mercredi 28 juillet 2021

Le spectacle (contre-productif) de la vaccination.


"Un Ministre qui en vaccine un autre, ça n'est pas très courant " a déclaré Olivier Véran, veste tombée et seringue à la main, devant les flashs crépitants et les nombreuses caméras de télévision. Ce qui est moins surprenant en revanche chez l'Homme politique, c'est la mise en spectacle permanente de sa vaccination. Ainsi, après J. Biden, B. Netanyahu et B. Johnson, R. Bachelot, J. Castex et O. Véran, c'est donc autour d'Olivia Grégoire, Secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale et solidaire, enceinte de 5 mois, de théâtraliser en direct avec les journalistes sa deuxième dose à l’hôpital Necker, à Paris.

Grand classique désormais de l'apparition-média, "l'événementialisation" de la vaccination par l’exécutif himself vise ici, par la fabrique et la force de l'image, essentiellement 3 objectifs :

1- mettre en scène sur le terrain "l'action" d'un Ministre de la Santé visiblement expérimenté ;

2 - replacer le temps d'une séquence médiatique le politique dans la vraie vie, au contact des gens, du réel et du quotidien ;

3- gagner la confiance des femmes enceintes pour qu'elles-aussi, passent rapidement à l'acte.

Mais, à l'heure du conso-citoyen aguerri aux techniques du marketing, les vieilles ficelles de la com' ne marchent plus. Que nous montrent en effet ces images destinées à être diffusées en boucle sur les chaînes d'info, si ce n'est un énième coup de pub pour un politique, décidément obsédé par son apparition dans l'écran du spectacle? 

En réalité, cette mise en scène en continu du politique est contre-productive. Jouer à l'infirmier, à la marelle ou avec des youtubeurs, ne fait au fond que renforcer le discrédit et la défiance du citoyen à l'égard du personnel politique. Car oui, le spectacle, fait de jeu de rôles et d'illusions, est l'ennemi de la politique. Ainsi, tant qu'il apparaîtra, gesticulera et parlera pour ne rien dire à l'écran, le politique continuera sa lente mais sûre décomposition. Il en va de même pour le journaliste comme pour l'épidémiologiste de plateau dont l'Autorité et la Parole sont aujourd'hui contestées. Aussi, la défiance qui touche le politique, le médiatique comme la science est la même. Elle trouve son origine dans un trop plein de com' qui n'amuse plus personne.   

François Belley

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En cadeau, le sens de la mise en scène de nos dirigeants.





vendredi 23 juillet 2021

La 1ère grosse erreur de Valérie Pécresse.


La déclaration de candidature est le faire-part médiatique du candidat, celui qui dans le plan de communication, doit créer l’événement, propulser le « produit » en trendtopic et entretenir le vedettariat, condition sine qua none pour exister aujourd’hui dans le monde du « vu ».

Dans le spectacle politique, « candidater » fait partie intégrante de la stratégie marketing. Par son effet d’annonce, la candidature permet en effet d’entrer aussitôt dans le jeu médiatique, de déclencher des papiers et de générer des interviews, autrement dit de bénéficier d’un temps de parole précieux. Synonyme d’une couverture presse à moindre coût, la déclaration de candidature constitue pour le professionnel ou non de la politique, un moyen simple et rapide pour se faire connaître.

Aussi, qu’elle s’inscrive dans le cadre d’une première candidature ou d’un renouvellement de mandat, la déclaration de candidature doit créer la surprise (par le timing, la forme et le cadre de l’annonce), être cohérente (eu égard au statut et à la dynamique du moment) et s’inscrire dans un projet d’avenir (à l’appui d’une idée, d’une vision ou d’une ligne programmatique).

Réélue sans surprise à la tête la Région Île-de-France en juin dernier, Valérie Pécresse a donc annoncé hier sa volonté de devenir candidate pour « pour restaurer la fierté française ». Et force est de reconnaître que Valérie a complètement raté son entrée en scène.

- D’abord, le sens du timing :

Le jour même des débats et du vote à l’Assemblée sur l’extension du pass sanitaire, Valérie Pécresse se déclare au plus mauvais moment : c’est-à-dire dans une séquence, on ne peut plus spectaculaire, qui oppose les « pro » et les « anti-vax ». De l'audimat pur ! Dans ce contexte, l’information de la candidature du "produit Pécresse" ne peut espérer rivaliser et intéresser la sphère social-médiatique. Ses conseillers (qu’on imagine nombreux autour d'elle H24) n’ont pas su ou pu lui suggérer de reporter ce premier acte. Première erreur.

- Ensuite, le manque de « surprise » :

Après la candidature de Xavier Bertrand (l’autre Président de Région réélu en juin) opérée dans les médias 3 semaines plus tôt, c’est donc un autre ténor de chez « LR » qui se présente à son tour. Comme hier celle de X. Bertrand ou demain celle de L. Wauquiez, la candidature de Pécresse est donc apparue comme téléphonée, au-delà du fait qu’elle puisse aussi, par l’ego et l’esprit de division qu’elle suscite naturellement, alimenter le sentiment de politique politicienne, soit tout ce que les Français adorent.

