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jeudi 17 mars 2022

VIE et MORT de L'AFFICHE POLITIQUE.



Ça y est !

La cuvée 2022 des "affiches du 1er tour de l'élection présidentielle" vient de sortir. Mais je vous le dis tout de suite, elle ne ressemble en rien à un grand cru. Les candidats-produit ont posé, les publicitaires-prestidigitateurs ont retouché grossièrement et les conseillers en communication, grassement payés pour dire oui !, ont validé... sans surprise.

Alors quels enseignements peut-on tirer de cette nouvelle édition des affiches politiques ?

Eh bien que l'affiche politique est morte ! Voici pourquoi !

D'abord en préambule, 3 remarques générales :

1 - C'est définitivement la mort des partis politiques ;

Sur cette série d'affiches en effet, les logos des partis (hormis le NPA en majeur, en haut de l'affiche) sont soit en miniature (PCF, PS, LR, Union Populaire), soit carrément absents (LREM, Reconquête, RN, Debout la France). Les partis sont devenus un boulet pour ceux qui les portent, désormais trop lourds à porter pour les candidats, comprendre en langage marketing, plus du tout vendeurs pour ceux qui s'engagent dans l'élection suprême.

Autrement dit et plus que jamais, c'est le règne absolu des personnalités, des visages, des images, des plans-poitrine ! Dans le spectacle politique, il n'y a, de toute façon, pas de place aux idées. Elles sont même jugées dangereuses par la matrice du spectacle : à savoir la communication à outrance !

2 - C'est le dernier souffle de "l'affiche politique" ;

Historiquement en effet (c'est-à-dire à l'ère des médias de masse : TV, radio, presse), l'affiche politique était conçue d'abord pour installer un positionnement, mettre en lumière une différence chez le candidat, marquer les esprits du consommateur-citoyen: surtout être reprise sur l'ensemble des supports possibles. Sauf qu'aujourd'hui, à l'ère du sociale-médiatique (réseaux sociaux & chaînes d'infos), c'est aujourd'hui la punchline qui domine, la petite phrase, le hashtag, le coup de com', bref le buzz !, qui sont repris, martelés, diffusés partout.

Autrement dit, l'affiche politique est devenue désuète, carrément archaïque. Le panneau électoral est devenu aujourd'hui son tombeau. Ni plus, ni moins.

3 - C'est l'exercice quinquennal de la marchandisation assumée du politique ;

Tous les 5 ans, c'est en effet la fête de la retouche, du filtre et de la baguette photoshop. Comme les soldes aux jours limités, le produit doit séduire voire se brader pour gagner les cœurs (pas les cerveaux) des consommateurs .

Autrement dit, c'est l'ère continue du pack-shot produit-politique. Sauf, que désormais à l'heure du smartphone, des applis de détourage gratos, du photoshop vulgarisé, du montage assimilé, les ficelles grossières du marketing sont connues, vues et revues.

Allez, analysons les affiches franchement nulles des candidats. C'est le spectacle pour le spectacle. Mais plus personne n'est dupe. Les affiches se collent. Mais ça n'imprime pas ou plus.

 

FABIEN ROUSSEL

OU L'AFFICHE LA + DISRUPTIVE !

Ici les codes couleur du parti communiste ( le "rouge" historique) ont totalement disparu. Place aux couleurs flashy, plus modernes. Ce qui est intéressant ici c'est le dégradé de couleur propre au réseau social Instagram. Jugez par vous-même, c'est frappant ! Le Roussel, faut qu'il continue à être décalé, cool, disruptif : c'est-à-dire casser les codes de son territoire de marque ! Quant au slogan, notons que " La France des jours heureux " datent du programme du " Conseil National de la Résistance". NOTE : 6/10 pour l'originalité.

MARINE LE PEN

OU L'AFFICHE LA + PRESIDENTIELLE. 

Marine Le Pen se présente aux conso-électeurs comme la femme libérée : libérée de son parti, du père, donc de son patronyme. C'est donc "Marine" et plus rien d'autres qui communique "les yeux dans les yeux". Après le slogan -texto avec ("La FRance qu'on aime "M" dans le titre pour gagner en sympathie, en proximité, en émotion), Marine Le Pen ch,erche à gagner cette fois-ci en désirabilité (Femme), en singularité, (seule femme réellement dans la course) et en crédibilité (Etat) avec le slogan "Femme d'Etat". Après le débat de l'entre-deux-tours clairement raté de 2017 avec E. Macron, le message à faire passer est désormais le suivant : "Maintenant, je suis prête". NOTE : 7/10 pour la cohérence et le ratio désirabilité/crédibilité.

