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samedi 14 janvier 2023

BRIGITTE MACRON EN CAMPAGNE. Pourquoi elle coche toutes les cases !













IMPOSER LE DÉBAT. Check !

Tel un politique professionnel, Brigitte Macron démontre qu'elle maîtrise, elle aussi, les codes de l'époque-punchline pour faire parler d'elle et occuper la scène médiatique. Jadis utilisée par Ségolène Royal (« ordre juste », « jury citoyen », « camp de redressement ») plus récemment par Sandrine Rousseau (« barbecue », « affaire Bayou »), la technique marketing est connue : elle consiste, tel un youtubeur à succès, à lancer une formule choc et polémique par intervention. Aussi, que ce soit sur le modèle à la française (« dans quel pays c’est mieux ? ») ou l'uniforme à l'école (« une tenue simple et pas tristoune »), toutes les récentes sorties de Brigitte Macron visent à faire l'actualité, lancer le débat puis laisser les autres commenter, sur les plateaux, les réseaux sociaux ou dans la salle des 4 colonnes.

CRÉER LA SÉQUENCE. Check !

Chez celle qu'on appelle communément « Brigitte » (comme jadis « Ségolène » ou aujourd'hui « Marine »), la semaine passée est particulièrement intéressante à analyser en termes d’apparition publique. Car, sur le plan de la construction-média pensée en temps forts, elle ressemble à s'y méprendre à une semaine-type de campagne où le candidat doit sans cesse occuper l'espace. Il y a d'abord eu sa « visite » (de campagne) à l'hôpital, puis son interview (de campagne) au sacro-saint 20h, puis sa com’ (de campagne) comme co-animatrice avec Arthur sur TF1 (« Le Grand concours spécial Pièces Jaunes »). Avec l'aide de l'Opération Pièces Jaunes dont elle dépasse la mission, " Brigitte " cristallise. Incontestablement, elle s'est imposée comme le "sujet" de la semaine, au point même de rivaliser, en termes de bruit médiatique, avec le sujet pourtant chaud des retraites.


RECHERCHER LA LÉGITIMITÉ. Check !

« Justice » aux côtés d’Éric Dupond-Moretti, « Education Nationale » devant Pap Ndiaye, « Santé » en lieu et place de François Braun : Brigitte Macron sort de son rôle de manière tactique, fait de la politique avec son style et intervient sans complexe sur tous les sujets. Pour autant, compte tenu de son statut de première dame, elle n’est pas (encore) légitime ni aux yeux des Français, ni aux yeux du camp présidentiel. Tout son travail, avec celui des communicants, sera donc ces prochains mois d'apparaître de plus en plus crédible. Dans son édition du 13 janvier, le journal Le Monde la présente comme "une première dame de plus en plus politique." C’est une première étape dans la construction de la marque et son objectif. D'autres papiers iront en ce sens. Aussi logiquement, il est fort à parier que viendra bientôt l'heure des déclarations de type "je suis en phase d'écoute", "j’avance" ou "je suis prête au débat", lesquelles renforceront l'ambiguïté de candidature, lanceront la phase de teasing et installeront le probable improbable duel « Brigitte VS Marine » ? La politique est complexe. Mais le marketing politique si prévisible.

François Belley. Check !

Pour aller plus loin, lire l'essai :

"Le Nouveau Spectacle politique", Editions Nicaise

https://lnkd.in/ghgFYEh8

jeudi 17 mars 2022

VIE et MORT de L'AFFICHE POLITIQUE.



Ça y est !

La cuvée 2022 des "affiches du 1er tour de l'élection présidentielle" vient de sortir. Mais je vous le dis tout de suite, elle ne ressemble en rien à un grand cru. Les candidats-produit ont posé, les publicitaires-prestidigitateurs ont retouché grossièrement et les conseillers en communication, grassement payés pour dire oui !, ont validé... sans surprise.

Alors quels enseignements peut-on tirer de cette nouvelle édition des affiches politiques ?

Eh bien que l'affiche politique est morte ! Voici pourquoi !