- Enfin, la forme trop classique ;

À l’ère du Tout-numérique, V. Pécresse a opté pour le JT de 20heures sur TF1 : soit pour la « piste » la moins originale et la plus attendue. Là où pour ce premier acte, elle aurait dû apparaître comme un produit moderne et neuf, Pécresse s’est montrée comme une candidate classique et frileuse. Comme L. Jospin en 2002, elle aurait pu quand même envoyer un fax à l’AFP. La déclaration de candidature de Pécresse : c'est l'art de faire d'un événement un non-événement. Valérie, on n'a pas deux fois la chance de faire une bonne première impression.

You lose. Insert coins to continue.

François Belley

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mardi 20 juillet 2021

Le "QR code" : code-barres de l'Homme-smartphone.


Le QR code n'est pas nouveau.

Créé en 1994 par les japonais pour suivre et contrôler en temps réel l'acheminement des pièces détachées chez Toyota, le QR code était jusque-là l'apanage essentiellement du monde de l'entreprise et des marques, de la publicité, de l'art ou de la culture. Une fois scanné, le "Quick Response Code" permettait à la manière du code-barres (symbole ultime de la société de consommation), d'accéder à toute une série de "réponses" ou de messages: comprendre de l'information-produit réactualisée et stockée sur le web.

Avec la crise sanitaire du SARS-CoV-2, le QR Code a fait son grand retour sur le devant de la scène. Récupéré par l'exécutif comme outil de contrôle d'un nouveau type de "marchandise", le QR code sera à partir du mercredi 21 juillet 2021 au centre de la vie du consommateur mais également du citoyen, l'un étant progressivement en train de cannibaliser l'autre.

Utilisé historiquement pour accéder à de l'information, le QR code - d'abord comme "attestation" - a permis à l'Homme du confinement de pouvoir se déplacer légalement. Au conso-citoyen, le QR code permettra cette fois-ci d'accéder aux centres commerciaux, aux restaurants et à leurs cartes, de commander et payer, de voyager, se cultiver ou encore se divertir. Ainsi, le rapport à l'information lié au QR code s'est inversé. Ce n'est plus le citoyen qui demande et reçoit de l'information. C'est lui qui la donne, à travers la "mise à jour" de son état vaccinal... pour commencer.

Avec l'avénement du pass sanitaire, le QR code comme symbole ultime de la numérisation de nos sociétés, vient signer le basculement désormais total dans le "monde d'Après" où l'Homme-smartphone à la fiche d'info pré-enregistrée n'est plus qu'un vulgaire produit à scanner, ici ou là.

À l'heure où les médias opposent pour le bien du spectacle et des audiences "les pro" et "les anti-vax", il y a en réalité une autre bataille qui se joue : celle, plus intéressante car plus profonde, qui oppose d'un côté "le consommateur" revendiquant le droit et la liberté de consommer sans entraves et de l'autre "le citoyen" revendiquant le droit et la liberté de se ré-approprier le champ politique. Tous deux se sont exprimés récemment : le premier en se jetant sur Doctolib ; le second en descendant dans la rue.

Pour l'Homme moderne, l'enjeu sera donc aussi de ne pas être réduit au stade d'Homme-marchandise lequel, à travers son smartphone, ses réseaux sociaux et son QR code, ne serait plus que le joujou à data des gafam ou des pouvoirs en place, et ce quelle qu'en soit la couleur.

François Belley

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vendredi 16 juillet 2021

Le magistral coup de promo et... d'auto-promo.



En mars 2020, l'annonce du 1er confinement, inédit dans l'Histoire moderne, avait eu un impact immédiat dans l'acte de consommation des populations. On se souvient en effet des images sur-réalistes, montrant les Hommes-caddie se ruer dans les hypermarchés et les centres commerciaux. Et ce n'était pas ici et là qu'une image extraite pour le spectacle par les journalistes en quête de séquences fortes. Des ventes en hausse de 30% pour le papier toilette, 150 % pour la farine ou 97 % pour les pâtes : l'annonce du 1er confinement par le politique fut un véritable électrochoc pour le consommateur. Ce fut pour reprendre les mots récents de l'ancien Ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, le premier " coup de pression ". Et il y en aura un second.