 

ERIC ZEMMOUR

OU L'AFFICHE LA + DIRECTE.

Sur la liste de départ, le "Z" est le seul candidat non "professionnel de la politique".

Sauf que dans cette affiche très ou trop classique, il fait tout, en réalité, pour être perçu par les masses comme un homme politique comme les autres : un présidentiable du système qu'il dénonce et combat pourtant.
Notons que son slogan "Pour que la France reste la France" est ici très publicitaire car on voit bien là comment est vendu, à la manière d'une lessive qui laverait plus blanc, le bénéfice-produit au client conso-citoyen par le vendeur Eric Zemmour. NOTE : 6/10

JEAN-LUC MELENCHON

OU L'AFFICHE LA + PHOTOSHOPEE. 

En marketing, il y a une règle d'or. Quand le produit vieilllit, il faut soigner le packaging. Nous avons donc ici sans doute l'affiche la plus retouchée, un passage sur photoshop d'ailleurs remarquée, dénoncée et moquée sur les réseaux sociaux : les ficelles grossières du marketing-produit étant connues aujourd'hui de tous. Ce qui est intéressant par ailleurs, c'est le slogan " Un autre monde est possible " en rebond évidemment à l'actualité (chaude / Ukraine) en cours et à venir (climat). Le Jean-Luc s'inscrit comme l'homme qui peut offrir un autre destin à la France, au Monde carrément. En publicité, on appelle ça "l'over-promising". Il promet ce que le produit ne peut offrir. NOTE : 6 pour le slogan.

YANNICK JADOT

OU L'AFFICHE LA + PLUS SHOW-BIZZ.  

Cette affiche, on dirait une une pochette de disque. Le slogan "Faire face" (à la guerre, à la crise, au réchauffement climatique, bref on y met et voit ce qu'on veut...) sonne même carrément titre d'album, un peu à la Calogéro qui était lui "face à la mer" Le Yannick, il la joue artiste. Shooté par Jonathan Mannion (qui a photographié notamment NTM ou Jay-Z), Yannick Jadot est ici présenté comme un chanteur (visuel ferré à gauche, photo recadrée/coupée, regard vers l'avenir). On voit bien, dans le traitement graphique, l'univers entremêlé du politique et du star-system. NOTE : 5/10.

EMMANUEL MACRO

OU L'AFFICHE LA + TROMPEUSE. 

Après le Président-Top gun, instagrameur, parachutiste, maraudeur (et j'en passe), voilà donc le Président qui enfile pour la seconde fois le costume de candidat à l'élection présidentielle. Après,   le slogan " Emmanuel Macron avec vous " (qui donnait un côté super-héros-Marvel à Macron durant ces crises qu'il nous annonce comme durable), le prénom/nom du candidat s'est réduit, est même passé étrangement au second plan : le message devenant simplement " Nous Tous". Sauf, qu'après un quinquennat de divisions, la France fracturée du pass-vaccinal,  passé, les affaires qui semblent voler en escadrille, "le Nous Tous" (qui traduit un président-candidat en recherche d'Unité) sonne faux. Le Candidat ne peut être crédible sur cet axe. Une stature plus en hauteur, au regard des crises actuelles, eut été plus préférable pour lui (La paix et la sécurité de VGE en 1974 aurait été même pus efficace). Encore une mauvaise reco' des boites de consulting. NOTE :  3/10.


VALERIE PECRESSE

OU L'AFFICHE LA + GENANTE.  

Disons le clairement : la Valoche, elle n'est faite ni pour la scène, ni pour les séances de shooting. Ici, Valérie Pécresse est clairement mal à l'aise. Elle n'est pas naturelle et ça se voit. Austère, elle est même un peu tristoune. Quant à son slogan " Le courage de faire ", il fait étrangement écho à celui de François Fillon (1er tour 2017) avec son " Le courage de la vérité ". C'est très classique, conventionnelle. Notons qu'il est plus clair que le précédent " La fierté française retrouvée ", à la formulée un peu alambiquée. NOTE : 3,5/10.

