vendredi 20 mai 2022

La quête de l’écran-génisme.


 

EXTRAIT OFFERT parce que vous êtes trop... cools !   

Chapitre / " La quête de l’écran-génisme ". 

Le Nouveau Spectacle politique, François Belley (essai, 226 pages / Editions Nicaise)

" Dans l’écran, nul besoin d’avoir recours aux grands moyens : de diffuser un film à sensations fortes, programmer une enquête choc ou s’appuyer sur un événement sportif d’envergure pour faire impression sur le public. Par une simple apparition, une tête écran-génique suffit pour produire à bas coût du spectacle à la chaîne. Ainsi, dans le champ médiatico-politique, ce sont des « têtes » comme ressources premières dont le système a besoin : des vedettes de l’écran qui, par leur visage multifonction, sauront incarner le sujet du moment, répondre aux attentes, exprimer le mieux possible les émotions du spectacle et créer le contenu à voir.

À la recherche de têtes écran-géniques et non de cerveaux intelligents, le système spectaculaire puise dans la tendance du marché, s’inscrit là dans l’engouement pour le temps des femmes, suit ici la mode des non-professionnels de la politique, des populistes ou encore des écologistes post-ados. 

Glorifiée par l’époque spectaculaire, la tête écran-génique, est attendue sinon construite par les médias. Sélectionné pour sa fraîcheur, son potentiel de vente et de narration, le nouvel entrant mis en avant dans l’écran comme une tête de gondole dans un rayon, distrait, séduit ou repousse le public par ses invitations sur les plateaux, la teneur de ses propos et la publication régulière de vidéos : un public à qui il donne rendez-vous inlassablement chaque jour dans l’écran du spectacle.

À la manière de l’idiot utile, la tête écran-génique pense à l’image servir une cause et défendre publiquement des convictions profondes. Or, en échange d’une surexposition médiatique, l’homme-visage comme principal contributeur du spectacle ne fait qu’alimenter la machine et travailler pour le compte du néo-divertissement. En politique comme dans le show-business, les carrières longues n’existent plus. Alors, une fois son rôle rempli à l’écran, la tête écran-génique en sort immédiatement pour, dans un souci de renouvellement, laisser sa place à une autre figure du spectacle tout aussi court-termiste. Dans l’écran, l’erreur serait de croire qu’il n’y a que dans la coupure pub (autrement dit, « l’écran publicitaire », cet espace commercial réservé au matraquage des marques), où l’on trouve des produits à vendre. En réalité, tout ce qui apparaît à l’écran, à commencer par les têtes médiatico-politiques qui s’efforcent de le crever pour ne pas le quitter, forme une marchandise que l’on impose au consommateur et avec laquelle on remplit ses yeux.

L’écran-génisme se remarque particulièrement dans le cadre du spectacle du remaniement ministériel : un turnover davantage médiatique que politique qui, à l’ère de l’emballage, privilégie « un visage », mise sur « une notoriété » et achète « une star » ; retient « une cote de popularité » et nomme « une personnalité ». Ainsi n’y a-t-il pas de différences entre un ministre, une figure de proue de la lutte contre les violences policières et un soda, l’égérie du néo-féminisme radical pourfendeuse du patriarcat et un abonnement téléphonique : tels des annonceurs, tous apparaissent à l’écran in fine pour promouvoir leur discours ou leur produit, leur marque et leur idéologie ".

Le Nouveau Spectacle politique, François Belley (essai, 226 pages / Editions Nicaise)

https://www.amazon.fr/Nouveau-Spectacle-politique-Francois-Belley/dp/2493489012

mercredi 18 mai 2022

L' ÈRE DES RADICALITÉS.

 

 

Oyez, oyez, Mesdames et Messieurs,

vous êtes lá : formatés pour le spectacle !

 

Aujourd'hui, c'est noir ou blanc. Il faut être "pour" ou "contre", "côte à côte" ou "face à face": c'est forcément glacial ou brûlant ! Dans la nouvelle société du spectacle, il n'y a pas ou plus de place pour la nuance, le recul, la mise en perspective permise par le temps long.

Oyez, oyez, Mesdames et Messieurs, vous êtes lá : formatés pour le spectacle !

Imposé par l'ère du tout-numérique, le temps court, propre à l'émotion, pousse aujourd'hui à s'engager, si possible sans réfléchir : l'époque sociale-médiatique de toute façon n'a pas le temps de penser, de s'interroger et de poser le problème. Pas assez rentable sans doute. Pas vraiment d'intérêt non plus sur le fond, puisqu'il n'existe plus.

Pressée par le spectacle (le sacro-saint "contenu") qu'elle doit produire sans cesse pour divertir les foules, l'époque sociale-médiatique doit prendre parti tout de suite, être pour ou contre immédiatement, se ranger d'un côté ou de l'autre sur le champ.

Paradoxalement, on est passé du "en même temps" macroniste commenté par tous au "tout ou rien" spectaculaire validé par tous.  Ainsi va la mode et le champ politique n'y échappe pas.

Oyez, oyez, Mesdames et Messieurs, vous êtes lá : formatés pour le spectacle !

Conséquence de l'ère numérique et des réseaux sociaux, du diktat des vues et de la logique du "putaclic", cette tendance à la radicalité touche aujourd'hui tous les sujets du champ politique :

- d'abord, les blocs politiques réduits au nombre de trois aujourd'hui.