D'abord en préambule, 3 remarques générales :

1 - C'est définitivement la mort des partis politiques ;

Sur cette série d'affiches en effet, les logos des partis (hormis le NPA en majeur, en haut de l'affiche) sont soit en miniature (PCF, PS, LR, Union Populaire), soit carrément absents (LREM, Reconquête, RN, Debout la France). Les partis sont devenus un boulet pour ceux qui les portent, désormais trop lourds à porter pour les candidats, comprendre en langage marketing, plus du tout vendeurs pour ceux qui s'engagent dans l'élection suprême.

Autrement dit et plus que jamais, c'est le règne absolu des personnalités, des visages, des images, des plans-poitrine ! Dans le spectacle politique, il n'y a, de toute façon, pas de place aux idées. Elles sont même jugées dangereuses par la matrice du spectacle : à savoir la communication à outrance !

2 - C'est le dernier souffle de "l'affiche politique" ;

Historiquement en effet (c'est-à-dire à l'ère des médias de masse : TV, radio, presse), l'affiche politique était conçue d'abord pour installer un positionnement, mettre en lumière une différence chez le candidat, marquer les esprits du consommateur-citoyen: surtout être reprise sur l'ensemble des supports possibles. Sauf qu'aujourd'hui, à l'ère du sociale-médiatique (réseaux sociaux & chaînes d'infos), c'est aujourd'hui la punchline qui domine, la petite phrase, le hashtag, le coup de com', bref le buzz !, qui sont repris, martelés, diffusés partout.

Autrement dit, l'affiche politique est devenue désuète, carrément archaïque. Le panneau électoral est devenu aujourd'hui son tombeau. Ni plus, ni moins.

3 - C'est l'exercice quinquennal de la marchandisation assumée du politique ;

Tous les 5 ans, c'est en effet la fête de la retouche, du filtre et de la baguette photoshop. Comme les soldes aux jours limités, le produit doit séduire voire se brader pour gagner les cœurs (pas les cerveaux) des consommateurs .

Autrement dit, c'est l'ère continue du pack-shot produit-politique. Sauf, que désormais à l'heure du smartphone, des applis de détourage gratos, du photoshop vulgarisé, du montage assimilé, les ficelles grossières du marketing sont connues, vues et revues.

Allez, analysons les affiches franchement nulles des candidats. C'est le spectacle pour le spectacle. Mais plus personne n'est dupe. Les affiches se collent. Mais ça n'imprime pas ou plus.

 

FABIEN ROUSSEL

OU L'AFFICHE LA + DISRUPTIVE !

Ici les codes couleur du parti communiste ( le "rouge" historique) ont totalement disparu. Place aux couleurs flashy, plus modernes. Ce qui est intéressant ici c'est le dégradé de couleur propre au réseau social Instagram. Jugez par vous-même, c'est frappant ! Le Roussel, faut qu'il continue à être décalé, cool, disruptif : c'est-à-dire casser les codes de son territoire de marque ! Quant au slogan, notons que " La France des jours heureux " datent du programme du " Conseil National de la Résistance". NOTE : 6/10 pour l'originalité.

MARINE LE PEN

OU L'AFFICHE LA + PRESIDENTIELLE. 

Marine Le Pen se présente aux conso-électeurs comme la femme libérée : libérée de son parti, du père, donc de son patronyme. C'est donc "Marine" et plus rien d'autres qui communique "les yeux dans les yeux". Après le slogan -texto avec ("La FRance qu'on aime "M" dans le titre pour gagner en sympathie, en proximité, en émotion), Marine Le Pen ch,erche à gagner cette fois-ci en désirabilité (Femme), en singularité, (seule femme réellement dans la course) et en crédibilité (Etat) avec le slogan "Femme d'Etat". Après le débat de l'entre-deux-tours clairement raté de 2017 avec E. Macron, le message à faire passer est désormais le suivant : "Maintenant, je suis prête". NOTE : 7/10 pour la cohérence et le ratio désirabilité/crédibilité.

 

ERIC ZEMMOUR

OU L'AFFICHE LA + DIRECTE.

