Présentatrice-télé, ex-journaliste sportif, producteur-humoriste, youtubeuse spécialisée en « mode, beauté et style de vie », chroniqueur de talk-show, influenceur : l’animateur du nouveau spectacle politique, protéiforme par nature, est celui qui présente, fait entrer les acteurs de la vie publique, les interviewe et les met en scène à l’écran.
En lieu et place du journaliste politique trop technique, moins malléable et pas assez fun pour le système, l’animateur du nouveau spectacle politique est choisi par la matrice pour son style décomplexé et décalé : autrement dit pour sa capacité à emballer d’un papier aux couleurs et aux motifs grossiers, les invités, les questions comme les débats d’actualité.
Comme son nom l’indique, l’animateur comme nouveau Monsieur Loyal de la politique n’a pas vocation à interroger, expliquer et décrypter mais à animer, secouer et faire parler, d’où l’importance de thèmes sujets à controverses et de questions choc posées entre deux jingles cool. Avec l’animateur du spectacle qui mélange dans ses émissions « actu », show-bizz et politique, l’invité spectaculaire du jour, dévalué au rang de contenu, est appelé entre tensions et polémiques, accrochages et cacophonie, à ne faire plus de la politique que par l’émotion et la caricature, l’absurde et l’auto-dérision, l’outrance et l’exubérance. Ainsi, sur le plateau de l’animateur transformé en « journaliste politique », le visage a remplacé la vision ; la personnalité s’est substituée à la proposition ; le clash a supplanté le débat d’idées. Du fond à la forme puis de la forme au bas-fond, la politique comme discipline que l’on déplace, traîne et malmène en public, est devenue à l’écran l’égal d’une émission de télé-crochet, d’une websérie ou d’une story : un programme de divertissement finalement comme les autres.
Nouvel objet de spéculations de la politique-fiction, l’animateur du spectacle qui, sur son plateau ou sur sa chaîne youtube, reçoit ministres, députés et porte-parole du gouvernement, utilise son pouvoir médiatique pour recadrer ses invités et leurs idées, prendre position en direct, imposer ses propres opinions et par le biais d’émissions thématiques ou de soirées spéciales, s’approprier à son tour le champ politique.
Signe de la défaite du et de la politique, l’animateur qui, par sa fonction s’est imposé comme le nouvel arbitre du débat public, est devenu aussi l’un de ses principaux contributeurs : un porte-parole à la carte au service des causes, des combats, des sujets de société, parfois même de l’État.
Lieu de l’idéologie spectaculaire, de la rencontre entre « le frivole et le sérieux », le programme piloté par l’animateur, sous forme de rendez-vous hebdo, mensuel ou quotidien, s’avère en effet une tribune particulièrement efficace pour s’adresser au plus grand nombre, faire passer des messages et à la manière d’un spin doctor, orienter l’opinion avant de l’influencer et de l’emmener dans la direction souhaitée.
Hier, la politique s’essayait au divertissement. Aujourd’hui, avec l’inversement des rôles et l’avènement des nouveaux acteurs, c’est le monde du divertissement à travers la figure de l’animateur-star, qui fait de la « politique ».
François Belley.
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