’un sujet embarrassant.
Objets d’illusions, les éléments de langage en politique servent de ciment au discours officiel de l’homme de la représentation publique, aguerri à l’exercice de la restitution. Aussi, sur l’écran du spectacle, les éléments de langage livrés sous forme de fiches, finissent par se retrouver, sans surprise, parqués dans les fils d’actu et les bandeaux déroulants des chaînes d’info. Dans le cadre d’une pandémie, d’un projet de loi ou d’une mobilisation sociale comme celle des retraites, les éléments de langage doivent créer de la cohérence, un sentiment de maîtrise et d’unité au sein d’un gouvernement afin de limiter les risques de confusions, de dérapages et de mauvaises interprétations lors d’une publication, d’une interview ou d’un micro tendu.
Or, le système spectaculaire est bien fait. Il sait qu’avec les nouvelles technologies de communication, les éléments de langage décodés, décortiqués et dénoncés tout aussi vite par une nouvelle foule moins crédule, seront, une fois mis sur la place publique, à l’origine de la collision entre le monde de la politique traditionnelle et celui du numérique, titulaire désormais d’une créance de vérité.
François
Belley
publicitaire et essayiste
auteur de l'essai "
Le Nouveau Spectacle politique " (Éditions Nicaise,
2022).
https://francoisbelley.fr
dimanche 16 avril 2023
L’ALLOCUTION CONTINUE COMME MODE DE GOUVERNANCE.
En
politique, le prononcé fait foi : il acte et officialise.
Effectuée
depuis l’Élysée ou un ministère, devant un collège ou un
hôpital militaire, l’allocution, classique de la communication de
masse, retransmise en direct sur les chaînes d’info et de
spectacle, solennise le propos de celui qui s’adresse à une heure
de grande écoute aux « concitoyens » ou aux
« compatriotes », à « la Nation » ou à « la
République ».L’allocution
d’un Président ou
d’un Premier ministre, d’un préfet de Police ou d’un
directeur général de la Santé est orchestrée pour l’effet de
com’ qu’elle produit dans l’opinion, aussi pour la séquence
médiatique qu’elle construit autour du personnage mis en
scène dans un decorum compatible avec l’écran du
spectacle (pupitre, drapeau, surimp, slogan et
hashtag du
jour).
Substitut
à l’action politique, la parole officielle que l’on met en scène
par son effet d’annonce et le désir qu’elle crée de facto, agit
sur l’opinion tel un placebo. À tel point qu’avoir « des
paroles fortes » et « des mots forts », « des
messages forts » et « des promesses fortes »
suffisent aux professionnels de la politique pour maintenant
persuader, rassurer et convaincre : autrement dit, pour gagner
l’approbation et la confiance des foules. « Les mots justes
trouvés au bon moment sont de l’action », écrivait déjà
Hannah Arendt.
À
l’heure de l’hypercommunication et de l’ultrapersonnalisation
du pouvoir, l’allocution en continu qui cannibalise l’événement
n’a plus rien d’exceptionnel, et ce malgré les efforts répétés
par le responsable politique à nous la présenter comme telle. Le
temps de la rareté de la parole chère à Jacques Pilhan, théoricien
du silence, est révolu. L’heure est maintenant à l’allocution
continue comme mode de gouvernance.
Au
centre de toutes les attentions désormais, l’homme politique,
premier sur l’événement, a pris la place de premier commentateur
de l’actualité. Coresponsable du bruit permanent, celui-ci est
comme le consultant, l’animateur
ou « l’expert » du
spectacle : à l’écran, il apparaît et parle. Il aspire à
ne jamais disparaître.
Dans
l’ère du spectacle, la politique n’est plus qu’apparition,
mise en scène et bruit en continu. Cette activité débordante donne
bien sûr aux « concitoyens » ou aux
« compatriotes », l’illusion de l’action. À « la
Nation » ou à « la République », cette masse de
paroles tend à donner l’illusion de la décision.
François
Belley
publicitaire et essayiste
auteur de l'essai "
Le
Nouveau Spectacle politique
" (Éditions Nicaise, 2022).
https://francoisbelley.fr
En politique, le prononcé fait foi : il acte et officialise.
