dimanche 26 mars 2023

L’ HOMME POLITIQUE EST MORT. VIVE LE NÉO-POLITIQUE !


























La réforme des retraites est un marqueur de plus dans la vie, caduque, de la politique française à la papa. Dans une ère multicrise, elle signe sinon illustre parfaitement le déclin du "professionnel de la politique", lié au mieux au trop plein de com’, à l’impuissance et la sur-promesse ; au pire au carriérisme, aux affaires multigenre et à la seule quête du pouvoir pour le pouvoir.

Perçu selon les sondages comme « déconnecté du réel », « parlant trop » et « n’agissant pas assez », le professionnel de la politique, au signe et au cumul facile, n'imprime plus. Distancé par les nouveaux entrants sur le marché, il ne convient plus à l'époque, en attente de plus d'authenticité, de sens et d'action. La mode du dégagisme reposait sur la volonté de sortir les sortants. La réforme des retraites, elle, va balayer par principe les professionnels de la profession. Et nul retour en arrière possible !

LE TEMPS DU NÉO-POLITIQUE.
Diktat de la société sociale-médiatique oblige, la matrice du spectacle qui, avec les réseaux sociaux vit son âge d’or, continue, elle, sa quête permanente de nouvelles têtes spectaculaires qu'elle sait mettre en lumière et pousser dans l’arène politique, une fois l'audience et la notoriété acquises.

Depuis « l’inversement » permis par les réseaux sociaux (où tout homme connecté a désormais le droit à la parole et au spectacle), c’est l’anonyme, nouvellement connu, vu et entendu, qui fait l’actu politique, qu’on veut écouter, croire et suivre. Peu importe sa légitimité sur le sujet, sa crédibilité et sa sincérité, ce que « la matrice des vues » encourage et veut voir maintenant c’est la « techno-gréviste » se déhancher, le youtubeur balancer du lourd sur sa chaîne, le twittos clasher en rafales ou « l’expert en Tout » décrypter le champ politique. Oyez, oyez, Mesdames et Messieurs, c'est désormais l'ère du néo-politique : ce non-professionnel de la politique qui, dans l'écran du spectacle, assure le renouvellement du show avec un sens du marketing remarquable.

LE NOUVEAU SPECTACLE POLITIQUE.
Mise en scène de la vie privée ; omniprésence dans les talk-shows, marelle dans une cour d’école ; concours d’anecdotes avec des youtubeurs : la politique-spectacle, pratiquée jusque-là par un politique professionnel discrédité, n’amuse plus le système spectaculaire, las des vieilles ficelles de la com’ politique. Danse, vidéo-live, clash, punchline… : place désormais au "Nouveau Spectacle politique" permis par les réseaux sociaux, lesquels ont, à la vitesse de la lumière, changé LA et LE politique.

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Par François Belley, essayiste,
auteur de l'essai " Le Nouveau Spectacle politique " (Editions Nicaise)
https://lnkd.in/ghgFYEh8

mercredi 22 mars 2023

LA NOUVELLE FOULE.


Née des réseaux sociaux, la nouvelle foule forme le public du spectacle contemporain : celui, connecté, que l’on appelle communément aussi l’audience.

Abonnés, followers, fans, amis… la foule dite numérique se présente comme le nouveau public de masse, en lieu et place de celui amorphe et vieillissant du cinéma ou de la télévision. De la nouvelle foule, instinctive, primitive et puissante, à la fois productrice et productive, émerge la composante indispensable de la réussite du spectacle en ligne.

Le comportement de la nouvelle foule suit les codes classiques et les caractéristiques suivistes, propres au phénomène et à la psychologie de groupe. Anonyme, nombreuse et facilement influençable, la nouvelle foule qui vient s’ajouter et enrichir la classification historique des types de « foules », ne se sent pas responsable et ne réfléchit pas. Incapable de raisonner, elle ignore l’esprit critique, l’analyse et toute forme de discernement. Comme un seul être, elle avance en bloc, parle et commente d’une même voix, publie, like et partage d’une seule main. La nouvelle foule ne parle et ne comprend qu’un langage : celui de l’instantanéité, de l’émotion et du court-circuit. Elle est appréciée pour son fanatisme et sa démesure, ses comportements irrationnels et ses propos passionnés, ses attitudes imprévisibles, ses dérapages soudains et ses réactions brutales : autrement dit, son sens inné du spectacle.

