lundi 23 août 2021

La rentrée ( DE LA COM ! ) politique.


Ça y est,
c’est reparti ! Après une courte pause estivale (pour les moins accros) sans caméras ni micros, les politiques, candidats déclarés, probables ou à venir, ré-apparaissent tous en même temps à l’écran bruyant du spectacle.

« Université d'été », « rassemblement populaire » ou « convention » ; « banquet républicain », « fête de la Rose » ou « barbecue citoyen » : la rentrée politique, organisée en province, si possible dans un petit village pour des raisons d'image, constitue à 8 mois du 1er tour de la présidentielle, une fenêtre de tir médiatique : l’acte 1 d’un plan de com bien rôdé pour le candidat, petit ou grand, venu renforcer loin de Paris son capital « sympathie » et améliorer ainsi ses items d’image dans les futures enquêtes d’opinion.

Pour Zemmour, Pécresse ou Wauquiez ; Jadot, Bayou ou Rousseau ; Hidalgo, Montebourg ou Mélenchon en quête de souffle, de retombées presse et de « présidentiabilité » : l’objectif est le même. Dans ces exercices d’apparitions et de déambulations face caméras, il s’agit d’abord de bien « paraître » : paraître sympa, drôle et proche ; dynamique, crédible et déterminé. Ainsi, dans cette revue de style, la main sur l’épaule est obligatoire ; les traits d’humour attendus et la petite blague conseillée. Pour le politique censé représenter l’ensemble des Français, il convient à l’écran d’être « bien perçu » : perçu comme « à l’aise » quand il convient d’échanger avec des jeunes ; perçu comme « naturel » quand il s’agit de manger sur le pouce avec les doigts ou des couverts de fortune ; perçu comme « authentique » quand il faut lever le verre et pousser la chansonnette avec la langue du coin.

En vue des primaires et de la campagne présidentielle, la rentrée du médiatico-politique en tenue décontractée vise surtout à démontrer la force et la forme du candidat, à afficher ses soutiens, ses fans et ses équipes, à s'imposer (selon la stratégie) comme le candidat naturel ou le chef de file, le challenger, le premier opposant ou la future surprise de l’élection à venir.

Moyen d'exister facilement sur le compte d'un parti, d’un mouvement ou d’un collectif, la rentrée politique n’est au fond qu’une bataille d’images entre futures présidentiables dont l’objectif (comme tout au long de l’année) est ni plus ni moins que l’OPA sur les gros titres, le trendtopic et le JT de 20 heures. D’où l’omniprésence dans cette séquence des discours, des punchlines et des coups de com.

Faute d’actualité et d’histoire à raconter, la rentrée politique (qui profite essentiellement du vide médiatique de la fin août) bénéficie, historiquement, toujours d’une couverture presse largement supérieure à son intérêt politique.  Vous le constaterez aisément semaine prochaine. A gauche comme à droite, rien ne sortira de ces rendez-vous où l’on retiendra davantage les teints hâlés que les idées, les petites phrases que les visions, les chemises ouvertes que le contenu même de ces rassemblements spectaculaires mis en place d’abord pour l'ego, l’image et le son.

François Belley

http://francoisbelley.fr

lundi 9 août 2021

L'arnaque du " troisième Homme ".


« Le phénomène X !», « La surprise Y ! », « La révélation Z » : à chaque élection
présidentielle, c’est le même impératif : il faut voir éclore de la narration médiatique, un outsider d’où peut venir la surprise, un candidat chargé de perturber le jeu politique, « un troisième Homme » capable de bouleverser la donne, déjouer les pronostics et perturber - à défaut de l’empêcher - « le duel » annoncé.

Sur la liste des convives, « le troisième Homme » est l’un des premiers à recevoir, sous forme de sésame, un carton VIP ouvrant les portes des médias. J. Lecanuet, J. Chaban-Delmas, R. Barre, F. Bayrou, E. Zemmour, C. Taubira, « le troisième Homme », c’est le refus du duel annoncé, la carte de l’originalité : le choix de l’audace, du moins tel qu’il est présenté et vendu par la presse.