Effectuée depuis l’Élysée ou un ministère, devant un collège ou un hôpital militaire, l’allocution, classique de la communication de masse, retransmise en direct sur les chaînes d’info et de spectacle, solennise le propos de celui qui s’adresse à une heure de grande écoute aux « concitoyens » ou aux « compatriotes », à « la Nation » ou à « la République ».
L’allocution d’un Président ou d’un Premier ministre, d’un préfet de Police ou d’un directeur général de la Santé est orchestrée pour l’effet de com’ qu’elle produit dans l’opinion, aussi pour la séquence médiatique qu’elle construit autour du personnage mis en scène dans un decorum compatible avec l’écran du spectacle (pupitre, drapeau, surimp, slogan et hashtag du jour).
Substitut à l’action politique, la parole officielle que l’on met en scène par son effet d’annonce et le désir qu’elle crée de facto, agit sur l’opinion tel un placebo. À tel point qu’avoir « des paroles fortes » et « des mots forts », « des messages forts » et « des promesses fortes » suffisent aux professionnels de la politique pour maintenant persuader, rassurer et convaincre : autrement dit, pour gagner l’approbation et la confiance des foules. « Les mots justes trouvés au bon moment sont de l’action », écrivait déjà Hannah Arendt.
À l’heure de l’hypercommunication et de l’ultrapersonnalisation du pouvoir, l’allocution en continu qui cannibalise l’événement n’a plus rien d’exceptionnel, et ce malgré les efforts répétés par le responsable politique à nous la présenter comme telle. Le temps de la rareté de la parole chère à Jacques Pilhan, théoricien du silence, est révolu. L’heure est maintenant à l’allocution continue comme mode de gouvernance.
Au centre de toutes les attentions désormais, l’homme politique, premier sur l’événement, a pris la place de premier commentateur de l’actualité. Coresponsable du bruit permanent, celui-ci est comme le consultant, l’animateur ou « l’expert » du spectacle : à l’écran, il apparaît et parle. Il aspire à ne jamais disparaître.
Dans l’ère du spectacle, la politique n’est plus qu’apparition, mise en scène et bruit en continu. Cette activité débordante donne bien sûr aux « concitoyens » ou aux « compatriotes », l’illusion de l’action. À « la Nation » ou à « la République », cette masse de paroles tend à donner l’illusion de la décision.
François
Belley
publicitaire et essayiste
auteur de l'essai "
Le
Nouveau Spectacle politique
" (Éditions Nicaise, 2022).
https://francoisbelley.fr
vendredi 14 avril 2023
LA PRIORITÉ AU (SPECTACLE EN) DIRECT.
L’info-spectacle est un métronome à balancier avec d’un côté les réseaux sociaux et de l’autre les chaînes d’info, tous deux chargés de régler le tempo de l’actu, de maintenir le ton sensationnaliste et d’imposer le rythme de l’immédiateté.
Sur le marché de l’actu, les chaînes d’info se distinguent par un fonctionnement en continu et une info brute sans hiérarchie, mise en boîte comme une série et relayée en boucle de manière obsessionnelle. C’est toutefois avec « le direct » comme priorité qu’elles se distinguent plus particulièrement et avec « l’édition spéciale » comme mode de traitement, qu’elles accrochent le public et construisent leurs succès d’audience.
Le direct est aux chaînes d’info ce que le live est aux réseaux sociaux : la promesse d’un suspense filmique, d’images exclusives et de commentaires à chaud : soit autant de sensations fortes garanties à un spectateur, accro aux émotions de la mise en spectacle du réel. Parce qu’il faut toujours avoir quelque chose à dire et à montrer à l’écran, les chaînes en continu peuvent avec le système de l’édition spéciale se permettre à tout moment d’interrompre leur programme pour basculer tout à coup dans un autre monde : celui de la démesure et de l’hystérie de l’information.
Sur les chaînes en continu, le spectacle repose sur le dispositif avant tout : sur la composition du plateau, les équipes envoyées sur place et les témoignages du terrain. Autrement dit, sur les moyens audiovisuels spectaculaires mis en œuvre pour couvrir l’événement. Pour les chaînes d’info, tout est donc actu, même la non-actu qui, avec un simple duplex de circonstance, l’image forte et la bonne déclaration, devient à l’écran un événement.