Sur la liste de départ, le "Z" est le seul candidat non "professionnel de la politique".

Sauf que dans cette affiche très ou trop classique, il fait tout, en réalité, pour être perçu par les masses comme un homme politique comme les autres : un présidentiable du système qu'il dénonce et combat pourtant.
Notons que son slogan "Pour que la France reste la France" est ici très publicitaire car on voit bien là comment est vendu, à la manière d'une lessive qui laverait plus blanc, le bénéfice-produit au client conso-citoyen par le vendeur Eric Zemmour. NOTE : 6/10

JEAN-LUC MELENCHON

OU L'AFFICHE LA + PHOTOSHOPEE. 

En marketing, il y a une règle d'or. Quand le produit vieilllit, il faut soigner le packaging. Nous avons donc ici sans doute l'affiche la plus retouchée, un passage sur photoshop d'ailleurs remarquée, dénoncée et moquée sur les réseaux sociaux : les ficelles grossières du marketing-produit étant connues aujourd'hui de tous. Ce qui est intéressant par ailleurs, c'est le slogan " Un autre monde est possible " en rebond évidemment à l'actualité (chaude / Ukraine) en cours et à venir (climat). Le Jean-Luc s'inscrit comme l'homme qui peut offrir un autre destin à la France, au Monde carrément. En publicité, on appelle ça "l'over-promising". Il promet ce que le produit ne peut offrir. NOTE : 6 pour le slogan.

YANNICK JADOT

OU L'AFFICHE LA + PLUS SHOW-BIZZ.  

Cette affiche, on dirait une une pochette de disque. Le slogan "Faire face" (à la guerre, à la crise, au réchauffement climatique, bref on y met et voit ce qu'on veut...) sonne même carrément titre d'album, un peu à la Calogéro qui était lui "face à la mer" Le Yannick, il la joue artiste. Shooté par Jonathan Mannion (qui a photographié notamment NTM ou Jay-Z), Yannick Jadot est ici présenté comme un chanteur (visuel ferré à gauche, photo recadrée/coupée, regard vers l'avenir). On voit bien, dans le traitement graphique, l'univers entremêlé du politique et du star-system. NOTE : 5/10.

EMMANUEL MACRO

OU L'AFFICHE LA + TROMPEUSE. 

Après le Président-Top gun, instagrameur, parachutiste, maraudeur (et j'en passe), voilà donc le Président qui enfile pour la seconde fois le costume de candidat à l'élection présidentielle. Après,   le slogan " Emmanuel Macron avec vous " (qui donnait un côté super-héros-Marvel à Macron durant ces crises qu'il nous annonce comme durable), le prénom/nom du candidat s'est réduit, est même passé étrangement au second plan : le message devenant simplement " Nous Tous". Sauf, qu'après un quinquennat de divisions, la France fracturée du pass-vaccinal,  passé, les affaires qui semblent voler en escadrille, "le Nous Tous" (qui traduit un président-candidat en recherche d'Unité) sonne faux. Le Candidat ne peut être crédible sur cet axe. Une stature plus en hauteur, au regard des crises actuelles, eut été plus préférable pour lui (La paix et la sécurité de VGE en 1974 aurait été même pus efficace). Encore une mauvaise reco' des boites de consulting. NOTE :  3/10.


VALERIE PECRESSE

OU L'AFFICHE LA + GENANTE.  

Disons le clairement : la Valoche, elle n'est faite ni pour la scène, ni pour les séances de shooting. Ici, Valérie Pécresse est clairement mal à l'aise. Elle n'est pas naturelle et ça se voit. Austère, elle est même un peu tristoune. Quant à son slogan " Le courage de faire ", il fait étrangement écho à celui de François Fillon (1er tour 2017) avec son " Le courage de la vérité ". C'est très classique, conventionnelle. Notons qu'il est plus clair que le précédent " La fierté française retrouvée ", à la formulée un peu alambiquée. NOTE : 3,5/10.

