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mardi 8 mars 2022

L’allocution-spectacle comme mode de gouvernance.

En politique, le prononcé fait foi : il acte et officialise.

Effectuée depuis l’Élysée, un ministère ou un QG de campagne, devant un collège, une église ou un hôpital militaire, l’allocution, classique de la communication de masse, retransmise en direct sur les chaînes d’info et de spectacle, solennise le propos de celui qui s’adresse à une heure de grande écoute aux « concitoyens » ou aux « compatriotes », à « la Nation » ou à « la République ». L’allocution d’un Président, d’un Premier ministre, d’un préfet de Police, d’un porte-parole de gouvernement ou d’un directeur général de la Santé est orchestrée pour l’effet de com’ qu’elle produit dans l’opinion, aussi pour la séquence médiatique qu’elle construit autour du personnage mis en scène dans un decorum compatible avec l’écran du spectacle (pupitre, drapeaux, surimps et sous-titres, slogans et hashtag du jour,). « Avait-il la bonne tonalité ? », « Comment l’avez-vous trouvé ? », « A-t-il bien parlé ? » : l’allocution politique trouve son intérêt non pas dans le contenu développé mais, comme au sortir d’une pièce de théâtre, sur la prestation : la forme et l’image de l’acteur jugé « à la hauteur » et « convaincant », « pas à l’aise » et « décevant ».

À l’heure de l’hypercommunication et de l’ultrapersonnalisation du pouvoir, l’allocution-spectacle (annoncée donc attendue) qui cannibalise l’événement n’a plus rien d’exceptionnel, et ce malgré les efforts répétés par le système médiatico-politique à nous la présenter comme telle.

Le temps de la rareté de la parole chère à Jacques Pilhan, théoricien du silence, est révolu. L’heure est maintenant à l’allocution continue comme mode de gouvernance. Au centre de toutes les attentions désormais, l’homme politique, premier sur l’événement, a pris la place de premier commentateur de l’actualité. Coresponsable du bruit permanent, celui-ci est comme le consultant du spectacle : à l’écran, il apparaît et parle. Il ne disparaît jamais.

Dans l’ère du spectacle, la politique n’est plus qu’apparition, mise en scène et bruit en continu. Cette activité débordante donne bien sûr aux « concitoyens » ou aux « compatriotes », l’illusion de l’action. À « la Nation » ou à « la République », cette masse de paroles, de papier et de comités donne l’illusion de la décision.

François Belley.

https://francoisbelley.fr