Nourrie directement par des citoyens-reporters encouragés en leur qualité de « grand témoin » du réel à envoyer à la chaîne leurs contenus autoproduits, l’info non-stop et en direct est devenue avec les nouveaux moyens de communication un spectacle participatif. Lequel, dans son modèle éditorial, préfère l’instantanéité au recul, privilégie l’émotion à la réflexion et mise sur la recherche du scoop plutôt que sur la vérification des sources.
Sur les nouvelles chaînes de spectacle en continu, c’est la forme du clash, de l’interview ou de l’annonce qui compte. Le fond des sujets n’est qu’un prétexte à la fabrique du divertissement.
jeudi 13 avril 2023
Le come-back des « anciens » ou le retour de la marque-refuge.
Dans
l’univers commercial, la « marque » a un pouvoir
indéniable : celui d’être un gage de sécurité. Signe
d’authentification, la « marque » représente pour le
consommateur un crédit, une caution : autrement dit l’assurance
d’une confiance. Dans les linéaires, la marque constitue donc
un repère.
Pour
être une « marque », il convient –
au-delà d’acquérir une notoriété préalable - de développer un
signe reconnaissable mais aussi et surtout de se créer un territoire
de légitimité, un positionnement original, une identité
différenciatrice. Il en va de même en politique où B. Kouchner
(humanitaire), J. Lang (culture), J. Bové (alter-mondialisme), S.
Royal (féminité), Obama (coolitude) jusqu’à S. Rousseau
(éco-clash féministe) ont su s’inscrire, avec leur style, dans
une logique de marque totale et décomplexée.
Actuellement,
le come-back des « anciens » est à ce titre révélateur.
Dominique
Strauss-Kahn qui donne via Twitter son avis sur la réforme des
retraites (11/04/ 2023) ; Manuel Valls qui invite à « trouver
les voies de l'apaisement » à l’appui d’un parcours médiatique
à nouveau balisé (12/04/2023), Jean-Pierre Raffarin qui « prône
«l'apaisement» et « l’alliance entre Renaissance et LR »
(13/04/2023), sans compter François Hollande qui continue d’envoyer
des « cartes postales » médiatiques signent le
retour de la « marque-refuge »,
celle qui est censée « rassurer » le consommateur
dans une période sombre et instable.
Aussi,
la question posée aujourd’hui au citoyen est simple.Dans
une ère multicrise (covid, guerre, climat, inflation, retraites...),
le politique professionnel, fort de son expérience, peut-il revenir
au premier plan malgré une image pour le moins ternie ? Peut-il
dépasser les scandales, les affaires et les échecs conférant à
son nom ? Peut-il repousser la force d’évocations liées à son
histoire et sa réputation ? Autrement dit, peut-on faire de
nouveau confiance à la « marque » ? Perrier (et ses
traces de benzène dans ses bouteilles, 1991), Total (et le naufrage
de l’Erika, 1999), Buffalo Grill (et ses deux victimes de la
maladie de Creutzfeldt-Jakob, 2002), Findus (et sa viande de cheval
retrouvée dans ses lasagnes, 2013), ou encore Balenciaga (et sa
campagne de pub controversée, 2023) qui, dans leurs parcours
respectifs ont connu des crises majeures, viennent le démontrer.
Ainsi est le consommateur : versatile, parfois amnésique, suite
au choc du marketing et de la communication tout azimut.
Cette
séquence politique qui remet au premier plan les marques « DSK »
(économie), « Valls » (sécurité) ou encore « Raffarin
»(gouvernant raisonnable), vient nous rappeler, une nouvelle fois,
que l’offre politique peine à se renouveler et qu’en politique,
on ne meurt (vraiment) jamais.
