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jeudi 17 mars 2022

VIE et MORT de L'AFFICHE POLITIQUE.



Ça y est !

La cuvée 2022 des "affiches du 1er tour de l'élection présidentielle" vient de sortir. Mais je vous le dis tout de suite, elle ne ressemble en rien à un grand cru. Les candidats-produit ont posé, les publicitaires-prestidigitateurs ont retouché grossièrement et les conseillers en communication, grassement payés pour dire oui !, ont validé... sans surprise.

Alors quels enseignements peut-on tirer de cette nouvelle édition des affiches politiques ?

Eh bien que l'affiche politique est morte ! Voici pourquoi !

D'abord en préambule, 3 remarques générales :

1 - C'est définitivement la mort des partis politiques ;

Sur cette série d'affiches en effet, les logos des partis (hormis le NPA en majeur, en haut de l'affiche) sont soit en miniature (PCF, PS, LR, Union Populaire), soit carrément absents (LREM, Reconquête, RN, Debout la France). Les partis sont devenus un boulet pour ceux qui les portent, désormais trop lourds à porter pour les candidats, comprendre en langage marketing, plus du tout vendeurs pour ceux qui s'engagent dans l'élection suprême.

Autrement dit et plus que jamais, c'est le règne absolu des personnalités, des visages, des images, des plans-poitrine ! Dans le spectacle politique, il n'y a, de toute façon, pas de place aux idées. Elles sont même jugées dangereuses par la matrice du spectacle : à savoir la communication à outrance !

2 - C'est le dernier souffle de "l'affiche politique" ;

Historiquement en effet (c'est-à-dire à l'ère des médias de masse : TV, radio, presse), l'affiche politique était conçue d'abord pour installer un positionnement, mettre en lumière une différence chez le candidat, marquer les esprits du consommateur-citoyen: surtout être reprise sur l'ensemble des supports possibles. Sauf qu'aujourd'hui, à l'ère du sociale-médiatique (réseaux sociaux & chaînes d'infos), c'est aujourd'hui la punchline qui domine, la petite phrase, le hashtag, le coup de com', bref le buzz !, qui sont repris, martelés, diffusés partout.

Autrement dit, l'affiche politique est devenue désuète, carrément archaïque. Le panneau électoral est devenu aujourd'hui son tombeau. Ni plus, ni moins.

3 - C'est l'exercice quinquennal de la marchandisation assumée du politique ;

Tous les 5 ans, c'est en effet la fête de la retouche, du filtre et de la baguette photoshop. Comme les soldes aux jours limités, le produit doit séduire voire se brader pour gagner les cœurs (pas les cerveaux) des consommateurs .

Autrement dit, c'est l'ère continue du pack-shot produit-politique. Sauf, que désormais à l'heure du smartphone, des applis de détourage gratos, du photoshop vulgarisé, du montage assimilé, les ficelles grossières du marketing sont connues, vues et revues.

Allez, analysons les affiches franchement nulles des candidats. C'est le spectacle pour le spectacle. Mais plus personne n'est dupe. Les affiches se collent. Mais ça n'imprime pas ou plus.

 

FABIEN ROUSSEL

OU L'AFFICHE LA + DISRUPTIVE !

Ici les codes couleur du parti communiste ( le "rouge" historique) ont totalement disparu. Place aux couleurs flashy, plus modernes. Ce qui est intéressant ici c'est le dégradé de couleur propre au réseau social Instagram. Jugez par vous-même, c'est frappant ! Le Roussel, faut qu'il continue à être décalé, cool, disruptif : c'est-à-dire casser les codes de son territoire de marque ! Quant au slogan, notons que " La France des jours heureux " datent du programme du " Conseil National de la Résistance". NOTE : 6/10 pour l'originalité.

MARINE LE PEN

OU L'AFFICHE LA + PRESIDENTIELLE. 

Marine Le Pen se présente aux conso-électeurs comme la femme libérée : libérée de son parti, du père, donc de son patronyme. C'est donc "Marine" et plus rien d'autres qui communique "les yeux dans les yeux". Après le slogan -texto avec ("La FRance qu'on aime "M" dans le titre pour gagner en sympathie, en proximité, en émotion), Marine Le Pen ch,erche à gagner cette fois-ci en désirabilité (Femme), en singularité, (seule femme réellement dans la course) et en crédibilité (Etat) avec le slogan "Femme d'Etat". Après le débat de l'entre-deux-tours clairement raté de 2017 avec E. Macron, le message à faire passer est désormais le suivant : "Maintenant, je suis prête". NOTE : 7/10 pour la cohérence et le ratio désirabilité/crédibilité.

