mardi 28 février 2023

Le décryptage permanent par la voix de « l’expert ».


À l’écran, chaque thématique traitée se doit d’avoir sur le plateau une personne référente, chargée par son titre d’« expert » mentionné en gros, d’apporter en direct du crédit et du muscle à la discussion.

Pilier des chaînes d’info, « l’expert » appelé pour meubler à chaud, revient sur l’événement, sous-titre les images et décrit les faits ; constate les chiffres et commente « les propos de ». Par sa présence, « l’expert » est celui qui illustre le sujet et, par sa voix, celui qui légende l’actu du jour, lui donne du relief, l’oriente aussi par ses interventions vues et revues avec l’effet de boucle et de répétition.

Qu’il soit ex-taulard ou repenti du show-bizz, médecin en réa, flic, politique, agrégé de philosophie ou psychologue, « l’expert », adepte de la gonflette des mots et de la paraphrase, est appelé en urgence pour décrypter. En réalité, comme l’intellectuel médiatique, il se retrouve à l’antenne pour assurer le service après-vente d’un « événement-vache à lait ».

Dans le choix de l’intervenant, il ne s’agit en effet pas de compétences ni de savoir, de connaissance du terrain ni même de pratique mais avant tout d’une capacité à bien incarner et à représenter un sujet d’actualité à un moment-clé du calendrier.

Acteur du nouveau spectacle politique, « l’expert » à l’avis sur tout est d’abord un spécialiste de la parole et de la formule, du verbe haut et du commentaire. Ainsi se dépêche-t-il par les mots, de compenser les images parfois limitées d’un événement en cours.

Comme le montre un monde tenu par le temps ultra-court, «  l’expert  » ne doit sa présence qu’à l’actu chaude. C’est elle, avec sa baguette magique, qui décide seule de sa téléportation immédiate sur la scène et de son incrustation dans le décor du spectacle. C’est l’actu encore qui lui donne du temps de parole et par la récurrence construit le personnage. C’est l’actu toujours qui lui permet en écho à la position tranchée du néo-sachant, de répondre sereinement à une question à laquelle parfois personne, même les autorités les plus compétentes, n’est bien capable de répondre.

Par le pouvoir (social) médiatique qu’offre l’apparition à la télévision, l’«  expert  » s’affirme progressivement dans l’espace public, se starifie à longueur d’émissions et finit par s’éditorialiser. Avec la notoriété aidant, il peut même parfois se politiser profitant de la crise du politique eu égard à la défiance portée à son égard.

À la manière du sparring-partner interchangeable, «  l’expert  » qui critique, prédit et interprète n’est pourtant qu’un pion au service du système spectaculaire. Qu’importe le fond de ses propos tenus, la teneur de ses analyses et la qualité de ses prévisions  : de lui ne sont attendus que la forme, le style et la propension au one-man-show. Au commencement était le Verbe et le Verbe est spectacle.


La suite dans le livre ci-dessous :

« Le Nouveau Spectacle politique » (Editions Nicaise), Essai.
https://lnkd.in/eJRjsiyD

François Belley 

samedi 25 février 2023

L'interpellation publique du politique.


Comme le consommateur lésé qui sollicite, brocarde et malmène en direct les marques commerciales, le citoyen repolitisé réclame à son tour sa part de bousculade en public, qu’il pense, provoque et produit lui-même face caméra. 
Lors d’une visite d’usine, d’un hôpital ou d’un salon, sur un marché, un plateau de télé ou sur les réseaux sociaux, le citoyen-spectacle, armé de son smartphone, n’hésite plus à prendre la parole, à interpeller directement le politique et à faire irruption dans l’arène médiatique.

Un ouvrier qui exprime sa colère face à un candidat ; un jeune des quartiers qui défie un député ; un sinistré qui apostrophe un Premier ministre ; une infirmière qui, dans un couloir, invective un Président : l’échange sur le terrain entre le professionnel de la politique et le néo-politique constitue l’un des divertissements à voir les plus prisés sur la scène de spectacle du réel : le lieu de rencontre et de fusion des émotions, des pulsions et des frustrations. Plus elle est virulente et inattendue, plus l’interpellation publique sous l’œil voyeur et fugace des smartphones, engendre de la médiatisation, crée de la polémique-spectacle et offre à celui qui en est à l’origine, la tribune et la place recherchées dans l’espace public. Dans la sphère médiatico-politique, le micro ne se donne plus. Comme la parole, il se prend, s’arrache puis se garde tant l’objet chromé, symbole du spectacle, fait briller de mille feux l’individu contemporain. Vue comme une contribution citoyenne au débat public, l’interpellation à bout portant du professionnel de la politique, à travers une discussion filmée, franche et directe, fait entrer aussitôt dans le champ du spectacle le citoyen connecté, tapi dans l’ombre jusque-là.