François
Belleypublicitaire
et essayisteauteur
de l'essai " Le Nouveau Spectacle politique " (Éditions
Nicaise, 2022).
lundi 3 avril 2023
PLAIDOYER CONTRE LA COM EN POLITIQUE
Une de Playboy, concours d’anecdotes avec des youtubeurs, coming out dans la presse, omniprésence dans les talk-shows, marelle dans une cour d’école, happening sous forme de flashmob, participation à une émission de télé-réalité, interview confession sur un canapé : la politique d’aujourd’hui, quelle que soit la couleur politique, s’inscrit dans une époque aux rôles inversés où, à l’écran, le people fait de la politique et le politique, obsédé par le papier glacé, le trend topic et le bandeau déroulant, assure le spectacle !
Politiques, conseillers, communicants, consultants, visiteurs du soir : il est l’heure de faire votre aggiornamento en privilégiant la communication qui s’appuie sur du fond, à la com vide de sens qui repose sur du vent et de la forme uniquement. Car dépassée et contre-productive, la com-spectacle qui ne surprend ni n’amuse plus personne (pas même les médias !), continue chaque jour de discréditer un peu plus le politique, de nuire à la discipline et de maintenir à distance le citoyen, las des vieilles ficelles du marketing.
À l’ère de la multicrise et de la défiance persistante à l’égard des élus, avec un taux d’abstention record et une parole politique, au mieux inaudible, au pire incompréhensible, il est temps, pour l’Homme politique, de quitter le monde de l’apparence et sortir de la logique de l’apparition continue pour revenir au plus vite dans le réel.
Aussi, devant cette accumulation de bruits, d’images et de coups d’éclat, il est urgent pour l’Homme politique de :
- retrouver les vertus du silence. Autrement dit, parler quand on a quelque chose à dire ou à expliquer. L’Homme politique retrouvera ainsi le sens de la communication.
- donner sa parole plutôt que de la prendre. Autrement dit, poser sa signature en dessous d’objectifs et d’échéances. L’Homme politique retrouvera ainsi le sens de l’engagement.
- être sur le terrain. Autrement dit, reconquérir la vie en vrai. L’Homme politique retrouvera ainsi le sens de l’action.
Pour
l’intérêt général, il convient de mettre fin au spectacle, fuir
le diktat de la com et refuser la mise en scène. Se taire et faire,
enfin : voilà le grand défi d’aujourd’hui.
-------------------
François
BELLEY, publicitaire et essayiste.
Auteur
de l'essai " Le Nouveau Spectacle politique " (Éditions
Nicaise, 2022).
samedi 1 avril 2023
DE PIF À PLAYBOY : LE DIKTAT DE LA COM’ POUR LA COM’ !
À l’ère de l’ultra com', du diktat des « conseillers » et de leur « idée de génie », rien n’est étonnant et tout est possible. Ainsi, un Président peut accorder une interview à Pif (gadget) ; une ministre poser en Une de Playboy, comme S. Royal, jadis, dans Le Parisien Magazine, se muait en « Liberté guidant le peuple » en toge blanche, pieds nus et drapeau à la main.
À
l’ère de l’ultra com', tous les supports se valent. Fini les
arbitrages entre la presse régionale, nationale et magazine en
fonction des objectifs, des messages et du ciblage. Aujourd’hui, il
n’y a plus de hiérarchie ni de différence de cibles entre les
supports. Diktat du buzz oblige, il n’y a que des opportunités,
des rebonds possibles, des événements-marketing à créer pour le
buzz et des relais souhaités, en masse. Ainsi, à l’heure du «
brand-content », Pif (Gadget) vaut Le Point, Playboy vaut L’Express,
Chasse, Pêche et Nature vaut Marianne. Ce qui compte dorénavant,
c’est moins la cible que la reprise médiatique (forcément) tout
azimut. Le support (papier, numérique, audiovisuel…) n’est qu’un
prétexte, rien d’autre.
À
l’ère de l’ultra com', tous les intervieweurs se valent aussi.
Un journaliste, un youtubeur, un influenceur, un vidéaste-animateur,
un écolier : qu’importe l’interlocuteur, c’est le «
sparring-partner », choisi pour son originalité et casté pour le
spectacle, qui compte, rien d’autre.