Invité faussement surprise des campagnes électorales, « le troisième Homme » porté par la vague des sondages, aidé aussi par les Unes spéculatrices, est en réalité une création médiatique qui vise, pour des raisons logiques d’audience, de sur-enchère et d’emballement journalistique, à rendre à travers l’hypothèse « crédible » d’un coup de théâtre à venir, l’impossible finalement « possible », l’improbable peut-être « probable » et l’irréalisable finalement tout à fait « réalisable ».

« Jusqu’où peut-il aller ? », « Et si c'était lui ? », « Pourquoi pas lui ? », « Lui Président ? », « Et si c'était elle ? » : le rôle du « troisième Homme », enfermé par les médias dans une politique-fiction à laquelle parfois même l’intéressé ne croit pas, ne doit son existence qu’au suspense qu’il permet de créer et maintenir jusqu’au terme de l’élection, période après laquelle " le troisième Homme" disparaît du premier plan de la caméra. Comme au Cinéma, il convient d’accrocher le spectateur, au risque de le voir sinon jeter son cornet, se lever fissa et quitter la salle sans le moindre espoir de retour sur son siège.

Utilisé par les diffuseurs du spectacle politique comme formule marketing d’aide à la vente, « le troisième Homme » comme pseudo candidat-rempart à la bipolarisation de l’élection, finit pourtant par stagner, s’effondrer lors de la cristallisation de la campagne et devenir le grand perdant de l’élection, lui restant alors que la maigre consolation de sa déclaration de l’entre-deux tours avec l’annonce toujours très attendue des consignes de votes, ultime passage dans la lumière.

François Belley

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lundi 2 août 2021

Le Président-instagrameur.


C'est confirmé. La politique ne relève plus du sérieux. À l'ère du diktat de l'apparition et des vues, des stories, des likes et des pouces bleus, elle n'est plus aujourd'hui qu'instantanéité et course à l'audience, fabrique de notoriété et gestion de l'image. Décidément, les conseillers en communication-spectacle n'en ratent pas une. La preuve en est ce matin avec l'apparition surprise, depuis le Fort de Brégançon, d'Emmanuel Macron simultanément sur TikTok et Instagram, soit les deux réseaux sociaux prisés de la Génération Z (15-24 ans).

À l'aise dans l'époque-numérique, aguerri aux techniques de communication et au jeu des questions / réponses, Emmanuel Macron, Homme-smartphone, s'est donc adressé en live à sa "communauté" en reprenant à son tour, telle une blogueuse Mode, Food ou Life Style, tous les codes de la parfaite petite instagrameuse.

Exit en effet le costume de Président, c'est en mode décontracté que le jeune et cool Emmanuel Macron, vêtu d'un simple t-shirt noir, apparaît en plan poitrine dans l'écran du spectacle du 21ème siècle. Point de réalisateur et encore moins de cadreur, c'est "Manu" himself qui se charge de se filmer directement avec son téléphone multi-usages. Dans cet exercice de style avant tout, il n'y a pas, à la manière d'une allocution présidentielle classique, de pré-enregistrement possible, de 2ème ou de 3ème prise permises : c'est dès la première que l'acteur se doit d'être naturel et surtout spontané. Ainsi, à l'appui d'une vidéo ultra-courte d'à peine 1 minute c'est donc "en direct" que le Président-instagrameur à la volonté d'être sans filtres ("Allez-y, posez-les-moi et j’essaierai d’être le plus direct "), s'est proposé au sujet de la vaccination, de répondre aux questions des 15-24 ans afin de contrer par sa seule voix, les « fausses informations », les « fausses rumeurs » et le « parfois n’importe quoi ».

Au-delà de l'objectif visant à inciter les plus jeunes à la vaccination (après le coup de com' semaine dernière d'O. Véran à destination des femmes enceintes), ce qui est intéressant à noter dans cette nouvelle séquence de politique-spectacle, c'est le costume "d'expert" propre à l'instagrameur Mode, Food ou Life Style, que le Président enfile à l'écran quand il parle de "Covid long", de "forme grave" ou de "contamination".

