LE PRÊT-À-PARLER POLITIQUE.
Le
langage constitue le premier pouvoir que l’on exerce sur les
foules, pas étonnant donc que dans ses fonctions de représentation
publique, le politique use et abuse des « bienfaits » de
la novlangue dont les mots et les expressions fusent et se diffusent
chaque jour dans les médias.
« Défense
de la démocratie » plutôt que « guerre » ;
« départs progressifs au sein de l’entreprise » au
lieu de « licenciements » ; « restructuration
de l’hôpital » préférée à « démolition » :
ainsi, les bonnes formules retenues et assemblées par les
professionnels de la « communication » peuvent facilement
par un processus orwellien déformer, changer et détourner le sens
des réalités, au profit de ceux qui nous gouvernent.
Gangrène
de la politique, la langue de bois qui plâtre les allocutions comme
les matinales radio, les discours et les débats, est la conséquence
directe du média-training qui gomme chez les coachés toute trace
d’authenticité, de spontanéité et de vérité. C’est comme ça
que le politique, sans être « ni de gauche ni de droite »,
promet de « redonner du « sens à l’action », de
« remettre la valeur travail au centre des préoccupations » ,
de « libérer les énergies des entreprises » ou de
« reconstruire et retrouver l'élan de
notre Nation".
Reposant
sur des propos vides de sens, la langue de bois qui s’appuie aussi
sur l’art du consensus (syndrome « en même temps »),
l’amour des généralités et des lieux communs, vise à séduire,
flatter et préserver le plus grand nombre ; également aider
l’orateur à se sortir, plus ou moins habilement d’un sujet
embarrassant.
Objets
d’illusions, les éléments de langage en politique servent de
ciment au discours officiel de l’homme de la représentation
publique, aguerri à l’exercice de la restitution. Aussi, sur
l’écran du spectacle, les éléments de langage livrés sous forme
de fiches, finissent par se retrouver, sans surprise, parqués dans
les fils d’actu et les bandeaux déroulants des chaînes d’info.
Dans le cadre d’une pandémie, d’un projet de loi ou d’une
mobilisation sociale comme celle des retraites, les éléments de
langage doivent créer de la cohérence, un sentiment de maîtrise et
d’unité au sein d’un gouvernement afin de limiter les risques de
confusions, de dérapages et de mauvaises interprétations lors d’une
publication, d’une interview ou d’un micro tendu.
Or,
le système spectaculaire est bien fait. Il sait qu’avec les
nouvelles technologies de communication, les éléments de langage
décodés, décortiqués et dénoncés tout aussi vite par une
nouvelle foule moins crédule, seront, une fois mis sur la place
publique, à l’origine de la collision entre le monde de la
politique traditionnelle et celui du numérique, titulaire désormais
d’une créance de vérité.
François
Belley
publicitaire et essayiste
auteur de l'essai "
Le Nouveau Spectacle politique " (Éditions Nicaise,
2022).
https://francoisbelley.fr