Aussi,
compte tenu de la crise actuelle, l’interview d’E. Macron dans
Pif puis celle de M. Schiappa dans Playboy qui, à l’ère du
spectacle politique décomplexé ne surprendront personne, tombent
plutôt mal en termes de timing. Elles confirment néanmoins toutes
les deux que dans le champ politique, il n’y a désormais plus de
distinction entre « le frivole et le sérieux ». Le frivole, c’est
du sérieux. Et inversement.
Illustration
du diktat du coup de com’ permanent, ces interviews, sous forme
d’happening dans Pif et Playboy, confirment la dimension (trop)
spectaculaire de la politique : une logique de « com’ de marque »,
à l’heure de la défiance des élus, qui continue chaque jour un
peu plus de discréditer le politique et de nuire à la politique, de
façon plus générale.
Les
conseillers politiques et autres communicants devraient être payés
pour pouvoir dire « non ». Encore faudrait-il en avoir le courage.
Par
François Belley, essayiste,
auteur
de l'essai " Le Nouveau Spectacle politique " (Editions
Nicaise)
https://lnkd.in/ghgFYEh8
dimanche 26 mars 2023
L’ HOMME POLITIQUE EST MORT. VIVE LE NÉO-POLITIQUE !
Diktat de la société sociale-médiatique oblige, la matrice du spectacle qui, avec les réseaux sociaux vit son âge d’or, continue, elle, sa quête permanente de nouvelles têtes spectaculaires qu'elle sait mettre en lumière et pousser dans l’arène politique, une fois l'audience et la notoriété acquises.
Mise en scène de la vie privée ; omniprésence dans les talk-shows, marelle dans une cour d’école ; concours d’anecdotes avec des youtubeurs : la politique-spectacle, pratiquée jusque-là par un politique professionnel discrédité, n’amuse plus le système spectaculaire, las des vieilles ficelles de la com’ politique. Danse, vidéo-live, clash, punchline… : place désormais au "Nouveau Spectacle politique" permis par les réseaux sociaux, lesquels ont, à la vitesse de la lumière, changé LA et LE politique.
Par François Belley, essayiste,
auteur de l'essai " Le Nouveau Spectacle politique " (Editions Nicaise)
https://lnkd.in/ghgFYEh8
mercredi 22 mars 2023
LA NOUVELLE FOULE.
Née
des réseaux sociaux, la nouvelle foule forme le public du spectacle
contemporain : celui, connecté, que l’on appelle communément
aussi l’audience.
Abonnés,
followers, fans, amis… la foule dite numérique se présente comme
le nouveau public de masse, en lieu et place de celui amorphe et
vieillissant du cinéma ou de la télévision. De la nouvelle foule,
instinctive, primitive et puissante, à la fois productrice et
productive, émerge la composante indispensable de la réussite du
spectacle en ligne.
Le
comportement de la nouvelle foule suit les codes classiques et les
caractéristiques suivistes, propres au phénomène et à la
psychologie de groupe. Anonyme, nombreuse et facilement influençable,
la nouvelle foule qui vient s’ajouter et enrichir la classification
historique des types de « foules », ne se sent pas responsable
et ne réfléchit pas. Incapable de raisonner, elle ignore l’esprit
critique, l’analyse et toute forme de discernement. Comme un seul
être, elle avance en bloc, parle et commente d’une même voix,
publie, like et partage d’une seule main. La nouvelle foule ne
parle et ne comprend qu’un langage : celui de l’instantanéité,
de l’émotion et du court-circuit. Elle est appréciée pour son
fanatisme et sa démesure, ses comportements irrationnels et ses
propos passionnés, ses attitudes imprévisibles, ses dérapages
soudains et ses réactions brutales : autrement dit, son sens
inné du spectacle.
Dans
le cadre d’une manifestation ou d’une allocution, la nouvelle
foule comme premier agent productif peut en effet s’appuyer sur des
millions de chevilles ouvrières galvanisées pour assurer le
spectacle en ligne. À l’heure du numérique, rejoindre une foule
en tant que membre actif n’a jamais été aussi simple. Depuis son
smartphone, un seul clic suffit. C’est ce qui différencie la
nouvelle foule d’une masse de manifestants ou de spectateurs, de
supporters ou de militants dans la vraie vie : les risques de
rejoindre un groupe chauffé à blanc s’effacent tout à coup.