ANNE HIDALGO

OU L'AFFICHE LA + ALGORITHMIQUE 

Les brillants communicants du staff Hidalgo nous proposent typiquement l'affiche dite Colgate, avec dans le print une dominante de la couleur blanche. Le sourire est éclatant, assumé, presque jusqu'au-boutiste (contrairement à ses concurrents dont on voit que très rarement les dents). Le produit est ici sublimé. Opération séduction pour Hidalgo. Pour le slogan, notons que les pubards ne se sont pas emmerdés. Un algorithme a dû en effet chercher les 3 mots les plus utilisés dans les slogans politiques depuis 50 ans. Au final, ça donne donc " Ensemble changeons d'avenir". On ne peut pas faire aussi convenu. NOTE : 3,5/10

NICOLAS DUPONT-AIGNAN

OU L'AFFICHE LA + PLUS COPIEE-COLLEE.  

Nicolas nous refait le coup de l'affiche Mitterrandienne en 1981 avec son slogan " La force tranquille ". Dans l'image, le parallèle est frappant, presque dérangeant même. Tout se passe dans l'arrière-plan : la campagne, le petit village, le clocher. Le slogan " Choisir la liberté " est en revanche assez cohérent. Il fait référence aux positions assumées du candidat de Debout la France sur le pass sanitaire, le vaccin et le pass vaccinal. NOTE : 5/10 pour la cohérence du slogan et la compo de l'affiche plutôt harmonieuse.

NATHALIE ARTHAUD

OU L'AFFICHE LA + PARTISANE.

Nathalie, elle ne fait ni dans le spectacle, ni dans l'originalité. C'est "le camp des travailleurs" comme Arlette en 2002 (Toujours le camp des travailleurs),  2007 (qui d'autre peut se dire sincèrement dans le camp des travailleurs ?) ou elle-même en 2017 (Faire entendre le camp des travailleurs). La nouveauté, c'est qu'elle ne propose pas une affiche-tract, une affiche fourre-tout comme les précédentes. L'affiche est épurée. Plus moderne. Plus officielle que la précédente très classique où on retrouvait tous les codes de lutte Ouvrière, le rouge, la lexicologie ("le capitalisme" qu'il faut "renverser". NOTE : 6,5/10.

PHILIPPE POUTOU

OU L'AFFICHE LA + COOL.

Avec Poutou, on n'est pas dans la pub ni dans la retouche ni dans la com' grossière et le paraître. On n'est pas non plus dans l'ego trip. Le logo du NPA, comme le positionnement (L'urgence anti-capitaliste) sont en majeur au détriment du nom/prénom du candidat, en bas de l'affiche. Le Philippe, il se la joue cool, avec la casquette de l'ouvrier et le regard ailleurs. On le sent presque pas concerné, désintéressé. On reprend même le slogan de 2017 (« Nos vies, pas leurs profits ! »). Parait-il c'est sa dernière campagne avec ses camarades. Ca se verrait presque. Pour son positionnement anti-spectacle anti-com (rare dans nos sociétés), il mérite amplement la note suivante . NOTE : 6/10.











 JEAN LASSALLE

OU L'AFFICHE LA + PLUS DECEVANTE.  

C'est clairement l'affiche la plus décevante de cette série (au niveau quand même très bas), celle qui compte tenu du candidat, de son positionnement et des qualités de l'homme aurait mérité franchement plus de de créativité. Pourtant, l'axe de l'authenticité était le bon, et même très juste par rapport au politique qu'est Jean Lassalle. Le slogan "La France authentique" est assez pauvre, la photo trop convenue et l'arrière plan trop classique. On sent que cette affiche, dans la posture renvoyée au public, ne lui correspond pas. C'est clairement le candidat qui est plus à l'aise dans le réel : par exemple en été, torse nu, avec béret de berger sur la tête en train de couper du bois. Jean Lassalle est le candidat de loin qui a le plus de "flow".   Dommage qu'il ne s'exprime pas ici, au naturel, tel qu'il l'est, dans ses interviews, à l'Assemblée comme dans la vie en vrai. Jean, où sont tes moutons, ton rapport à la terre, au vrai que tu aimes tant ? Dommage.  NOTE : 4/10. 


 

 


 

dimanche 5 décembre 2021

LE POLITIQUE : 1er PRODUCTEUR DE SPECTACLES.


À l’image du premier meeting de Zemmour (avec les images de la salle chauffée, le zoom sur l’arrivée des soutiens, l’entrée en scène de l’acteur, les applaudissements, les drapeaux et les punchlines, les jets de chaises, les coups de poings, de pieds et de ceintures en direct), le meeting politique est devenu un spectacle comme un autre.

