jeudi 19 janvier 2023

LA MANIF : PRODUIT-STAR DE L'ACTU.















Qu’elle concerne les syndicats ou les gilets jaunes, les féministes, les étudiants ou les infirmières, une manifestation, même confidentielle sur le terrain, devient toujours dans l’écran du spectacle un événement d’envergure qu’il faut couvrir, voire sur-couvrir pour le besoin de l'audimat.


Par définition, la manifestation dont l’intérêt premier repose sur les images spectaculaires qu’elle produit, est synonyme d’actu. Parcours, foule et cortège ; déclarations, punchlines et premières estimations ; tensions, charges et affrontements : la manif doit être un manège à sensations fortes. Ou être présentée comme tel. Pour les médias, un rassemblement réussi doit en effet présenter des coups d’éclat, multiplier les symboles, livrer les meilleurs plans pour remplir de contenus à voir "le direct" en cours, "l’article" à venir et "le débat" du soir, consacré aux faits marquants de la journée. C’est pourquoi la manifestation s’inscrit toujours dans un objectif de performance visuelle et sonore galvanisante !

Plus que sur le fond, c’est d’abord sur la forme que la manif doit peser pour gagner des parts de voix. Aussi, parce qu’elle constitue le premier sujet de fixation des médias, la revendication de manifestation sous forme de slogans et de calligraphies, de dessins, de photomontages ou de caricatures, fait toujours l’objet d’un travail particulièrement soigné de la part des manifestants en colère. Exprimé sur un carton, une banderole, un tee-shirt, une bâche, un gilet, un dos ou une paire de seins transformés en un support publicitaire mobile, le message engendre de manière naturelle chez ceux qui le portent, l’enfilent ou le brandissent, de la surenchère dans les mots et les images employés. À l’origine parfois d’une vague d’indignation et de colère dans la population, la sacro-sainte pancarte de manifestation, ready-made de la contestation, devient alors du pain béni pour la matrice sociale-médiatique, responsables de son ultramédiatisation puis de sa monétisation.

Netflix-isation des esprits oblige, la manifestation, comme produit-star de l'ère spectaculaire, est attendue et annoncée tel un feuilleton, consommée et commentée massivement comme une série. « Pour les retraites», « le climat », « l’hôpital » ou « l’école républicaine » ; « contre le racisme et les violences policières » ou « en hommage aux victimes » : la manif avec sa médiatisation de masse, son effet de contagion et son dispositif exceptionnel de retransmission, est devenue un programme de divertissement comme les autres, une "marchandise" prête-à-être consommée : le gagne-pain à la fois des rédactions, des politiques à l'affût comme des citoyens-smartphone qui assurent maintenant, les jours de mobilisation, les duplex sur le terrain et les débriefs sur les réseaux sociaux.

François Belley.

Pour aller plus loin, lire l'essai :
"Le Nouveau Spectacle politique", Editions Nicaise

samedi 14 janvier 2023

BRIGITTE MACRON EN CAMPAGNE. Pourquoi elle coche toutes les cases !













IMPOSER LE DÉBAT. Check !

Tel un politique professionnel, Brigitte Macron démontre qu'elle maîtrise, elle aussi, les codes de l'époque-punchline pour faire parler d'elle et occuper la scène médiatique. Jadis utilisée par Ségolène Royal (« ordre juste », « jury citoyen », « camp de redressement ») plus récemment par Sandrine Rousseau (« barbecue », « affaire Bayou »), la technique marketing est connue : elle consiste, tel un youtubeur à succès, à lancer une formule choc et polémique par intervention. Aussi, que ce soit sur le modèle à la française (« dans quel pays c’est mieux ? ») ou l'uniforme à l'école (« une tenue simple et pas tristoune »), toutes les récentes sorties de Brigitte Macron visent à faire l'actualité, lancer le débat puis laisser les autres commenter, sur les plateaux, les réseaux sociaux ou dans la salle des 4 colonnes.

CRÉER LA SÉQUENCE. Check !

Chez celle qu'on appelle communément « Brigitte » (comme jadis « Ségolène » ou aujourd'hui « Marine »), la semaine passée est particulièrement intéressante à analyser en termes d’apparition publique. Car, sur le plan de la construction-média pensée en temps forts, elle ressemble à s'y méprendre à une semaine-type de campagne où le candidat doit sans cesse occuper l'espace. Il y a d'abord eu sa « visite » (de campagne) à l'hôpital, puis son interview (de campagne) au sacro-saint 20h, puis sa com’ (de campagne) comme co-animatrice avec Arthur sur TF1 (« Le Grand concours spécial Pièces Jaunes »). Avec l'aide de l'Opération Pièces Jaunes dont elle dépasse la mission, " Brigitte " cristallise. Incontestablement, elle s'est imposée comme le "sujet" de la semaine, au point même de rivaliser, en termes de bruit médiatique, avec le sujet pourtant chaud des retraites.


RECHERCHER LA LÉGITIMITÉ. Check !

« Justice » aux côtés d’Éric Dupond-Moretti, « Education Nationale » devant Pap Ndiaye, « Santé » en lieu et place de François Braun : Brigitte Macron sort de son rôle de manière tactique, fait de la politique avec son style et intervient sans complexe sur tous les sujets. Pour autant, compte tenu de son statut de première dame, elle n’est pas (encore) légitime ni aux yeux des Français, ni aux yeux du camp présidentiel. Tout son travail, avec celui des communicants, sera donc ces prochains mois d'apparaître de plus en plus crédible. Dans son édition du 13 janvier, le journal Le Monde la présente comme "une première dame de plus en plus politique." C’est une première étape dans la construction de la marque et son objectif. D'autres papiers iront en ce sens. Aussi logiquement, il est fort à parier que viendra bientôt l'heure des déclarations de type "je suis en phase d'écoute", "j’avance" ou "je suis prête au débat", lesquelles renforceront l'ambiguïté de candidature, lanceront la phase de teasing et installeront le probable improbable duel « Brigitte VS Marine » ? La politique est complexe. Mais le marketing politique si prévisible.

François Belley. Check !

Pour aller plus loin, lire l'essai :

"Le Nouveau Spectacle politique", Editions Nicaise

https://lnkd.in/ghgFYEh8