Dans cette logique de fixation, de médiatisation et d’« immédiatisation » du sujet, le message dilué dans une forme toujours sensationnaliste, n’a pas d’importance là encore. À l’écran, c’est le messager que l’on garde, fait parler et exploite ainsi que la séquence, de laquelle sera extraite la meilleure image à l’origine du débat du jour. L’interpellation du politique par le néo-citoyen comme voie rapide vers le nouveau spectacle politique, si elle traduit une colère légitime, témoigne aussi du besoin de vedettariat de l’époque qui sollicite la lumière avec le public et ses applaudissements.

La suite dans le livre ci-dessous :

« Le Nouveau Spectacle politique » (Editions Nicaise), Essai.

François Belley

vendredi 17 février 2023

POURQUOI TANT DE BORDEL À L’ASSEMBLÉE ?

 


















À l’heure de l’ultra-com, 3 explications :

- L’AVÈNEMENT DE L’AUTO-ENTREPRENARIAT POLITIQUE.
Avec l’accès à la publication et la personnalisation du débat public comme conséquences directes, l’acteur politique, en écho à une société recentrée sur elle-même, a muté vers un statut nouveau : celui d’auto-entrepreneur politique qui, à la manière d’une petite entreprise individuelle, gère seul désormais, son image, ses coups de com’ et le développement de sa propre marque sur le marché.
Obnubilé par la croissance de sa petite personne qu’il veut et voit grande, l’auto-entrepreneur politique nouvellement émancipé se singularise par son indépendance, sa liberté d’entreprendre et de se mettre en spectacle. L’auto-entrepreneur réfléchit par lui-même. Il agit surtout pour lui-même. Dans cette logique, la personnalité cannibalise le collectif ; l’individu vampirise le groupe.

- LA RECHERCHE DU HAPPENING PERMANENT.
Pour celui qui s’aventure sur le marché du nouveau spectacle politique, l’impact de la sortie publique, par le coup d’éclat ou le dérapage, la publication ou la déclaration, s’apparente à une véritable obsession. Parce que la lumière sociale-médiatique ressemble à une libido qu’il faut assouvir au plus vite, le professionnel de la politique, comme le néo-politique, face à sa pulsion de représentation, cherche l’audimat désespérément. Ainsi, faute d’idées et de vrais combats, le politique au besoin vital d’être vu, braque l’actualité par le biais de happenings, sous forme d’opérations coup de poing, calibrées pour les médias et les réseaux sociaux.
Dans un monde où l’agitation a remplacé l’action politique et le divertissement balayé la réflexion, l’agitprop médiatique par la voie de la subversion est devenue la nouvelle façon de faire de la politique : celle qui se remarque, fait parler et dont la réussite s’évalue par le nombre de vues, de likes et de partages.

- LE DIKTAT DU SPECTACULARISME.
Dans le spectacle, il n’y a rien de pire que l’insensibilité, l’impassibilité et l’indifférence du public ; l’absence totale d’émotions et d’impressions, d’avis et d’opinions. Aussi, l’adhésion comme le rejet du spectacle doivent nécessairement susciter de la réaction, positive ou négative. Qu’importe, pourvu que le commentaire offre aux masses, à la vie monotone, la décharge d’endorphine et d’excitation attendue. Idéologie de la société de contenus, le spectacularisme, c’est précisément cette capacité de l’industrie sociale-médiatique à servir, dans l’assiette gargantuesque du public, du contenu de nature spectaculaire. Celui même qui, le temps d’une connexion, fera vivre à l’abonné au néo-divertissement, la fameuse « expérience utilisateur ».

C’est comme ça : devant son écran de spectacle, l’homme connecté veut vivre des moments intenses, atteindre l’épilepsie, être touché et transporté, stimulé et serré : en avoir plein la vue, la tête et les oreilles

Une fois ce constat fait, il existe des solutions pour contourner le diktat de la com’ et redonner de crédit à la parole politique. Elles sont dans ce livre, précisément à la page 225.
« Le Nouveau Spectacle politique » (Editions Nicaise), Essai.

François Belley.

lundi 13 février 2023