 

ERIC ZEMMOUR

OU L'AFFICHE LA + DIRECTE.

Sur la liste de départ, le "Z" est le seul candidat non "professionnel de la politique".

Sauf que dans cette affiche très ou trop classique, il fait tout, en réalité, pour être perçu par les masses comme un homme politique comme les autres : un présidentiable du système qu'il dénonce et combat pourtant.
Notons que son slogan "Pour que la France reste la France" est ici très publicitaire car on voit bien là comment est vendu, à la manière d'une lessive qui laverait plus blanc, le bénéfice-produit au client conso-citoyen par le vendeur Eric Zemmour. NOTE : 6/10

JEAN-LUC MELENCHON

OU L'AFFICHE LA + PHOTOSHOPEE. 

En marketing, il y a une règle d'or. Quand le produit vieilllit, il faut soigner le packaging. Nous avons donc ici sans doute l'affiche la plus retouchée, un passage sur photoshop d'ailleurs remarquée, dénoncée et moquée sur les réseaux sociaux : les ficelles grossières du marketing-produit étant connues aujourd'hui de tous. Ce qui est intéressant par ailleurs, c'est le slogan " Un autre monde est possible " en rebond évidemment à l'actualité (chaude / Ukraine) en cours et à venir (climat). Le Jean-Luc s'inscrit comme l'homme qui peut offrir un autre destin à la France, au Monde carrément. En publicité, on appelle ça "l'over-promising". Il promet ce que le produit ne peut offrir. NOTE : 6 pour le slogan.

YANNICK JADOT

OU L'AFFICHE LA + PLUS SHOW-BIZZ.  

Cette affiche, on dirait une une pochette de disque. Le slogan "Faire face" (à la guerre, à la crise, au réchauffement climatique, bref on y met et voit ce qu'on veut...) sonne même carrément titre d'album, un peu à la Calogéro qui était lui "face à la mer" Le Yannick, il la joue artiste. Shooté par Jonathan Mannion (qui a photographié notamment NTM ou Jay-Z), Yannick Jadot est ici présenté comme un chanteur (visuel ferré à gauche, photo recadrée/coupée, regard vers l'avenir). On voit bien, dans le traitement graphique, l'univers entremêlé du politique et du star-system. NOTE : 5/10.

EMMANUEL MACRO

OU L'AFFICHE LA + TROMPEUSE. 

Après le Président-Top gun, instagrameur, parachutiste, maraudeur (et j'en passe), voilà donc le Président qui enfile pour la seconde fois le costume de candidat à l'élection présidentielle. Après,   le slogan " Emmanuel Macron avec vous " (qui donnait un côté super-héros-Marvel à Macron durant ces crises qu'il nous annonce comme durable), le prénom/nom du candidat s'est réduit, est même passé étrangement au second plan : le message devenant simplement " Nous Tous". Sauf, qu'après un quinquennat de divisions, la France fracturée du pass-vaccinal,  passé, les affaires qui semblent voler en escadrille, "le Nous Tous" (qui traduit un président-candidat en recherche d'Unité) sonne faux. Le Candidat ne peut être crédible sur cet axe. Une stature plus en hauteur, au regard des crises actuelles, eut été plus préférable pour lui (La paix et la sécurité de VGE en 1974 aurait été même pus efficace). Encore une mauvaise reco' des boites de consulting. NOTE :  3/10.


VALERIE PECRESSE

OU L'AFFICHE LA + GENANTE.  

Disons le clairement : la Valoche, elle n'est faite ni pour la scène, ni pour les séances de shooting. Ici, Valérie Pécresse est clairement mal à l'aise. Elle n'est pas naturelle et ça se voit. Austère, elle est même un peu tristoune. Quant à son slogan " Le courage de faire ", il fait étrangement écho à celui de François Fillon (1er tour 2017) avec son " Le courage de la vérité ". C'est très classique, conventionnelle. Notons qu'il est plus clair que le précédent " La fierté française retrouvée ", à la formulée un peu alambiquée. NOTE : 3,5/10.

ANNE HIDALGO

OU L'AFFICHE LA + ALGORITHMIQUE 

Les brillants communicants du staff Hidalgo nous proposent typiquement l'affiche dite Colgate, avec dans le print une dominante de la couleur blanche. Le sourire est éclatant, assumé, presque jusqu'au-boutiste (contrairement à ses concurrents dont on voit que très rarement les dents). Le produit est ici sublimé. Opération séduction pour Hidalgo. Pour le slogan, notons que les pubards ne se sont pas emmerdés. Un algorithme a dû en effet chercher les 3 mots les plus utilisés dans les slogans politiques depuis 50 ans. Au final, ça donne donc " Ensemble changeons d'avenir". On ne peut pas faire aussi convenu. NOTE : 3,5/10

NICOLAS DUPONT-AIGNAN

OU L'AFFICHE LA + PLUS COPIEE-COLLEE.  

