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dimanche 7 novembre 2021

Le niveau 0 de la politique.


Les émissions de divertissement sont désormais l’espace d’expression privilégié de l’homme politique d’aujourd’hui, construit essentiellement sur l’apparition, l’image et l’émotion. Avec la séquence politique spectaculaire qui s’est ouverte, voilà donc le retour sur les écrans d’Une ambition intime, après une saison 1 surprenante qui avait vu passer sur le canapé de Karine Le Marchand - à l’humour revendiqué « en dessous de la ceinture » - les candidats A. Juppé, N. Sarkozy, F. Fillon ou encore F. Bayrou, venus à l’époque dans un objectif d’exposition et de popularité, de sympathie de proximité : des candidats-spectacle qui connurent tous ensuite l’échec dans les urnes.

Pour cette saison 2, même concept de divertissement : le politique filmé dans son intimité est invité à se mettre à nu devant les Français, et ce à travers des questions extrapolitiques qui concernent la vie privée et le couple, le mari, la colocatrice et les enfants, les chats, les courses ou le jardinage. À ceci près que pour cette saison 2, la nouveauté marketing réside sur le parti-pris d’un casting politique « 100 %  féminin » (avec A. Hidalgo, V. Pécresse, M. Le Pen, R. Dati, M. Schiappa), en écho sans surprise à l’air du temps. La télévision est ainsi faite qu’elle suit toujours la direction du vent et de la manche à air. Ainsi, le téléspectateur découvrira-t-il dans cette émission la passion de V. Pécresse pour le fromage et celle de M. Le Pen pour le jardinage. Ce qui aidera sans doute le citoyen à se faire une opinion et à l’aider dans le choix de son futur candidat.

Une Ambition intime est le niveau 0 de la politique. Cette émission atteint en revanche le niveau maximal de la politique-spectacle. Qu’importe si l’animatrice (présentatrice de L’Amour est dans le pré) n’est pas une spécialiste des questions politiques ni même une journaliste : le « monsieur Loyal » de la politique est là, avant tout, pour présenter le programme et divertir le public, accroc au people et à la faille, la confidence et la punchline de l’homme ou de la femme de pouvoir. Dans cet exercice de pipolisation pure, il n’y a pas de contradiction ni de sérieux, pas d’idées ni de débat possible. C’est pourquoi les questions sont légères. Le ton est complaisant, l’ambiance sympathique et l’air agréable. Avec Une Ambition intime, c’est le règne absolu du non-sérieux, la victoire du ludique, le sacre de l’anecdote et du secondaire. Dès lors, si les sujets « politiques » sont abordés, ils le sont d’abord du coin des lèvres, traités de toute façon par le prisme du divertissement, du second degré et de la blagounette, de l’image et de la dérision.

À la recherche d'un retour rapide sur investissement, le politique d’aujourd’hui – en s'offrant si facilement au jeu de la mise en scène, du roman-photo, de la confidence, de la story ou de l’interview-confession livrée à la commande – répond une fois de plus au diktat de la séduction, modèle dominant de nos sociétés du paraître. Désormais, dans toutes les sphères politiques, économiques, sportives, artistiques, culturelles ou médiatiques, il faut plaire : charmer à tout prix le chaland pour espérer le convaincre. Pour conquérir le pouvoir, il faut, à l’écran, devenir irrésistible à l’aide d’artifices esthétiques, vestimentaires ou narratifs. Alors le politique se montre et raconte, apparaît, se dévêtit et pose, travaille son regard et soigne son look, répète son sourire et sur-joue la proximité, autrement dit, excelle dans le travestissement et le pathos : un jeu de rôle et une extimité qui relèguent de fait le candidat, l’élu ou la ministre au rang de marchandise, de produit de consommation formaté pour les ventes et l’audimat.

À première vue, l’émission de divertissement (à travers le people-politic, l’infotainement ou le talk-show...) est un format gagnant-gagnant pour les chaînes de spectacle comme pour l’invité politique. Le candidat a en effet l’assurance de toucher un public ayant fui la sphère politique ; de ne pas lasser le téléspectateur avec un discours trop technique ; de ne pas être non plus déstabilisé par l’intervieweur, faute de sujet de fond et de maîtrise. Quant à la chaîne et l’animatrice du programme, en mariant deux univers (politique et divertissement) qu’a priori tout oppose sur le papier, elles s’assurent de toute évidence d’un gros coup de pub et, par le contenu créé à voir et à revoir, peuvent se targuer d’avoir ainsi fait parler de l’émission, avant et surtout après sa diffusion. Soit le graal de tous les producteurs de spectacles.