Minimaliste, l'époque-spectacle veut désormais de la clarté dans l'offre : en gros aucune nuance. Alors, elle propose dans les linéaires prêts-à-voter : une gauche très à gauche ; une droite très à droite et un macron très macroniste.

Oyez, oyez, Mesdames et Messieurs, tenez-vous prêts bientôt, dans l'arène sociale-médiatique, à débattre, à défendre chacun votre extrême et surtout... à vous battre en ligne pour le spectacle.

- ensuite, sur le plan des candidats (beaucoup plus intéressant maintenant),

l'époque spectacle propose dans le cadre des prochaines législatives par exemple :

- soit des professionnels de la politique (Ministre, députés, maires et autres élus) ;  

- soit carrément des amateurs de la politique (ce que j'appelle des "néo-politiques"), tels des boulangers, des gardiens de la paix ou carrément des ex-vainqueurs de Koh-Lanta...

Bon maintenant, vous connaissez le refrain de de ce texte.

Oyez, oyez, Mesdames et Messieurs, ces candidats-lá, castés, sont formatés pour le spectacle !

- enfin, sur le plan du commentariat (l'autre pollution de ce siècle) produit par" la nouvelle foule" (ce que j'appelle le public contemporain),

la matrice, par le diktat de son réflexe ("j'aime", "je partage", "je signale", "je bloque"...) et de son format (nombre de signes réduits, stories, durée de vie limitée du post...) ne peut qu'engendrer, en masse, de la radicalité dans le contenu "pensé" et publié, c'est-à-dire du clash, du trolling, de l'insulte, du harcèlement : mère du nouveau spectacle politique. 

Eh bien, c'est cette nouvelle radicalité à la mode, que je décris en long, en large et en travers dans l'essai-critique "Le Nouveau Spectacle politique" paru aux éditions Nicaise le 07 avril dernier.

Par François Belley, 

Essai à découvrir ici ▼

https://www.amazon.fr/Nouveau-Spectacle-politique-Francois-Belley/dp/2493489012



dimanche 1 mai 2022

La manif' comme produit-star de "l'actu".


Qu’elle concerne les syndicats, les étudiants ou les infirmières, les pompiers ou les policiers, les féministes ou les prostituées, les retraités ou les motards, une manifestation, même confidentielle sur le terrain, devient dans l’écran du spectacle forcément un événement d’envergure qu’il faut couvrir.

Par définition, la manifestation dont l’intérêt premier repose sur les images spectaculaires qu’elle produit, est synonyme d’actu. Parcours, foule et cortège ; slogans, insultes et nasses ; affrontements, charges et caillassages ; pillages, interpellations et bavures : la manifestation est un manège à sensations fortes. Pour les médias, un rassemblement réussi doit en effet présenter des coups d’éclat, multiplier les symboles, livrer les meilleurs plans pour remplir de contenus à voir le direct en cours, l’article à venir et le reportage du soir, consacrés aux faits marquants de la journée. C’est pourquoi la manifestation s’inscrit toujours dans un objectif de performance visuelle galvanisante.

Plus que sur le fond, c’est d’abord sur la forme qu’elle doit peser pour gagner des parts de voix. Aussi, parce qu’elle constitue le premier sujet de fixation des médias, la revendication de manifestation sous forme de slogans et de calligraphies, de dessins, de photomontages ou de caricatures, fait toujours l’objet d’un travail particulièrement soigné de la part des manifestants en colère. Exprimé sur un carton, une banderole, un tee-shirt, une bâche, un gilet jaune, un dos ou une paire de seins transformés en un support publicitaire mobile, le message engendre de manière naturelle chez ceux qui le portent, l’enfilent ou le brandissent, de la surenchère dans les mots et les images employés. À l’origine parfois d’une vague d’indignation et de colère dans la population, la sacro-sainte pancarte de manifestation, ready-made de la contestation, devient du pain béni pour les médias et le spectacle, responsables de son ultramédiatisation.

« Acte I », « Acte X », « Acte XX » : les manifestations, à l'instar aussi de celles du 1er mai, sont annoncées, vues et attendues aujourd’hui comme des pièces de théâtre : « l’acte » comme nouvelle appellation renvoyant à la fois à une unité de temps et de lieu, au caractère dramatique ou tragique de l’événement, à l’idée aussi de scène, donc au devoir de représentation et de spectacle pour les acteurs de la pièce. « Pour le climat », « l’hôpital » ou « l’école républicaine » ; « contre le racisme et les violences policières » ou « en hommage aux victimes » : témoignage réel d’un monde en ébullition, la manifestation avec sa médiatisation de masse, son effet de contagion et son dispositif exceptionnel de retransmission, est devenue un programme de divertissement : le gagne-pain des rédactions, des politiques comme des citoyens-reporters qui assurent maintenant, les jours de mobilisation, les duplex sur le terrain.

Diffusé désormais systématiquement en direct, le produit star de l’actu constitue aujourd’hui pour les chaînes d’info, le feuilleton à suivre dans la case horaire qui précède celles de l’access et du prime time, lesquelles remplies de longs et lourds débats, reviendront bien sûr dans le détail sur l’événement du jour.

Pour le reste des "produits spectaculaires" de grande conso prêts-à-consommer, vous les découvrirez dans ce livre "Le Nouveau Spectacle politique", paru aux éditions Nicaise le 07 avril dernier.

https://www.amazon.fr/Nouveau-Spectacle-politique-Francois-Belley/dp/2493489012

François Belley.