Depuis l’apparition des médias de masse, les vacances du politique (en premier lieu celles de l’exécutif) ne cessent d’être « consommées » comme un feuilleton d’été, lequel feuilleton vise - par un concours collectif de mise en scène, de proximité et de vie quotidienne - à humaniser et normaliser la fonction (à travers l’image d’un politique présenté pour le besoin du spectacle en t-shirt et polo, short et bermuda, claquettes et maillot de bain : autrement dit « comme tout le monde »), à rapprocher et raccrocher aussi avec un public devenu distant.
Déterminante dans la façon dont la presse puis l’opinion percevront in fine le politique, le choix marketing de la destination répond essentiellement à un objectif d’image et de messages. À l’ère de la pandémie continue, rien d’étonnant donc que l’exécutif, pour éviter de nouveaux couacs et optimiser la narration autour du produit mis en spectacle), ait préféré rester dans l’hexagone et humer l’air de la Corse, de la Bretagne ou du Pays-Basque : soient dans le plan de com’ autant de cartes postales médiatiques décentes à envoyer au public, de symboles à activer autour de l’ancrage local et de contenus nécessaires au désormais indispensable storytelling.
Jet-ski, scooter et nage, balade, déjeuner et café en terrasse : si les congés du politique sont présentées au public comme une occasion de souffler et de se ressourcer, ils continuent néanmoins d’être LE théâtre de la mise en scène, de l’image et de l’apparition à l’écran. Quand il s’agit de spectacle en effet, il n’y a pas de coupure possible, pas de break autorisé, qui plus est depuis l’apparition des smartphone, des réseaux sociaux et de la fonctionnalité "live".
Événement attendu par les chaînes d’info, la presse people comme par les badauds, le bain de foule du président, du candidat ou du 1er opposant, constitue de loin l’image estivale à ne pas rater : celle qui met en scène l’Homme de spectacle descendant de l’estrade du pouvoir pour rejoindre enfin son public à qui il offre, selon les occasions et l’humeur du jour, une anecdote ou un check, un selfie ou une partie de raquettes.
Pour la vedette-politique qui doit toujours occuper l’espace, le passage du spectacle du pouvoir à la réalité tout aussi spectaculaire du terrain en compagnie des riverains et des touristes, est recherché à la veille d’une élection majeure, également en cas de baisse sondagière ou de désamour avec l’électorat. Parce qu’il est construit par et pour l’image, le bain de foule n’est jamais spontané. Pensé en amont, il est d’ailleurs souvent monté avec des « vraies gens » filtrées et triées sur le volet.
« Où les ministres partent-ils cet été ? », « Avec qui passent-ils leurs vacances ? », « Vacances détentes ou studieuses ? » : dans une période estivale propices aux meublages, la sphère médiatique, toujours en quête de contenus, réussit chaque année la prouesse de faire des vacances du politique un sujet de conversation, de débats et de vide contemplation.
François Belley
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