Le meeting politique ne vise évidemment pas à convaincre les militants, déjà convaincus des promesses de l’homme providentiel mais d’impressionner le grand public avec des paroles et des images fortes. Retranmis en direct sur les chaînes d’info en continu (parfois même sur des généralistes), le meeting, avec des “images fournies par l'équipe du candidat” sont du contenu-spectacle que l’on livre aux conso-spectacteurs. Cette mention, imbriquée dans l’écran du spectacle, n’a rien d’anodin. Car elle fait définitivement du politique un producteur de spectacles.

Aussi, la mise en scène conçue pour le besoin du show se doit d'être impeccable. Dans cette fabrique du divertissement, le rôle du militant à qui l’on offre le matériel nécessaire pour faire du bruit constitue la pièce maîtresse d’un spectacle réussi. Indissociable du spectacle, le militant est discipliné. Il applaudit, crie, chante, hue, siffle, scande à la demande. Le temps du meeting, il joue le rôle d’ambianceur du politique. Il est à l’origine de la fabrique du son et de l’image : un élément de la scénographie, aussi important que le décor, la musique ou encore la lumière. Comme le politique, le militant est un producteur de divertissement, au service du spectacle politique.

François Belley

http://francoisbelley.fr

L’affiche de campagne : support du spectacle politique.


Support publicitaire qui vise à vendre le politique sans complexe avec une image et des mots. Rassembler son camp, aller au-dessus des clivages, faire proche du peuple, atténuer l’agressivité du candidat, gagner en crédibilité ou en présidentiabilité : l’affiche politique est conçue, comme dans l’univers des marques, pour mettre en lumière les attributs (vrais ou non) d’un produit de grande consommation. Pour attirer l’attention, gagner l’adhésion et déclencher le vote en faveur du politique, tout est pensé pour exprimer au mieux le positionnement et la valeur ajoutée : l’angle et le cadrage de la photo, le regard, le sourire, le costume, l’arrière-plan, le filtre, les vraies gens, la vraie vie aussi. Dans une affiche de campagne, tout n’est qu’une question de forme, de packaging, de naturel que l’on fabrique avec des professionnels du paraître, des apparences et de la représentation-produit pour sublimer l’image du candidat figée dans un moment de séduction, au plus près du plus grand nombre.

Avec l’image, le slogan est l’autre élément-clé d’une affiche de campagne. «  Impossible n’est pas Français », « Make American great again », « Yes we can », , « Faire plus pour ceux qui ont moins », « La France qui ose », « Ensemble tout est possible », « Le changement, c'est maintenant », « Sous les pavés la plage », « CRS SS », « Police Assassin » : qu'il vende un homme, un pays, une thématique, un candidat, un programme, un positionnement, un rassemblement, une colère, une manif, un soulèvement, un mouvement : le slogan doit marquer les esprits. Quelques mots seulement doivent suffire pour faire passer un message, véhiculer une promesse, qualifier un produit, imposer ou changer une image. Le slogan est fait pour être repris et décliné partout jusqu’au plus petit support visible du monde marchand. La force du slogan réside dans sa formulation spectaculaire et sa répétition. Le slogan, réduit aujourd'hui en un mot avec le hashtag, répond à l'instantanéité et au temps d’attention ultra-court de l'époque, qui se contente de lire le résumé. La politique comme souhaitée par le spectacle doit rentrer dans le format imposé des bandeaux des chaînes d’« info » et l’espace-réduit des réseaux sociaux. C'est pourquoi la politique se limite aujourd’hui à un nombre de signes très réduit, des formules et des petites phrases, suffisantes pour faire le show.

François Belley

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vendredi 19 novembre 2021

Le bon filon du made in France.


Thème classique des campagnes présidentielles, depuis les années 70. 

« Produisons Français », « Acheter Français », « Produire Français », « Protectionnisme industriel », « Patriotisme industriel », « Patriotisme économique » : le made in France est d’abord une affaire de sémantique qui doit correspondre au positionnement politique du candidat qui l’emploie. 

La thématique du made in France vient répondre à une double crise : la première industrielle marquée par les délocalisations et les fermetures d’usines ; la seconde identitaire, marquée par la remise en cause de la mondialisation et de l’Europe. 