Nicolas nous refait le coup de l'affiche Mitterrandienne en 1981 avec son slogan " La force tranquille ". Dans l'image, le parallèle est frappant, presque dérangeant même. Tout se passe dans l'arrière-plan : la campagne, le petit village, le clocher. Le slogan " Choisir la liberté " est en revanche assez cohérent. Il fait référence aux positions assumées du candidat de Debout la France sur le pass sanitaire, le vaccin et le pass vaccinal. NOTE : 5/10 pour la cohérence du slogan et la compo de l'affiche plutôt harmonieuse.

NATHALIE ARTHAUD

OU L'AFFICHE LA + PARTISANE.

Nathalie, elle ne fait ni dans le spectacle, ni dans l'originalité. C'est "le camp des travailleurs" comme Arlette en 2002 (Toujours le camp des travailleurs),  2007 (qui d'autre peut se dire sincèrement dans le camp des travailleurs ?) ou elle-même en 2017 (Faire entendre le camp des travailleurs). La nouveauté, c'est qu'elle ne propose pas une affiche-tract, une affiche fourre-tout comme les précédentes. L'affiche est épurée. Plus moderne. Plus officielle que la précédente très classique où on retrouvait tous les codes de lutte Ouvrière, le rouge, la lexicologie ("le capitalisme" qu'il faut "renverser". NOTE : 6,5/10.

PHILIPPE POUTOU

OU L'AFFICHE LA + COOL.

Avec Poutou, on n'est pas dans la pub ni dans la retouche ni dans la com' grossière et le paraître. On n'est pas non plus dans l'ego trip. Le logo du NPA, comme le positionnement (L'urgence anti-capitaliste) sont en majeur au détriment du nom/prénom du candidat, en bas de l'affiche. Le Philippe, il se la joue cool, avec la casquette de l'ouvrier et le regard ailleurs. On le sent presque pas concerné, désintéressé. On reprend même le slogan de 2017 (« Nos vies, pas leurs profits ! »). Parait-il c'est sa dernière campagne avec ses camarades. Ca se verrait presque. Pour son positionnement anti-spectacle anti-com (rare dans nos sociétés), il mérite amplement la note suivante . NOTE : 6/10.











 JEAN LASSALLE

OU L'AFFICHE LA + PLUS DECEVANTE.  

C'est clairement l'affiche la plus décevante de cette série (au niveau quand même très bas), celle qui compte tenu du candidat, de son positionnement et des qualités de l'homme aurait mérité franchement plus de de créativité. Pourtant, l'axe de l'authenticité était le bon, et même très juste par rapport au politique qu'est Jean Lassalle. Le slogan "La France authentique" est assez pauvre, la photo trop convenue et l'arrière plan trop classique. On sent que cette affiche, dans la posture renvoyée au public, ne lui correspond pas. C'est clairement le candidat qui est plus à l'aise dans le réel : par exemple en été, torse nu, avec béret de berger sur la tête en train de couper du bois. Jean Lassalle est le candidat de loin qui a le plus de "flow".   Dommage qu'il ne s'exprime pas ici, au naturel, tel qu'il l'est, dans ses interviews, à l'Assemblée comme dans la vie en vrai. Jean, où sont tes moutons, ton rapport à la terre, au vrai que tu aimes tant ? Dommage.  NOTE : 4/10. 


 

 


 

dimanche 5 décembre 2021

L’affiche de campagne : support du spectacle politique.


Support publicitaire qui vise à vendre le politique sans complexe avec une image et des mots. Rassembler son camp, aller au-dessus des clivages, faire proche du peuple, atténuer l’agressivité du candidat, gagner en crédibilité ou en présidentiabilité : l’affiche politique est conçue, comme dans l’univers des marques, pour mettre en lumière les attributs (vrais ou non) d’un produit de grande consommation. Pour attirer l’attention, gagner l’adhésion et déclencher le vote en faveur du politique, tout est pensé pour exprimer au mieux le positionnement et la valeur ajoutée : l’angle et le cadrage de la photo, le regard, le sourire, le costume, l’arrière-plan, le filtre, les vraies gens, la vraie vie aussi. Dans une affiche de campagne, tout n’est qu’une question de forme, de packaging, de naturel que l’on fabrique avec des professionnels du paraître, des apparences et de la représentation-produit pour sublimer l’image du candidat figée dans un moment de séduction, au plus près du plus grand nombre.