Dans le cadre d’une manifestation ou d’une allocution, la nouvelle foule comme premier agent productif peut en effet s’appuyer sur des millions de chevilles ouvrières galvanisées pour assurer le spectacle en ligne. À l’heure du numérique, rejoindre une foule en tant que membre actif n’a jamais été aussi simple. Depuis son smartphone, un seul clic suffit. C’est ce qui différencie la nouvelle foule d’une masse de manifestants ou de spectateurs, de supporters ou de militants dans la vraie vie : les risques de rejoindre un groupe chauffé à blanc s’effacent tout à coup.

Portée par le nombre, guidée par l’instinct animalier et l’impulsivité qui la caractérisent, la nouvelle foule assure le rôle principal du spectacle en ligne : celui qui fait l’événement et en parle, lui donne de l’importance par le contenu de masse et le bruit qu’elle génère autour. Prescriptrice, la nouvelle foule décide de la publication à voir, de l’article à lire, du compte à suivre, de la vidéo à partager ou de l’avatar à bannir. C’est elle qui décrète le bien et le mal, fixe les critères du beau et du laid, trace les limites de l’acceptable et de l’inacceptable, règle le niveau d’intensité de la lumière sociale-médiatique.

Par son influence et ses retombées immédiates dans les médias traditionnels, la nouvelle foule a donné naissance à un nouveau type d’opinion publique, virtuelle cette fois-ci, qui selon l’actualité du jour, peut imposer sa vérité au monde entier, se déchaîner, juger et, par la force d’un hashtag, dresser des bûchers en place numérique. La nouvelle foule adore ou déteste. Elle est le fan ou l’ennemi. Elle célèbre ou exécute. Il n’y a pas de nuances possibles. Prévisible, le public, acteur du spectacle contemporain, ne réserve jamais de surprise dans ses agissements. Sur une petite musique répétitive, la nouvelle foule est tel l’automate qui marche, pivote puis tourne ; déambule, pivote puis tourne à nouveau. La nouvelle foule libère la parole, se nourrit de l’image et des formules chocs, pousse le public au mimétisme. Sur les réseaux sociaux, elle est l’alpha et l’oméga de la production du nouveau spectacle ».

Extraits de l’essai « Le Nouveau Spectacle politique » (éditions Nicaise)
François Belley

mercredi 8 mars 2023

DE L’ ÉMOTION EN POLITIQUE !


... ou la stratégie des « larmes de croco » !

À l’heure du diktat de l’apparition-écran et du marketing continu, lémotion est un registre de com’ apprécié et recherché des acteurs politiques.

Chez la femme ou l’homme politique dont l’image est écornée, l’émotion crée de l’authenticité, humanise, normalise aussi à l’heure de la défiance et de la distance du politique. L’émotion que l’on recherche, créée et scénarise dans l’espace public, s’adresse à la sensibilité des foules, touche le cœur des masses, réveille les passions de l’électorat. Parce qu’elle s’inscrit s’inscrit dans une logique de compassion, de séduction donc d’adhésion, elle fait office de pensée, de message et de programme, à l’heure du vide.

Sur la scène du théâtre politique, les larmes de croco lorsqu’elles coulent à flot sont donc devenues une arme de communication. Celles d’A. Bergé hier à l’Assemblée, d’E. Macron lors du 11 novembre 2021 ou de B. Obama lors de son dernier discours (janv 2007), celles de S. Royal lors de sa défaite cinglante aux primaires (octobre 2011) ou de J. Trudeau dans les locaux du parlement (oct 2007), celles d’A. Corbière sur un plateau de télévision (fév 2018), de N. Hulot lors de l’annonce de sa démission (Sept 2018) ou d’A. Juppé lors de ses adieux à sa ville de Bordeaux (fév 2019) : les larmes - naturelles ou non - font sortir l’homme politique de sa fonction, percent la bulle de l’intimité.

Comme au cinéma, au théâtre ou dans le sport, l’émotion est attendue par le spectateur. Pour les médias, les séquences en sanglots, qui plus est en direct, valent de l’or. Pour le politique, elles créent de la publicité. Pour son caractère humain, elles font naître de la compassion, de la sympathie et de la proximité chez l’électorat. Dans nos sociétés d’image avant tout, mieux vaut être porté sur l’émotion que sur la raison. L’adhésion, l’approbation, le soutien, exprimés par « le commentaire », « l’abonnement à », « le like », « le retweet » ou « le vote », sont souvent le fruit d’une émotion savamment construite.

François Belley

La suite ici :
« Le Nouveau Spectacle politique » (Editions Nicaise), Essai.
https://lnkd.in/eJRjsiyD