Lundi 12 juillet dernier, lors de la énième allocution présidentielle, bis repetita. L'annonce de l'obligation du pass sanitaire, qui plus est dans une période de vacances propice à la sur-consommation, a eu un effet immédiat sur le vaccin, devenu tout à coup un produit de grande consommation comme les autres. Comme prévu, l'Homme-caddie s'est rué en ligne. Pour preuve, le soir même des annonces présidentielles : la plateforme de rendez-vous vaccinal "Doctolib" a été saturé (" 17 000 rendez-vous pris toutes les minutes "). Selon "Doctolib" toujours, à date du 16 juillet, " 2,6 millions de rdv ont été pris". Et pour un jour férié (14 juillet) " 432 000 français" ont pris rendez-vous. Après Lustucru, Francine et Lotus, Pfizer peut remercier à son tour leur meilleur vendeur toutes catégories : Emmanuel Macron. Pour toutes ces hyper-marques à la recherche du profit permanent, ce fut (et de loin) le meilleur coup de pub de leur histoire commerciale. Et gratuit qui plus est !

Une nouvelle fois, cette séquence vient démontrer la force de l'effet d'annonce en politique : un effet d'annonce utilisé par ceux qui nous gouvernent selon les cas, pour créer l'électrochoc dans l'opinion, calmer les populations ou exciter facilement les médias. La méthode est rodée. L'annonce de l'obligation du pass sanitaire, comme hier le Beauvau de la Sécurité, le Grenelle de l'Environnement ou les États Généraux de la Laïcité, n'est finalement qu'un gros coup de com (rien d'autre !) pour affirmer l'autorité et la crédibilité d'un président de la République (a minima) à l'égard de ses ministres. L'occasion pour Emmanuel Macron de dire en Conseil des Ministres : " Regardez, avec moi, çà marche ! ". La preuve pour le futur candidat d'En Marche ? Selon BFM TV, 52% des Français l'ont trouvé "convaincant" lors de son allocution" ; mieux  76 % ont approuvé sa décision de rendre" obligatoire la vaccination pour les personnels soignants et d’autres professions, avec sanctions à la clef ". What else ? 

A la veille d'une séquence électorale, tout ce grand raout médiatique n'est probalement au final qu'un gigantesque coup publicitaire pour le produit "Macron". En effet, à l'instar de la promesse de campagne et des faits, l'annonce politique et la réalité du terrain sont in fine deux choses bien distinctes. Ces prochains jours, viendra le temps plus complexe du projet de loi, des débats et des recours possibles, surtout de la mise en pratique et de l'acceptation du réel, sur-estimé pour l'heure par le politique. "Regardez avec moi çà bouge ! ". Si d'aventure, tout cela s'avérait se mettre en place, telles que les annonces ont été faites ce lundi 12 juillet, le pays devrait tanguer.

François Belley

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mardi 13 juillet 2021

Les vacances d’été : summum de la politique spectacle.


Les vacances du politique comme feuilleton d’été à suivre se prêtent tout à fait à la mise en scène de la proximité. Elles participent de l’humanisation voire de la normalisation de la fonction, avec un politique présenté enfin « comme tous » : en t-shirt et polo, short et bermuda, claquettes et maillot de bain.

Le choix de la destination (qui déterminera in fine la façon dont l’opinion va percevoir le politique) est capitale en termes de retombées presse. Pour des questions d’image et de narration évidentes, le politique préfère donc rester sur le territoire national et privilégier la province : soit autant de symboles et d’éléments de story-telling à activer autour de l’ancrage local et du terroir et de cartes postales médiatiques décentes à envoyer au public.

Sport, nage, jet-ski, randonnée, café en terrasse, réunion de travail, sortie en tête-à-tête : les congés du politique sont avant tout le théâtre de limage, recherchée par la presse, people en priorité.Test de popularité, le bain de foule comme événement attendu par la presse est à voir comme la sortie de scène de l’artiste : ce moment précis où après le show, l’homme de spectacle descend de l’estrade pour rejoindre dans la fosse son public à qui il autorise exceptionnellement, à aller approcher, rencontrer et toucher l’idole de toute une vie.

Le bain de foule témoigne du désir tactile du citoyen-spectateur à l’égard d’un politique rock-starisé, prompt dans cette espace-temps de divertissement aux petits mots, selfies, autographes, checks et autres attentions calculées. Pour la vedette-politique qui doit toujours occuper l’espace, le passage de l’écran du spectacle à la réalité du terrain auprès des enfants et des parents, des riverains et des touristes, vise à se rassurer. Pour le politique au pouvoir, le bain de foule est recherché en cas de baisse sondagière ou de désamour avec l’électorat. Parce qu’il est construit par et pour l’image, le bain de foule n’est jamais spontané. Il est souvent monté en amont avec une foule parfois filtrée et des « vraies gens » triées sur le volet.

« Où les ministres partent-ils cet été ? », « Avec qui passent-ils leurs vacances  ? », « Vacances détente ou studieuse ? » : dans une période estivale propices aux meublages, la sphère médiatique, toujours en quête de contenus, réussit chaque année la prouesse de faire des vacances du politique, pourtant inintéressantes sur le fond comme sur la forme, un sujet de conversation, de débats et de bête contemplation, validé par le spectacle et sa logique de star-systémisation permanente.

François Belley

http://francoisbelley.fr