Avec l’image, le slogan est l’autre élément-clé d’une affiche de campagne. «  Impossible n’est pas Français », « Make American great again », « Yes we can », , « Faire plus pour ceux qui ont moins », « La France qui ose », « Ensemble tout est possible », « Le changement, c'est maintenant », « Sous les pavés la plage », « CRS SS », « Police Assassin » : qu'il vende un homme, un pays, une thématique, un candidat, un programme, un positionnement, un rassemblement, une colère, une manif, un soulèvement, un mouvement : le slogan doit marquer les esprits. Quelques mots seulement doivent suffire pour faire passer un message, véhiculer une promesse, qualifier un produit, imposer ou changer une image. Le slogan est fait pour être repris et décliné partout jusqu’au plus petit support visible du monde marchand. La force du slogan réside dans sa formulation spectaculaire et sa répétition. Le slogan, réduit aujourd'hui en un mot avec le hashtag, répond à l'instantanéité et au temps d’attention ultra-court de l'époque, qui se contente de lire le résumé. La politique comme souhaitée par le spectacle doit rentrer dans le format imposé des bandeaux des chaînes d’« info » et l’espace-réduit des réseaux sociaux. C'est pourquoi la politique se limite aujourd’hui à un nombre de signes très réduit, des formules et des petites phrases, suffisantes pour faire le show.

François Belley

http://francoisbelley.fr

vendredi 10 septembre 2021

La campagne "détournée" d'Eric Zemmour.


Eric Zemmour est un excellent communicant. Il est même, au sein de l'offre politique actuelle, le spécialiste des médias. Aussi, en bon stratège du PAF qu'il est, il continue, à propos de son (hypothétique) candidature à l'élection présidentielle, d'entretenir le flou pour entretenir la flamme. Car mieux que quiconque, Eric Zemmour sait que laisser planer le doute sur ses intentions, jouer avec la rumeur, se dire « intéressé » tout en écartant, habilement de l’ordre du jour la question posée sur ses ambitions personnelles contribue à maintenir sur lui l’attention des médias, du public et de ses concurrents.

« Se présentera-t-il ? », « Se déclarera-t-il ? », « Se lancera-t-il ? » : le vrai-faux suspense médiatique propre à tout bon récit est en effet un moyen facile de faire monter les enchères, laisser les débats se faire et les publications envahir les réseaux sociaux comme les moteurs de recherche. Ainsi, contrairement à X. Bertrand, V. Pécresse ou encore A. Hidalgo, E. Zemmour attend stratégiquement son heure. Pour autant, Zemmour est omniprésent dans les médias, les débats, au CSA, sur Amazon et bientôt dans les librairies.

En réalité, Eric Zemmour est évidemment candidat à l'élection présidentielle mais un candidat outsider qui, par son statut, a opté pour une campagne différente de celles pratiquées habituellement par les professionnels de la politique. Chez Eric Zemmour et ses disciples-communicants, sur CNews ou ailleurs, le discours est clair et le propos dénué d’ambiguïtés.

Non, Zemmour n'est pas candidat : il est écrivain-éditorialiste.

Non, Zemmour n'est pas en campagne : il est en promotion de son livre. 

Non, Zemmour n'est pas à la rencontre des Français : il est avec ses lecteurs.

Non, Zemmour n'a pas présenté son slogan de campagne : il a simplement dévoilé le titre de son dernier essai " La France n'a pas dit son dernier mot ".

A ce titre, la couverture (publiée hier) du dernier livre d'Eric Zemmour dit tout de sa stratégie de communication détournée. Car la couverture de son livre est en réalité ni plus ni moins que son affiche "officielle" de campagne : une affiche directe, elle sans ambiguïtés sur l'intention, la promesse et l'ambition de l'auteur-candidat qui comme l'indique le slogan s'apprête à livrer bataille.

Stratège, Eric Zemmour, l'éditeur cette fois, a détourné les contraintes de l'affiche politique classique, celle qui par exemple interdit notamment dans la composition toute utilisation du "bleu-blanc-rouge". Par le biais de son livre auto-édité chez Rubempré, Eric Zemmour a donc passé outre les contraintes de fond et de forme pour s'offrir l'affiche de campagne de son choix.

Puisque la couverture du livre d'Eric Zemmour est d'abord son affiche de campagne, elle méritait ici d'être à sa juste place, c'est-à-dire sur un panneau électoral.

François Belley

http://francoisbelley.fr