ANNE HIDALGO

OU L'AFFICHE LA + ALGORITHMIQUE 

Les brillants communicants du staff Hidalgo nous proposent typiquement l'affiche dite Colgate, avec dans le print une dominante de la couleur blanche. Le sourire est éclatant, assumé, presque jusqu'au-boutiste (contrairement à ses concurrents dont on voit que très rarement les dents). Le produit est ici sublimé. Opération séduction pour Hidalgo. Pour le slogan, notons que les pubards ne se sont pas emmerdés. Un algorithme a dû en effet chercher les 3 mots les plus utilisés dans les slogans politiques depuis 50 ans. Au final, ça donne donc " Ensemble changeons d'avenir". On ne peut pas faire aussi convenu. NOTE : 3,5/10

NICOLAS DUPONT-AIGNAN

OU L'AFFICHE LA + PLUS COPIEE-COLLEE.  

Nicolas nous refait le coup de l'affiche Mitterrandienne en 1981 avec son slogan " La force tranquille ". Dans l'image, le parallèle est frappant, presque dérangeant même. Tout se passe dans l'arrière-plan : la campagne, le petit village, le clocher. Le slogan " Choisir la liberté " est en revanche assez cohérent. Il fait référence aux positions assumées du candidat de Debout la France sur le pass sanitaire, le vaccin et le pass vaccinal. NOTE : 5/10 pour la cohérence du slogan et la compo de l'affiche plutôt harmonieuse.

NATHALIE ARTHAUD

OU L'AFFICHE LA + PARTISANE.

Nathalie, elle ne fait ni dans le spectacle, ni dans l'originalité. C'est "le camp des travailleurs" comme Arlette en 2002 (Toujours le camp des travailleurs),  2007 (qui d'autre peut se dire sincèrement dans le camp des travailleurs ?) ou elle-même en 2017 (Faire entendre le camp des travailleurs). La nouveauté, c'est qu'elle ne propose pas une affiche-tract, une affiche fourre-tout comme les précédentes. L'affiche est épurée. Plus moderne. Plus officielle que la précédente très classique où on retrouvait tous les codes de lutte Ouvrière, le rouge, la lexicologie ("le capitalisme" qu'il faut "renverser". NOTE : 6,5/10.

PHILIPPE POUTOU

OU L'AFFICHE LA + COOL.

Avec Poutou, on n'est pas dans la pub ni dans la retouche ni dans la com' grossière et le paraître. On n'est pas non plus dans l'ego trip. Le logo du NPA, comme le positionnement (L'urgence anti-capitaliste) sont en majeur au détriment du nom/prénom du candidat, en bas de l'affiche. Le Philippe, il se la joue cool, avec la casquette de l'ouvrier et le regard ailleurs. On le sent presque pas concerné, désintéressé. On reprend même le slogan de 2017 (« Nos vies, pas leurs profits ! »). Parait-il c'est sa dernière campagne avec ses camarades. Ca se verrait presque. Pour son positionnement anti-spectacle anti-com (rare dans nos sociétés), il mérite amplement la note suivante . NOTE : 6/10.











 JEAN LASSALLE

OU L'AFFICHE LA + PLUS DECEVANTE.  

C'est clairement l'affiche la plus décevante de cette série (au niveau quand même très bas), celle qui compte tenu du candidat, de son positionnement et des qualités de l'homme aurait mérité franchement plus de de créativité. Pourtant, l'axe de l'authenticité était le bon, et même très juste par rapport au politique qu'est Jean Lassalle. Le slogan "La France authentique" est assez pauvre, la photo trop convenue et l'arrière plan trop classique. On sent que cette affiche, dans la posture renvoyée au public, ne lui correspond pas. C'est clairement le candidat qui est plus à l'aise dans le réel : par exemple en été, torse nu, avec béret de berger sur la tête en train de couper du bois. Jean Lassalle est le candidat de loin qui a le plus de "flow".   Dommage qu'il ne s'exprime pas ici, au naturel, tel qu'il l'est, dans ses interviews, à l'Assemblée comme dans la vie en vrai. Jean, où sont tes moutons, ton rapport à la terre, au vrai que tu aimes tant ? Dommage.  NOTE : 4/10. 