Portée
par le nombre, guidée par l’instinct animalier et l’impulsivité
qui la caractérisent, la nouvelle foule assure le rôle principal du
spectacle en ligne : celui qui fait l’événement et en parle,
lui donne de l’importance par le contenu de masse et le bruit
qu’elle génère autour. Prescriptrice, la nouvelle foule décide
de la publication à voir, de l’article à lire, du compte à
suivre, de la vidéo à partager ou de l’avatar à bannir. C’est
elle qui décrète le bien et le mal, fixe les critères du beau et
du laid, trace les limites de l’acceptable et de l’inacceptable,
règle le niveau d’intensité de la lumière sociale-médiatique.
Par
son influence et ses retombées immédiates dans les médias
traditionnels, la nouvelle foule a donné naissance à un nouveau
type d’opinion publique, virtuelle cette fois-ci, qui selon
l’actualité du jour, peut imposer sa vérité au monde entier, se
déchaîner, juger et, par la force d’un hashtag, dresser des
bûchers en place numérique. La nouvelle foule adore ou déteste.
Elle est le fan ou l’ennemi. Elle célèbre ou exécute. Il n’y a
pas de nuances possibles. Prévisible, le public, acteur du spectacle
contemporain, ne réserve jamais de surprise dans ses agissements.
Sur une petite musique répétitive, la nouvelle foule est tel
l’automate qui marche, pivote puis tourne ; déambule, pivote
puis tourne à nouveau. La nouvelle foule libère la parole, se
nourrit de l’image et des formules chocs, pousse le public au
mimétisme. Sur les réseaux sociaux, elle est l’alpha et l’oméga
de la production du nouveau spectacle ».
Extraits
de l’essai « Le Nouveau Spectacle politique » (éditions
Nicaise)François
Belley
mercredi 8 mars 2023
DE L’ ÉMOTION EN POLITIQUE !
... ou la stratégie des « larmes de croco » !
À l’heure du diktat de l’apparition-écran et du marketing continu, l’émotion est un registre de com’ apprécié et recherché des acteurs politiques.
Chez la femme ou l’homme politique dont l’image est écornée, l’émotion crée de l’authenticité, humanise, normalise aussi à l’heure de la défiance et de la distance du politique. L’émotion que l’on recherche, créée et scénarise dans l’espace public, s’adresse à la sensibilité des foules, touche le cœur des masses, réveille les passions de l’électorat. Parce qu’elle s’inscrit s’inscrit dans une logique de compassion, de séduction donc d’adhésion, elle fait office de pensée, de message et de programme, à l’heure du vide.
Sur la scène du théâtre politique, les larmes de croco lorsqu’elles coulent à flot sont donc devenues une arme de communication. Celles d’A. Bergé hier à l’Assemblée, d’E. Macron lors du 11 novembre 2021 ou de B. Obama lors de son dernier discours (janv 2007), celles de S. Royal lors de sa défaite cinglante aux primaires (octobre 2011) ou de J. Trudeau dans les locaux du parlement (oct 2007), celles d’A. Corbière sur un plateau de télévision (fév 2018), de N. Hulot lors de l’annonce de sa démission (Sept 2018) ou d’A. Juppé lors de ses adieux à sa ville de Bordeaux (fév 2019) : les larmes - naturelles ou non - font sortir l’homme politique de sa fonction, percent la bulle de l’intimité.
Comme au cinéma, au théâtre ou dans le sport, l’émotion est attendue par le spectateur. Pour les médias, les séquences en sanglots, qui plus est en direct, valent de l’or. Pour le politique, elles créent de la publicité. Pour son caractère humain, elles font naître de la compassion, de la sympathie et de la proximité chez l’électorat. Dans nos sociétés d’image avant tout, mieux vaut être porté sur l’émotion que sur la raison. L’adhésion, l’approbation, le soutien, exprimés par « le commentaire », « l’abonnement à », « le like », « le retweet » ou « le vote », sont souvent le fruit d’une émotion savamment construite.
François Belley
La
suite ici :
«
Le Nouveau Spectacle politique » (Editions Nicaise),
Essai.
https://lnkd.in/eJRjsiyD