Pour le politique, s’approprier la paternité du concept du Made in France permet de surfer sur la mode du local, d’afficher son patriotisme et de se réfugier, comme dans l’univers commercial, derrière un label « France », gage de qualité, de savoir-faire et d’authenticité. 

 La défense du « fabriqué en France » est une tendance : un AOP politique. Elle imprime dans l’opinion : le made in France est stratégique. Il se prête aux effets d’annonce, à la fabrique de l’image, aux mises en scènes, en enfilant ici et là un béret ou une marinière.

François Belley

http://francoisbelley.fr

dimanche 7 novembre 2021

Le niveau 0 de la politique.


Les émissions de divertissement sont désormais l’espace d’expression privilégié de l’homme politique d’aujourd’hui, construit essentiellement sur l’apparition, l’image et l’émotion. Avec la séquence politique spectaculaire qui s’est ouverte, voilà donc le retour sur les écrans d’Une ambition intime, après une saison 1 surprenante qui avait vu passer sur le canapé de Karine Le Marchand - à l’humour revendiqué « en dessous de la ceinture » - les candidats A. Juppé, N. Sarkozy, F. Fillon ou encore F. Bayrou, venus à l’époque dans un objectif d’exposition et de popularité, de sympathie de proximité : des candidats-spectacle qui connurent tous ensuite l’échec dans les urnes.

Pour cette saison 2, même concept de divertissement : le politique filmé dans son intimité est invité à se mettre à nu devant les Français, et ce à travers des questions extrapolitiques qui concernent la vie privée et le couple, le mari, la colocatrice et les enfants, les chats, les courses ou le jardinage. À ceci près que pour cette saison 2, la nouveauté marketing réside sur le parti-pris d’un casting politique « 100 %  féminin » (avec A. Hidalgo, V. Pécresse, M. Le Pen, R. Dati, M. Schiappa), en écho sans surprise à l’air du temps. La télévision est ainsi faite qu’elle suit toujours la direction du vent et de la manche à air. Ainsi, le téléspectateur découvrira-t-il dans cette émission la passion de V. Pécresse pour le fromage et celle de M. Le Pen pour le jardinage. Ce qui aidera sans doute le citoyen à se faire une opinion et à l’aider dans le choix de son futur candidat.

Une Ambition intime est le niveau 0 de la politique. Cette émission atteint en revanche le niveau maximal de la politique-spectacle. Qu’importe si l’animatrice (présentatrice de L’Amour est dans le pré) n’est pas une spécialiste des questions politiques ni même une journaliste : le « monsieur Loyal » de la politique est là, avant tout, pour présenter le programme et divertir le public, accroc au people et à la faille, la confidence et la punchline de l’homme ou de la femme de pouvoir. Dans cet exercice de pipolisation pure, il n’y a pas de contradiction ni de sérieux, pas d’idées ni de débat possible. C’est pourquoi les questions sont légères. Le ton est complaisant, l’ambiance sympathique et l’air agréable. Avec Une Ambition intime, c’est le règne absolu du non-sérieux, la victoire du ludique, le sacre de l’anecdote et du secondaire. Dès lors, si les sujets « politiques » sont abordés, ils le sont d’abord du coin des lèvres, traités de toute façon par le prisme du divertissement, du second degré et de la blagounette, de l’image et de la dérision.

À la recherche d'un retour rapide sur investissement, le politique d’aujourd’hui – en s'offrant si facilement au jeu de la mise en scène, du roman-photo, de la confidence, de la story ou de l’interview-confession livrée à la commande – répond une fois de plus au diktat de la séduction, modèle dominant de nos sociétés du paraître. Désormais, dans toutes les sphères politiques, économiques, sportives, artistiques, culturelles ou médiatiques, il faut plaire : charmer à tout prix le chaland pour espérer le convaincre. Pour conquérir le pouvoir, il faut, à l’écran, devenir irrésistible à l’aide d’artifices esthétiques, vestimentaires ou narratifs. Alors le politique se montre et raconte, apparaît, se dévêtit et pose, travaille son regard et soigne son look, répète son sourire et sur-joue la proximité, autrement dit, excelle dans le travestissement et le pathos : un jeu de rôle et une extimité qui relèguent de fait le candidat, l’élu ou la ministre au rang de marchandise, de produit de consommation formaté pour les ventes et l’audimat.

