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lundi 25 octobre 2021

La commedia dell'arte médiatico-politique.












Les Hommes politiques sont des acteurs comme les autres !

Dans le contrat tacite qu’ils signent avec leurs publics respectifs (classes populaires, csp+, jeunes, retraités...), les politiques doivent donc paraître « vrai » : c’est-à-dire jouer «l’authenticité » dans les mots, les gestes, les postures comme les combats menés. Selon la loi du théâtre, le bon comédien doit répondre à son devoir de représentation. Ainsi, le comique (tel Hanouna) se doit dêtre publiquement toujours drôle, l’opposant (Mélenchon) se montrer contre par principe et le polémiste (Zemmour) créer la controverse en permanence. Rester fidèle et conforme aux attributs distinctifs du personnage tel qu’il est perçu par les masses, voilà l’enjeu pour l’Homme de plateau.

Masque de la colère, de la révolte ou de l’indignation, masque de la compassion, de la victimisation ou de l’injustice, masque de l’opposition, de l’autorité ou encore de la proximité : l’apparition sur la scène social médiatique (plus largement dans l'écran du spectacle) demande le port obligatoire du masque théâtral. Symbole de la commedia dell' arte, plus largement du divertissement, le masque destiné à cacher, travestir, amuser ou à représenter un autre que soi efface la personnalité d’origine. Comme le maquillage ou le costume qui modifient l'apparence, il est l’outil de l’illusion. Le port du masque (utilisé ici dans son sens symbolique à travers le rôle joué devant la caméra de télévision ou de smartphone) transforme. Il fait entrer l’Homme de scène dans la peau du personnage qu'il joue. Il projette aussitôt dans l’identité d'acteur. Le temps de l’apparition-média, l'emprunt du « masque de » agit sur le comportement, conditionne la communication verbale et non verbale de celui venu pour brûler les planches.

En fonction du rôle attribué sur le plateau ou devant la caméra, l’invité du spectacle peut s'agiter sur sa chaise, parler avec son corps, appuyer le regard, élever le niveau de sa voix, froncer les sourcils et pointer du doigt son interlocuteur. L’invité du spectacle peut sourire, pleurer également si le personnage et son texte l’exigent. Comme dans la Tragédie, le masque doit être expressif. Le « masque de » dépend de l’actualité et du débat du jour, de l’offre disponible sur le marché des têtes spectaculaires, aussi de la production en charge de l’homogénéité et de l’explosivité du casting. Ainsi, l’indigné du jour n’est pas toujours celui de la veille ni celui du lendemain. Pour le besoin du spectacle, le masque se propose, s’accepte et se porte avec plus ou moins d’habilité, selon la qualité du texte, l’expérience de la scène, le niveau d’exigence et de préparation de l’acteur.

François Belley

http://francoisbelley.fr

jeudi 7 octobre 2021

Cyril Hanouna ou la défaite du politique.


Pour avoir le droit d'entrer dans le débat public, le politique d'aujourd'hui - qui n'en est plus un - requiert 3 qualités indispensables. 
 
1- Nul besoin d’être reconnu, il faut d'abord être connu. 
 Et Cyril Hanouna, animateur et producteur de télévision, l’est par le biais de ses apparitions quotidiennes à la télé, en access, prime ou night time. Pour réussir dans le spectacle politique, la notoriété est indispensable. Sans elle, pas de reconnaissance du public, donc pas d’acte d’achat possible. Dans les linéaires, un produit à forte notoriété constitue en effet un gage de qualité et de sécurité, de garantie et de réassurance pour un conso-spectacteur formaté qui, dans son gros caddie, met de préférence ce qui est connu et déjà vu.

2- Pour avoir le droit d'entrer dans le débat politique, il convient ensuite d'être populaire. Et Cyril Hanouna l’est de fait, par son registre humoristique, son esprit "darka" et les thèmes de ses émissions (en premier lieu les sujets de société), conçues pour le public de masse et l'audimat. Dans la démocratie d'opinion, le pourcentage "d’avis favorables" à l’égard d’une personnalité publique, qu’elle soit animatrice ou premier Ministre, conditionne le niveau d’influence au sein du débat public. Pour convaincre l’époque en effet, il faut - à l’ère du diktat de l’image -, atteindre le plébiscite, conquérir le cœur plutôt que la tête des gens. Au sein de la société du paraître, l’art de vouloir plaire à tout le monde tout le temps au détriment d’un quelconque esprit d’authenticité et de vérité, est devenu le modèle dominant dans lequel être aimé du plus grand nombre est devenu synonyme de confiance, d'adhésion et de blanc seing. Sur le marché du spectacle politique, la popularité qui s’exprime à travers des items d’études et de sondages, est devenue avec l’audience en ligne et la notoriété, l’un des premiers niveaux de lecture pour jauger la crédibilité d’un « candidat probable ». Ainsi, pour celui qui s’engage publiquement, devenir populaire ou le rester est désormais le seul objectif.

