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jeudi 28 avril 2022

Elon Musk et la nouvelle industrie du spectacle en ligne.

À travers le rachat de Twitter par Elon Musk, les réseaux sociaux viennent de dessiner les contours d'un nouveau monde ; à l'ère du social-médiatique, posé aussi les bases d'un nouveau paradigme. Engagé d'abord par les GAFAM dès 2006 puis le 25 avril dernier par le patron de Tesla, la mutation du champ politique (plus largement du débat public) est aujourd'hui irréversible ; le grand basculement du "spectacle" qui va avec, définitivement acté.

Sous nos yeux, il y a désormais deux mondes au fonctionnement et à l'approche philosophique radicalement opposées qui vont s'opposer frontalement : d'un côté, l'ancien monde, avec son principe de modérations et de régulations (via notamment le Digital Service Act), ses acteurs politiques historiques et ses relais médiatiques traditionnels ; et de l'autre, le nouveau monde "absolutiste" porté par des magnats et des e-citoyens de la Tech (devenus les néo-politiques), avec une liberté d'expression et de publications totales, promises à des milliards de comptes et de bots à l'influence, sur l'opinion publique, surpuissante.

En réalité, sur le fil ininterrompu d'actu et de spectacles en ligne ("Let's make Twitter maximulm fun" pour rappel, selon Musk), c'est une guerre politique d'un nouveau genre, entre deux blocs du monde moderne, qui va s'installer durablement : le premier bloc, né avant les réseaux sociaux, voudra conserver un système politique en place avec un État fort ; quand le second - contre l'intervention de l'État, propre à la logique libertarienne-, né après les réseaux sociaux, mettra tout en œuvre pour le déstabiliser voire le renverser. Du point de vue du bloc où il se trouvera, le citoyen du 21ème siècle devra se positionner entre le monde "libre" et celui qui ne l'est pas. Ou entre le monde qui "n'est pas libre" et celui qui l'est. Un même citoyen qui assistera également à une bataille féroce entre le politique professionnel (incarné par Obama, Biden ou Von der Leyen) et l'entrepreneur néo-politique (incarné par Musk ou Trump). Et c’est précisément de cette collusion cataclysmique-là, entre ces deux blocs-là (aux acteurs, visions et styles politiques antagonistes) qui ne se comprennent pas, que naîtra la production de contenu à grande échelle, à l’origine de la nouvelle industrie du spectacle en ligne.

Comme tous ceux de la Silicon Valley (Youtube, Twitter, Facebook...), Elon Musk sait que les GAFAM ont créé un "monstre" qui est en train d'échapper à ses créateurs, aux politiques, à l'homme du 21ème siècle comme aux pouvoirs en place. Aussi, si derrière le rachat d'Elon Musk, il y a en filigrane, un enjeu politique d'envergure, il y a dans le même temps pour le Mozart de la Big Tech un enjeu économique colossal, d'où l'intérêt de défendre une position "libertarienne" ou "absolutiste" des réseaux sociaux. Car dans la matrice du numérique où les gens ne se rencontrent pas mais se suivent, ne se connaissent pas mais s’ajoutent, ne cherchent pas à comprendre mais à commenter, les réseaux, qui n’ont finalement de « sociaux » que leur nom, n’aspirent pas à être un espace de dialogue, d’ouverture et d’échanges mais avant tout un lieu de spectacle (gratuit mais monétisable), de fight et de clash, de menaces, de harcèlements et de propos de signalement, dignes d’intérêt dans le processus de marchandisation de la publication à voir: le produit de grande conso à "aimer" et "partager" à l'heure du siècle numérique.

Par François Belley, auteur de l'essai "Le Nouveau Spectacle politique"   

(Editions Nicaise, paru le 07 avril 2022). 

 

Essai à découvrir ici

https://www.amazon.fr/Nouveau-Spectacle-politique-Francois-Belley/dp/2493489012