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Chapitre / " La quête de l’écran-génisme ".
Le Nouveau Spectacle
politique, François Belley (essai, 226 pages / Editions Nicaise)
" Dans l’écran, nul besoin d’avoir recours aux grands moyens : de diffuser un film à sensations fortes, programmer une enquête choc ou s’appuyer sur un événement sportif d’envergure pour faire impression sur le public. Par une simple apparition, une tête écran-génique suffit pour produire à bas coût du spectacle à la chaîne. Ainsi, dans le champ médiatico-politique, ce sont des « têtes » comme ressources premières dont le système a besoin : des vedettes de l’écran qui, par leur visage multifonction, sauront incarner le sujet du moment, répondre aux attentes, exprimer le mieux possible les émotions du spectacle et créer le contenu à voir.
À la recherche de têtes écran-géniques et non de cerveaux intelligents, le système spectaculaire puise dans la tendance du marché, s’inscrit là dans l’engouement pour le temps des femmes, suit ici la mode des non-professionnels de la politique, des populistes ou encore des écologistes post-ados.
Glorifiée par l’époque spectaculaire, la tête écran-génique, est attendue sinon construite par les médias. Sélectionné pour sa fraîcheur, son potentiel de vente et de narration, le nouvel entrant mis en avant dans l’écran comme une tête de gondole dans un rayon, distrait, séduit ou repousse le public par ses invitations sur les plateaux, la teneur de ses propos et la publication régulière de vidéos : un public à qui il donne rendez-vous inlassablement chaque jour dans l’écran du spectacle.
À la manière de l’idiot utile, la tête écran-génique pense à l’image servir une cause et défendre publiquement des convictions profondes. Or, en échange d’une surexposition médiatique, l’homme-visage comme principal contributeur du spectacle ne fait qu’alimenter la machine et travailler pour le compte du néo-divertissement. En politique comme dans le show-business, les carrières longues n’existent plus. Alors, une fois son rôle rempli à l’écran, la tête écran-génique en sort immédiatement pour, dans un souci de renouvellement, laisser sa place à une autre figure du spectacle tout aussi court-termiste. Dans l’écran, l’erreur serait de croire qu’il n’y a que dans la coupure pub (autrement dit, « l’écran publicitaire », cet espace commercial réservé au matraquage des marques), où l’on trouve des produits à vendre. En réalité, tout ce qui apparaît à l’écran, à commencer par les têtes médiatico-politiques qui s’efforcent de le crever pour ne pas le quitter, forme une marchandise que l’on impose au consommateur et avec laquelle on remplit ses yeux.
L’écran-génisme se remarque particulièrement dans le cadre du spectacle du remaniement ministériel : un turnover davantage médiatique que politique qui, à l’ère de l’emballage, privilégie « un visage », mise sur « une notoriété » et achète « une star » ; retient « une cote de popularité » et nomme « une personnalité ». Ainsi n’y a-t-il pas de différences entre un ministre, une figure de proue de la lutte contre les violences policières et un soda, l’égérie du néo-féminisme radical pourfendeuse du patriarcat et un abonnement téléphonique : tels des annonceurs, tous apparaissent à l’écran in fine pour promouvoir leur discours ou leur produit, leur marque et leur idéologie ".
Le Nouveau Spectacle politique, François Belley (essai, 226 pages / Editions Nicaise)
https://www.amazon.fr/Nouveau-Spectacle-politique-Francois-Belley/dp/2493489012