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dimanche 1 mai 2022

La manif' comme produit-star de "l'actu".


Qu’elle concerne les syndicats, les étudiants ou les infirmières, les pompiers ou les policiers, les féministes ou les prostituées, les retraités ou les motards, une manifestation, même confidentielle sur le terrain, devient dans l’écran du spectacle forcément un événement d’envergure qu’il faut couvrir.

Par définition, la manifestation dont l’intérêt premier repose sur les images spectaculaires qu’elle produit, est synonyme d’actu. Parcours, foule et cortège ; slogans, insultes et nasses ; affrontements, charges et caillassages ; pillages, interpellations et bavures : la manifestation est un manège à sensations fortes. Pour les médias, un rassemblement réussi doit en effet présenter des coups d’éclat, multiplier les symboles, livrer les meilleurs plans pour remplir de contenus à voir le direct en cours, l’article à venir et le reportage du soir, consacrés aux faits marquants de la journée. C’est pourquoi la manifestation s’inscrit toujours dans un objectif de performance visuelle galvanisante.

Plus que sur le fond, c’est d’abord sur la forme qu’elle doit peser pour gagner des parts de voix. Aussi, parce qu’elle constitue le premier sujet de fixation des médias, la revendication de manifestation sous forme de slogans et de calligraphies, de dessins, de photomontages ou de caricatures, fait toujours l’objet d’un travail particulièrement soigné de la part des manifestants en colère. Exprimé sur un carton, une banderole, un tee-shirt, une bâche, un gilet jaune, un dos ou une paire de seins transformés en un support publicitaire mobile, le message engendre de manière naturelle chez ceux qui le portent, l’enfilent ou le brandissent, de la surenchère dans les mots et les images employés. À l’origine parfois d’une vague d’indignation et de colère dans la population, la sacro-sainte pancarte de manifestation, ready-made de la contestation, devient du pain béni pour les médias et le spectacle, responsables de son ultramédiatisation.

« Acte I », « Acte X », « Acte XX » : les manifestations, à l'instar aussi de celles du 1er mai, sont annoncées, vues et attendues aujourd’hui comme des pièces de théâtre : « l’acte » comme nouvelle appellation renvoyant à la fois à une unité de temps et de lieu, au caractère dramatique ou tragique de l’événement, à l’idée aussi de scène, donc au devoir de représentation et de spectacle pour les acteurs de la pièce. « Pour le climat », « l’hôpital » ou « l’école républicaine » ; « contre le racisme et les violences policières » ou « en hommage aux victimes » : témoignage réel d’un monde en ébullition, la manifestation avec sa médiatisation de masse, son effet de contagion et son dispositif exceptionnel de retransmission, est devenue un programme de divertissement : le gagne-pain des rédactions, des politiques comme des citoyens-reporters qui assurent maintenant, les jours de mobilisation, les duplex sur le terrain.

Diffusé désormais systématiquement en direct, le produit star de l’actu constitue aujourd’hui pour les chaînes d’info, le feuilleton à suivre dans la case horaire qui précède celles de l’access et du prime time, lesquelles remplies de longs et lourds débats, reviendront bien sûr dans le détail sur l’événement du jour.

Pour le reste des "produits spectaculaires" de grande conso prêts-à-consommer, vous les découvrirez dans ce livre "Le Nouveau Spectacle politique", paru aux éditions Nicaise le 07 avril dernier.

https://www.amazon.fr/Nouveau-Spectacle-politique-Francois-Belley/dp/2493489012

François Belley.