À première vue, l’émission de divertissement (à travers le people-politic, l’infotainement ou le talk-show...) est un format gagnant-gagnant pour les chaînes de spectacle comme pour l’invité politique. Le candidat a en effet l’assurance de toucher un public ayant fui la sphère politique ; de ne pas lasser le téléspectateur avec un discours trop technique ; de ne pas être non plus déstabilisé par l’intervieweur, faute de sujet de fond et de maîtrise. Quant à la chaîne et l’animatrice du programme, en mariant deux univers (politique et divertissement) qu’a priori tout oppose sur le papier, elles s’assurent de toute évidence d’un gros coup de pub et, par le contenu créé à voir et à revoir, peuvent se targuer d’avoir ainsi fait parler de l’émission, avant et surtout après sa diffusion. Soit le graal de tous les producteurs de spectacles.

Dans cette relation bipartite exclusivement , il y a toutefois un grand perdant que l’on continue de malmener et de dévaloriser en public, d’humilier et de piétiner à l’écran, de discréditer et de dévaluer à une heure de grande écoute. Et ce grand perdant : c’est la fonction et la discipline politiques. Objet de contemplation pour les masses qui ne distinguent plus le privée du public, la mise en scène de l’intimité viserait à normaliser le politique (devenu prisonnier de la forme), mettre à distance la fonction et se rapprocher de l’électorat. Selon le dossier de presse de l’émission, Une Ambition intime ambitionnerait même de « faire avancer les choses ». Dont acte.

En réalité, c’est tout l’inverse. Au service du système spectaculaire, ces émissions qui "divertissent" le dimanche soir, émeuvent et dupent les foules regardantes, nuisent à la politique et décrédibilisent définitivement son personnel.

François Belley

http://francoisbelley.fr

lundi 25 octobre 2021

La commedia dell'arte médiatico-politique.












Les Hommes politiques sont des acteurs comme les autres !

Dans le contrat tacite qu’ils signent avec leurs publics respectifs (classes populaires, csp+, jeunes, retraités...), les politiques doivent donc paraître « vrai » : c’est-à-dire jouer «l’authenticité » dans les mots, les gestes, les postures comme les combats menés. Selon la loi du théâtre, le bon comédien doit répondre à son devoir de représentation. Ainsi, le comique (tel Hanouna) se doit dêtre publiquement toujours drôle, l’opposant (Mélenchon) se montrer contre par principe et le polémiste (Zemmour) créer la controverse en permanence. Rester fidèle et conforme aux attributs distinctifs du personnage tel qu’il est perçu par les masses, voilà l’enjeu pour l’Homme de plateau.

Masque de la colère, de la révolte ou de l’indignation, masque de la compassion, de la victimisation ou de l’injustice, masque de l’opposition, de l’autorité ou encore de la proximité : l’apparition sur la scène social médiatique (plus largement dans l'écran du spectacle) demande le port obligatoire du masque théâtral. Symbole de la commedia dell' arte, plus largement du divertissement, le masque destiné à cacher, travestir, amuser ou à représenter un autre que soi efface la personnalité d’origine. Comme le maquillage ou le costume qui modifient l'apparence, il est l’outil de l’illusion. Le port du masque (utilisé ici dans son sens symbolique à travers le rôle joué devant la caméra de télévision ou de smartphone) transforme. Il fait entrer l’Homme de scène dans la peau du personnage qu'il joue. Il projette aussitôt dans l’identité d'acteur. Le temps de l’apparition-média, l'emprunt du « masque de » agit sur le comportement, conditionne la communication verbale et non verbale de celui venu pour brûler les planches.

En fonction du rôle attribué sur le plateau ou devant la caméra, l’invité du spectacle peut s'agiter sur sa chaise, parler avec son corps, appuyer le regard, élever le niveau de sa voix, froncer les sourcils et pointer du doigt son interlocuteur. L’invité du spectacle peut sourire, pleurer également si le personnage et son texte l’exigent. Comme dans la Tragédie, le masque doit être expressif. Le « masque de » dépend de l’actualité et du débat du jour, de l’offre disponible sur le marché des têtes spectaculaires, aussi de la production en charge de l’homogénéité et de l’explosivité du casting. Ainsi, l’indigné du jour n’est pas toujours celui de la veille ni celui du lendemain. Pour le besoin du spectacle, le masque se propose, s’accepte et se porte avec plus ou moins d’habilité, selon la qualité du texte, l’expérience de la scène, le niveau d’exigence et de préparation de l’acteur.

François Belley

http://francoisbelley.fr