 

 


 

mercredi 8 décembre 2021

Le spectacle des parrainages.

Long métrage écrit, réalisé et interprété par les candidats, petits et grands.

Top départ de la course, mis en péril de la candidature, coup de gueule ou de détresse (à venir) sur les plateaux de télévision, compte à rebours avant la date limite, appels puis relances téléphoniques en direct, dépôt des 500 signatures à la dernière seconde jusqu'à la validation de candidature in extremis : la séquence des parrainages est toujours un grand moment de cinéma mis en scène par le candidat en coproduction avec les médias.

Au politique, le feuilleton de la course aux parrainages permet de tenir l'affiche et de se positionner, au fil des épisodes, comme un candidat (encore) victime du système. Aux médias, le (faux) suspense, rythmé chaque jour par des rebondissements, offrent l'opportunité de raconter une histoire dans l'histoire. Les grands candidats finissent toujours sur la ligne de départ. Les petits s'y arrêtent bien souvent avant mais repartent, dans la poche, avec un capital médiatique : une prime remise aux perdants par le système spectaculaire. Pour l'élection présidentielle, on n'échappera pas à cette règle. Cette dernière faisant partie du grand show électoral.

François Belley

http://francoisbelley.fr


dimanche 5 décembre 2021

LE POLITIQUE : 1er PRODUCTEUR DE SPECTACLES.


À l’image du premier meeting de Zemmour (avec les images de la salle chauffée, le zoom sur l’arrivée des soutiens, l’entrée en scène de l’acteur, les applaudissements, les drapeaux et les punchlines, les jets de chaises, les coups de poings, de pieds et de ceintures en direct), le meeting politique est devenu un spectacle comme un autre.

Le meeting politique ne vise évidemment pas à convaincre les militants, déjà convaincus des promesses de l’homme providentiel mais d’impressionner le grand public avec des paroles et des images fortes. Retranmis en direct sur les chaînes d’info en continu (parfois même sur des généralistes), le meeting, avec des “images fournies par l'équipe du candidat” sont du contenu-spectacle que l’on livre aux conso-spectacteurs. Cette mention, imbriquée dans l’écran du spectacle, n’a rien d’anodin. Car elle fait définitivement du politique un producteur de spectacles.

Aussi, la mise en scène conçue pour le besoin du show se doit d'être impeccable. Dans cette fabrique du divertissement, le rôle du militant à qui l’on offre le matériel nécessaire pour faire du bruit constitue la pièce maîtresse d’un spectacle réussi. Indissociable du spectacle, le militant est discipliné. Il applaudit, crie, chante, hue, siffle, scande à la demande. Le temps du meeting, il joue le rôle d’ambianceur du politique. Il est à l’origine de la fabrique du son et de l’image : un élément de la scénographie, aussi important que le décor, la musique ou encore la lumière. Comme le politique, le militant est un producteur de divertissement, au service du spectacle politique.

François Belley

http://francoisbelley.fr

L’affiche de campagne : support du spectacle politique.


Support publicitaire qui vise à vendre le politique sans complexe avec une image et des mots. Rassembler son camp, aller au-dessus des clivages, faire proche du peuple, atténuer l’agressivité du candidat, gagner en crédibilité ou en présidentiabilité : l’affiche politique est conçue, comme dans l’univers des marques, pour mettre en lumière les attributs (vrais ou non) d’un produit de grande consommation. Pour attirer l’attention, gagner l’adhésion et déclencher le vote en faveur du politique, tout est pensé pour exprimer au mieux le positionnement et la valeur ajoutée : l’angle et le cadrage de la photo, le regard, le sourire, le costume, l’arrière-plan, le filtre, les vraies gens, la vraie vie aussi. Dans une affiche de campagne, tout n’est qu’une question de forme, de packaging, de naturel que l’on fabrique avec des professionnels du paraître, des apparences et de la représentation-produit pour sublimer l’image du candidat figée dans un moment de séduction, au plus près du plus grand nombre.