Dans cette relation bipartite exclusivement , il y a toutefois un grand perdant que l’on continue de malmener et de dévaloriser en public, d’humilier et de piétiner à l’écran, de discréditer et de dévaluer à une heure de grande écoute. Et ce grand perdant : c’est la fonction et la discipline politiques. Objet de contemplation pour les masses qui ne distinguent plus le privée du public, la mise en scène de l’intimité viserait à normaliser le politique (devenu prisonnier de la forme), mettre à distance la fonction et se rapprocher de l’électorat. Selon le dossier de presse de l’émission, Une Ambition intime ambitionnerait même de « faire avancer les choses ». Dont acte.

En réalité, c’est tout l’inverse. Au service du système spectaculaire, ces émissions qui "divertissent" le dimanche soir, émeuvent et dupent les foules regardantes, nuisent à la politique et décrédibilisent définitivement son personnel.

François Belley

http://francoisbelley.fr

lundi 25 octobre 2021

La commedia dell'arte médiatico-politique.












Les Hommes politiques sont des acteurs comme les autres !

Dans le contrat tacite qu’ils signent avec leurs publics respectifs (classes populaires, csp+, jeunes, retraités...), les politiques doivent donc paraître « vrai » : c’est-à-dire jouer «l’authenticité » dans les mots, les gestes, les postures comme les combats menés. Selon la loi du théâtre, le bon comédien doit répondre à son devoir de représentation. Ainsi, le comique (tel Hanouna) se doit dêtre publiquement toujours drôle, l’opposant (Mélenchon) se montrer contre par principe et le polémiste (Zemmour) créer la controverse en permanence. Rester fidèle et conforme aux attributs distinctifs du personnage tel qu’il est perçu par les masses, voilà l’enjeu pour l’Homme de plateau.

Masque de la colère, de la révolte ou de l’indignation, masque de la compassion, de la victimisation ou de l’injustice, masque de l’opposition, de l’autorité ou encore de la proximité : l’apparition sur la scène social médiatique (plus largement dans l'écran du spectacle) demande le port obligatoire du masque théâtral. Symbole de la commedia dell' arte, plus largement du divertissement, le masque destiné à cacher, travestir, amuser ou à représenter un autre que soi efface la personnalité d’origine. Comme le maquillage ou le costume qui modifient l'apparence, il est l’outil de l’illusion. Le port du masque (utilisé ici dans son sens symbolique à travers le rôle joué devant la caméra de télévision ou de smartphone) transforme. Il fait entrer l’Homme de scène dans la peau du personnage qu'il joue. Il projette aussitôt dans l’identité d'acteur. Le temps de l’apparition-média, l'emprunt du « masque de » agit sur le comportement, conditionne la communication verbale et non verbale de celui venu pour brûler les planches.

En fonction du rôle attribué sur le plateau ou devant la caméra, l’invité du spectacle peut s'agiter sur sa chaise, parler avec son corps, appuyer le regard, élever le niveau de sa voix, froncer les sourcils et pointer du doigt son interlocuteur. L’invité du spectacle peut sourire, pleurer également si le personnage et son texte l’exigent. Comme dans la Tragédie, le masque doit être expressif. Le « masque de » dépend de l’actualité et du débat du jour, de l’offre disponible sur le marché des têtes spectaculaires, aussi de la production en charge de l’homogénéité et de l’explosivité du casting. Ainsi, l’indigné du jour n’est pas toujours celui de la veille ni celui du lendemain. Pour le besoin du spectacle, le masque se propose, s’accepte et se porte avec plus ou moins d’habilité, selon la qualité du texte, l’expérience de la scène, le niveau d’exigence et de préparation de l’acteur.

François Belley

http://francoisbelley.fr

lundi 23 août 2021

La rentrée ( DE LA COM ! ) politique.


Ça y est,
c’est reparti ! Après une courte pause estivale (pour les moins accros) sans caméras ni micros, les politiques, candidats déclarés, probables ou à venir, ré-apparaissent tous en même temps à l’écran bruyant du spectacle.

« Université d'été », « rassemblement populaire » ou « convention » ; « banquet républicain », « fête de la Rose » ou « barbecue citoyen » : la rentrée politique, organisée en province, si possible dans un petit village pour des raisons d'image, constitue à 8 mois du 1er tour de la présidentielle, une fenêtre de tir médiatique : l’acte 1 d’un plan de com bien rôdé pour le candidat, petit ou grand, venu renforcer loin de Paris son capital « sympathie » et améliorer ainsi ses items d’image dans les futures enquêtes d’opinion.