Emmanuel Macron n'est pas médecin, encore moins épidémiologiste ou Professeur. Mais tel l'instagrameur qu'on écoute et regarde religieusement, il est celui qui sait et répond, qu'importe le sujet et la question. Comme celle de l'influenceur, la notoriété d'E. Macron, en sa qualité de Président, fait ici office de légitimité. Synonymes de fiabilité, la fonction et l'audience apparaissent en effet comme un gage de vérité.

Aussi courte soit-elle, cette vidéo du Président-instagrameur confirme le besoin de "gouverner" dans l'événement-permanent et l'hyper-activité médiatique. Une nouvelle fois, cette séquence démontre, sur le marché, la verticalité de la "marque" Macron qui, après la prise de parole du 12 juillet, continue d'étouffer le rôle du 1er ministre, d'assombrir les ministres et d'empêcher l'émergence de nouvelles têtes au sein de son propre camp. Aujourd'hui le sujet de la vaccination à destination des 12-17 ans, demain un tuto "fitness", "recette healthy" ou "cahiers de vacances", Emmanuel Macron à la capacité de s'emparer personnellement de tous les sujets, illustre que même en congé, loin de Paris et de l'Élysée, la star de l'écran c'est lui. Pas McFly et Carlito, non lui ! Et personne d'autre.

François Belley

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Les vacances des politiques : b.a.-ba de la politique spectacle !


Depuis l’apparition des médias de masse, les vacances du politique (en premier lieu celles de l’exécutif) ne cessent d’être « consommées » comme un feuilleton d’été, lequel feuilleton vise - par un concours collectif de mise en scène, de proximité et de vie quotidienne - à humaniser et normaliser la fonction (à travers l’image d’un politique présenté pour le besoin du spectacle en t-shirt et polo, short et bermuda, claquettes et maillot de bain : autrement dit « comme tout le monde »), à rapprocher et raccrocher aussi avec un public devenu distant.

Déterminante dans la façon dont la presse puis l’opinion percevront in fine le politique, le choix marketing de la destination répond essentiellement à un objectif d’image et de messages. À l’ère de la pandémie continue, rien d’étonnant donc que l’exécutif, pour éviter de nouveaux couacs et optimiser la narration autour du produit mis en spectacle), ait préféré rester dans l’hexagone et humer l’air de la Corse, de la Bretagne ou du Pays-Basque : soient dans le plan de com’ autant de cartes postales médiatiques décentes à envoyer au public, de symboles à activer autour de l’ancrage local et de contenus nécessaires au désormais indispensable storytelling.

Jet-ski, scooter et nage, balade, déjeuner et café en terrasse : si les congés du politique sont présentées au public comme une occasion de souffler et de se ressourcer, ils continuent néanmoins d’être LE théâtre de la mise en scène, de limage et de l’apparition à l’écran. Quand il s’agit de spectacle en effet, il n’y a pas de coupure possible, pas de break autorisé, qui plus est depuis l’apparition des smartphone, des réseaux sociaux et de la fonctionnalité "live". 

Événement attendu par les chaînes d’info, la presse people comme par les badauds, le bain de foule du président, du candidat ou du 1er opposant, constitue de loin l’image estivale à ne pas rater : celle qui met en scène l’Homme de spectacle descendant de l’estrade du pouvoir pour rejoindre enfin son public à qui il offre, selon les occasions et l’humeur du jour, une anecdote ou un check, un selfie ou une partie de raquettes.

Pour la vedette-politique qui doit toujours occuper l’espace, le passage du spectacle du pouvoir à la réalité tout aussi spectaculaire du terrain en compagnie des riverains et des touristes, est recherché à la veille d’une élection majeure, également en cas de baisse sondagière ou de désamour avec l’électorat. Parce qu’il est construit par et pour l’image, le bain de foule n’est jamais spontané. Pensé en amont, il est d’ailleurs souvent monté avec des « vraies gens » filtrées et triées sur le volet.

« Où les ministres partent-ils cet été ? », « Avec qui passent-ils leurs vacances  ? », « Vacances détentes ou studieuses ? » : dans une période estivale propices aux meublages, la sphère médiatique, toujours en quête de contenus, réussit chaque année la prouesse de faire des vacances du politique un sujet de conversation, de débats et de vide contemplation.

François Belley

http://francoisbelley.fr