Avec l’image, le slogan est l’autre élément-clé d’une affiche de campagne. «  Impossible n’est pas Français », « Make American great again », « Yes we can », , « Faire plus pour ceux qui ont moins », « La France qui ose », « Ensemble tout est possible », « Le changement, c'est maintenant », « Sous les pavés la plage », « CRS SS », « Police Assassin » : qu'il vende un homme, un pays, une thématique, un candidat, un programme, un positionnement, un rassemblement, une colère, une manif, un soulèvement, un mouvement : le slogan doit marquer les esprits. Quelques mots seulement doivent suffire pour faire passer un message, véhiculer une promesse, qualifier un produit, imposer ou changer une image. Le slogan est fait pour être repris et décliné partout jusqu’au plus petit support visible du monde marchand. La force du slogan réside dans sa formulation spectaculaire et sa répétition. Le slogan, réduit aujourd'hui en un mot avec le hashtag, répond à l'instantanéité et au temps d’attention ultra-court de l'époque, qui se contente de lire le résumé. La politique comme souhaitée par le spectacle doit rentrer dans le format imposé des bandeaux des chaînes d’« info » et l’espace-réduit des réseaux sociaux. C'est pourquoi la politique se limite aujourd’hui à un nombre de signes très réduit, des formules et des petites phrases, suffisantes pour faire le show.

François Belley

http://francoisbelley.fr

mardi 9 novembre 2021

De Gaulle : mètre-étalon de la politique.

Pour les médias comme pour les politiques, le temps commémoratif est aussi le temps de la célébration spectaculaire, celui du « vu » et du « à voir ». Bicentenaire de la Révolution française, centenaire de l’armistice, hommage à Jeanne d’Arc, appel du 18 juin, cinquantenaire de la mort du général de Gaulle : le rebond sur le calendrier permet au politique de s’approprier l’actualité et se sculpter une stature, faire passer des messages et récupérer à son compte l’Histoire avec ses symboles et ses forces d’évocations.

Le médiatico-politique aime jouer avec les dates, les lieux et la mémoire des grands Hommes comme il sait aussi jongler avec les chants et les discours, les chorégraphies et les minutes de silence : c’est le principe du marketing du souvenir, de la célébration et de l’hommage.

À l’instar des grands événements sportifs, il n’y a rien de mieux que « l’hommage » à vivre à travers l’écran du spectacle pour offrir à la population le moment de communion, les belles images et la dose d’émotions qu’elle attend. « Panthéonisation », « hommage national », « remise de médailles » ou de « badges de l’engagement », « applaudissements à 20h sur les balcons » : hier pour les héros de la Nation, les militaires, les policiers ou les sportifs, aujourd’hui pour ceux du quotidien, les soignants, les profs, les activistes et même les animaux, la distinction populaire comme prestige social, même à titre post-hume, n’échappe pas au diktat du visible spectaculaire.

À l’heure de la défiance presque totale à l’égard du politique, la commémoration (en lieu et place du meeting) s’impose au sein de la vie politique comme le dernier grand spectacle des émotions. Récompenser un geste héroïque, un engagement militant ou simplement l’incarnation d’une noble cause : pour le système spectaculaire, les honneurs doivent être avant tout médiatisés et suivre le processus de vente classique de la marchandise du « à voir ».

Cité de façon abusive dans les discours de droite comme de gauche, le Général de Gaulle est utilisé par le médiatico-politique essentiellement pour son image et sa force d’évocations. Dans l’inconscient collectif, le Général de Gaulle incarne la République. Il est l’image de l’appel du 18 juin, de la Résistance et de l’homme providentiel : soit la posture recherchée par tout Homme politique. Se référer au Général de Gaulle, c’est l’assurance de ne pas cliver l’électorat. C’est s’acheter une histoire et des valeurs, une morale aussi («Vous imaginez le général de Gaulle… ?»). Avec de Gaulle, le politique se réapproprie le roman historique. Il s’associe dans les mots à un type de leader politique qui n’existe plus aujourd’hui. Le Général de Gaulle est le mètre étalon de la politique.   

François Belley

http://francoisbelley.fr