Pour Zemmour, Pécresse ou Wauquiez ; Jadot, Bayou ou Rousseau ; Hidalgo, Montebourg ou Mélenchon en quête de souffle, de retombées presse et de « présidentiabilité » : l’objectif est le même. Dans ces exercices d’apparitions et de déambulations face caméras, il s’agit d’abord de bien « paraître » : paraître sympa, drôle et proche ; dynamique, crédible et déterminé. Ainsi, dans cette revue de style, la main sur l’épaule est obligatoire ; les traits d’humour attendus et la petite blague conseillée. Pour le politique censé représenter l’ensemble des Français, il convient à l’écran d’être « bien perçu » : perçu comme « à l’aise » quand il convient d’échanger avec des jeunes ; perçu comme « naturel » quand il s’agit de manger sur le pouce avec les doigts ou des couverts de fortune ; perçu comme « authentique » quand il faut lever le verre et pousser la chansonnette avec la langue du coin.

En vue des primaires et de la campagne présidentielle, la rentrée du médiatico-politique en tenue décontractée vise surtout à démontrer la force et la forme du candidat, à afficher ses soutiens, ses fans et ses équipes, à s'imposer (selon la stratégie) comme le candidat naturel ou le chef de file, le challenger, le premier opposant ou la future surprise de l’élection à venir.

Moyen d'exister facilement sur le compte d'un parti, d’un mouvement ou d’un collectif, la rentrée politique n’est au fond qu’une bataille d’images entre futures présidentiables dont l’objectif (comme tout au long de l’année) est ni plus ni moins que l’OPA sur les gros titres, le trendtopic et le JT de 20 heures. D’où l’omniprésence dans cette séquence des discours, des punchlines et des coups de com.

Faute d’actualité et d’histoire à raconter, la rentrée politique (qui profite essentiellement du vide médiatique de la fin août) bénéficie, historiquement, toujours d’une couverture presse largement supérieure à son intérêt politique.  Vous le constaterez aisément semaine prochaine. A gauche comme à droite, rien ne sortira de ces rendez-vous où l’on retiendra davantage les teints hâlés que les idées, les petites phrases que les visions, les chemises ouvertes que le contenu même de ces rassemblements spectaculaires mis en place d’abord pour l'ego, l’image et le son.

François Belley

http://francoisbelley.fr

mardi 6 juillet 2021

Le turn-over politique par la logique de marque.

En politique comme dans les médias ou le sport de haut-niveau, lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous, que les têtes ne reviennent plus, les voix deviennent inaudibles et que les couacs s’accumulent, vient inéluctablement la question dite du « renouvellement » du chef de file, du présentateur ou encore du sélectionneur.

Or, dans nos sociétés médiatiques, le renouvellement est d’abord un changement d’image, censé par l’apparition de nouvelles têtes dans l’écran du spectacle, vendre au public une « dynamique nouvelle », créer « un nouveau souffle » et opérer « un changement de cap ».

Le renouvellement dans l’annonce, la mise en scène et les faits est un acte de communication : un message envoyé à celui qui conteste la gouvernance du moment, l’efficacité de l’action et la légitimité à l’instant T. Aussi, le changement n’est  qu’une affaire de visuel et d’emballage, davantage un enjeu de personnalités que d’idées, de marketing que d’orientations politiques, de notoriété acquise que de compétences reconnues.

Pour ré-assurer l’opinion, le médiatico-politique s’inscrit dans une logique de marque, d’image et de coups politiques. Symbole du monde-marchand, « la marque politique » par sa notoriété, son positionnement et sa force d’évocations est encore un gage de qualité : une garantie qui rassure et sert de repère au consommateur-électeur. Alors, dans le cadre du turn-over politique propre au temps électoral, le politique choisit « un nom » et retient « un visage », mise sur une « une notoriété », fait le choix « du style », achète « une star » de l'écran. C'est  "Ségolène Royal" en son temps, "Nicolas Hulot" ou récemment "Eric Dupont-Moretti". 

La marque politique à travers « une personnalité exceptionnelle », une « figure ultra-médiatique » ou encore une « côte de popularité » constitue le sujet d’attraction de l’ère spectaculaire, l’objet de contemplations et le sujet de discussions de la politique-spectacle.

Les Hommes politiques sont des marques définitivement, des icônes de grande consommation, des sujets de fétichisation dont chaque face du packaging, jusqu’à la dernière ligne des caractéristiques-produit, doit attirer l’œil des médis comme du conso-électeur.

Cette colonisation du champ politique par la logique de marque signe par K.O la victoire du marketing sur le monde des idées. Aujourd’hui hélas, « la marque-personne » se retrouve partout, en premier lieu sur les réseaux sociaux où chacun des acteurs pour séduire et persuader, soulever l’adhésion et se vendre, passe par le filtre de la mise en scène, du branding et de la recherche d’une valeur ajoutée sur le marché pour exister, en vain, dans le monde de l’hyper-choix.  Politique Spectacle.

François Belley 

http://francoisbelley.fr