lundi 13 juin 2022

La défaite du politique. La victoire du spectacle.


























La défaite du politique.
Avec un taux d'abstention de 52,49% au 1er tour des Législatives, le record des élections de Juin 2017 (51,17%) a été battu... sans surprise.
Signe au mieux d'un désintérêt, au pire d'une défiance à l'égard de l'offre proposée dans les linéaires, ce chiffre vient démontrer, une fois de plus, la défaite, sonnante et trébuchante, de l'homme politique qui, décidément, n'imprime plus, n’intéresse plus et ne mobilise plus même localement. L'homme politique, au sens traditionnel du terme, est mort ! Dans sa pratique, il devra se renouveler (et vite) s'il veut demain retrouver la confiance. Car en effet, élu aujourd'hui avec plus de 50% d'abstention, quelle pourra être la légitimité d'un candidat (quand bien celui-ci aurait été élu avec 100 % des votants) qui ne pèse au final... que la moitié des inscrits ?

La victoire du spectacle.
Au regard maintenant du taux d'abstention de 26,31% du 1er tour de la dernière Présidentielle, ce chiffre de 52,49% vient démontrer, une fois de plus, que le consommateur-citoyen se déplace et vote d’abord pour un personnage, une image et une notoriété ; une histoire et une communication : autrement dit, pour des stars cathodiques… les mêmes réélues parfois dès le 1er tour.
Ce record d'abstention de 52,49% démontre finalement que, maintenu éloigné des grandes idées et des vrais enjeux, le consommateur-citoyen ne s'intéresse à la politique qu'à travers le prisme du spectacle, c'est à dire du casting, du débat et du clash ; des sondages, des polémiques et du commentariat permis et alimentés, jour et nuit, par les réseaux sociaux et les chaînes d'info en continu.

Aussi, au lendemain de cette séquence législative, il va devenir urgent, pour l’homme politique, de quitter le monde de l’apparence et de la représentation, de revenir dans le réel, de fuir l’image et de refuser la mise en scène, de pulvériser la com’ et d’expulser enfin le spectacle du champ politique.

Dans le livre "Le Nouveau Spectacle politique" ci-dessous, publié le mois dernier aux Editions Nicaise, j’apporte quelques idées, étant convaincu que le spectacle est depuis toujours l’ennemi du et de la politique.


François Belley.

samedi 11 juin 2022

L’interpellation publique comme « nouveau spectacle politique ».

Comme le consommateur lésé qui sollicite, brocarde et malmène en direct les marques commerciales, le citoyen repolitisé réclame à son tour sa part de bousculade en public, qu’il pense, provoque et produit lui-même face caméra. Lors d’une visite d’usine, d’un hôpital ou d’un salon, sur un marché, un plateau de télé ou sur les réseaux sociaux, le citoyen-spectacle, armé de son smartphone, n’hésite plus à prendre la parole, à interpeller directement le politique et à faire irruption dans l’arène médiatique.

Un ouvrier qui exprime sa colère face à un candidat ; un jeune des quartiers qui défie un député ; un sinistré qui apostrophe un Premier ministre ; une infirmière qui, dans un couloir, invective un Président : l’échange sur le terrain entre le professionnel de la politique et le néo-politique constitue l’un des divertissements à voir les plus prisés sur la scène de spectacle du réel : le lieu de rencontre et de fusion des émotions, des pulsions et des frustrations. Plus elle est virulente et inattendue, plus l’interpellation publique sous l’œil voyeur et fugace des smartphones, engendre de la médiatisation, crée de la polémique-spectacle  et offre à celui qui en est à l’origine, la tribune et la place recherchées dans l’espace public.

Dans la sphère médiatico-politique, le micro ne se donne plus. Comme la parole, il se prend, s’arrache puis se garde tant l’objet chromé, symbole du spectacle, fait briller de mille feux l’individu contemporain. Vue comme une contribution citoyenne au débat public, l’interpellation à bout portant du professionnel de la politique, à travers une discussion filmée, franche et directe, fait entrer aussitôt dans le champ du spectacle le citoyen connecté, tapi dans l’ombre jusque-là. Dans cette logique de fixation, de médiatisation et d’«  immédiatisation  » du sujet, le message dilué dans une forme toujours sensationnaliste, n’a pas d’importance là encore. À l’écran, c’est le messager que l’on garde, fait parler et exploite ainsi que la séquence, de laquelle sera extraite la meilleure image à l’origine du débat du jour.

L’interpellation du politique par le néo-citoyen comme voie rapide vers le nouveau spectacle politique, si elle traduit une colère légitime, témoigne aussi du besoin de vedettariat de l’époque qui sollicite la lumière avec le public et ses applaudissements.

La suite dans le livre « Le Nouveau Spectacle politique » ci-dessous, publié le mois dernier aux Editions Nicaise.

https://www.amazon.fr/Nouveau-Spectacle-politique-Francois-Belley/dp/2493489012

François Belley


mardi 7 juin 2022

L'ère de l'ubérisation de la politique.

Le syndrome Manuel Valls.

L'échec de l'ancien premier ministre dès le premier tour des législatives est un marqueur dans la vie politique française. Il signe sinon illustre parfaitement le déclin du "professionnel de la politique", lié au mieux au trop plein de com’ et à la sur-promesse ; au pire au carriérisme, aux affaires et à la seule quête du pouvoir pour le pouvoir. Déconnecté du réel, le professionnel de la politique, au cumul facile, n'imprime plus. Distancé, il ne convient plus à l'époque, en attente désormais d'authenticité, de sens et d'action. La mode du dégagisme reposait sur la volonté de sortir les sortants. Le syndrome Manuel Valls, lui, va balayer par principe les professionnels de la profession. Ce n'est qu'une question de temps. L'ère de l'ubérisation est là. Et la politique n'y échappera pas.

Le temps du néo-politique.

Diktat de la société sociale-médiatique oblige, la matrice du spectacle recherche néanmoins toujours des têtes spectaculaires qu'elles encouragent, une fois l'audience et la notoriété acquises, à se lancer dans l'arène politique. Depuis l’inversement où tout homme connecté a désormais le droit au spectacle, c’est l’anonyme, connu, vu et entendu, qui fait l’actu politique. Peu importe son discours et sa ligne, ce que l'on veut et exige, c'est d'entendre le boulanger s'émouvoir, le gardien de la paix s'indigner, l'ex-vainqueur de Koh-Lanta polémiquer, le chroniqueur télé, l'humoriste ou le postier clasher. C'est l'ère du néo-politique : ce non-professionnel de la politique devenu candidat à tout et qui, dans l'écran du spectacle, assure le renouvellement du show.

Le nouveau spectacle politique.

Mise en scène de la vie privée ; omniprésence dans les talk-shows, marelle dans une cour de récréation ; concours d’anecdotes avec des youtubeurs : la politique-spectacle pratiquée jusque-là par un politique discrédité, ne surprend plus un public lassé des vieilles ficelles du marketing ; n’amuse plus non plus le système spectaculaire au besoin de renouveler les têtes comme le contenu. Place désormais au "nouveau spectacle politique" permis par les réseaux sociaux, lesquels ont, en quelques années seulement, changé LE et LA politique.

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Par François Belley, essayiste,

auteur de l'essai " Le Nouveau Spectacle politique " (Editions Nicaise, paru le 07 avril 2022).