3- Pour avoir le droit d'entrer dans le Trendtopic, il convient enfin d'avoir le sens du spectacle comme Emmanuel Macron ou Marlène Schiappa, Jean-Michel Blanquer ou Christophe Barbier : autrement dit, ne pas avoir peur de jouer à la marelle en public, de pousser la chansonnette, de monter des partenariats avec des youtubeurs ou de faire le poirier en direct sur un plateau de télé. Pour gagner les faveurs des médias, il faut "buzzer", toujours "buzzer", encore "buzzer", savoir braquer l’actualité en permanence et entrer dans la peau d’un personnage : c'est-à-dire aimer se soumettre à la lumière médiatique. Et sur ce terrain, Cyril Hanouna est de loin le meilleur en termes de happenings, de réalisation et d’impact.

Sans surprise, Cyril Hanouna coche toutes les cases du spectacle politique. Aussi, l'engagement du trublion de C8 à travers son livre " Ce que m'ont dit les Français " (au titre digne d'un livre de candidat à l'élection présidentielle), ses émissions de débat politique et pourquoi pas demain une candidature, est tout sauf une surprise. Lors de la campagne qui s'annonce d'ores et déjà spectaculaire dans le bruit et les images proposés, la place de l'animateur, en lieu et place du journaliste ou du politique traditionnel, va être considérable. Elle signera la défaite de l'Homme politique. Et la victoire du spectacle, toujours et encore. 

François Belley

http://francoisbelley.fr


jeudi 24 juin 2021

L' art du suspense permanent.


Recette d'un thriller haletant, d'un film accrocheur ou d'une série réussie, le suspense est l'ingrédient indispensable du scénario pour tenir en haleine le lecteur, le spectateur comme le conso-électeur. Au sein de la politique-spectacle, entretenir le flou, c’est entretenir la flamme. Celui qui sait laisser planer le doute sur ses intentions, jouer avec la rumeur, se dire « intéressé » tout en écartant, habilement de l’ordre du jour la question posée sur ses ambitions personnelles gagne aussitôt l’attention des médias et du public. « Se présentera-t-il ? », « Se déclarera-t-il ? », « Se lancera-t-il ? » : le vrai-faux suspense médiatique propre à tout bon récit est un moyen facile de faire monter les enchères, laisser les débats se faire et les publications envahir les réseaux sociaux comme les moteurs de recherche.

« Je ne sais pas », « si l’opportunité se présente», « je me prépare au cas où », « si les conditions sont réunies », « je n’exclus rien », « je me déciderai au moment venu » : à la veille d’une élection majeure, le médiatico-politique se montre prévisible dans l’exercice télévisuelle de l’incertitude. Pour garder du temps d’antenne, condition sine qua none à l’existence médiatique, l'aspirant présidentiable esquive la réponse, sème le trouble et, si le journaliste reformule et insiste trop, largue tel un pilote de bombardier les éléments de langage du spectacle.

Pour des raisons tactiques, le médiatico-politique, aussi stratège qu’un professionnel de la politique, attend et entretient le suspense. Adepte du teasing, il fait confiance pour une fois au temps long pour acquérir de la valeur auprès des masses. Pour gagner la bataille de l’image et remporter le débat de personnes, celui qui est vu et présenté comme un « candidat probable » sait spéculer sur sa petite personne. À l’appui d’un schéma rhétorique rôdé, "le politique" se dit d’abord « dans une phase d’écoute », puis « prêt au débat » avant de se lancer officiellement... ou non. Cette dramaturgie est un jeu de dupes. Si elle sert à la fois le médiatico-politique et le journaliste en quête de la déclaration attendue, de l’annonce exclusive et du scoop à vendre, les intentions et les destins des coureurs sont souvent bien connus en coulisses. François Belley. Politique spectacle.

François Belley

http://francoisbelley.fr