lundi 17 avril 2023

LE PRÊT-À-PARLER POLITIQUE.


Le langage constitue le premier pouvoir que l’on exerce sur les foules, pas étonnant donc que dans ses fonctions de représentation publique, le politique use et abuse des « bienfaits » de la novlangue dont les mots et les expressions fusent et se diffusent chaque jour dans les médias.

« Défense de la démocratie » plutôt que « guerre » ; « départs progressifs au sein de l’entreprise » au lieu de « licenciements » ; « restructuration de l’hôpital » préférée à « démolition » : ainsi, les bonnes formules retenues et assemblées par les professionnels de la « communication » peuvent facilement par un processus orwellien déformer, changer et détourner le sens des réalités, au profit de ceux qui nous gouvernent.

Gangrène de la politique, la langue de bois qui plâtre les allocutions comme les matinales radio, les discours et les débats, est la conséquence directe du média-training qui gomme chez les coachés toute trace d’authenticité, de spontanéité et de vérité. C’est comme ça que le politique, sans être « ni de gauche ni de droite », promet de « redonner du « sens à l’action », de « remettre la valeur travail au centre des préoccupations » , de « libérer les énergies des entreprises » ou de « reconstruire et retrouver l'élan de notre Nation".

Reposant sur des propos vides de sens, la langue de bois qui s’appuie aussi sur l’art du consensus (syndrome «  en même temps »), l’amour des généralités et des lieux communs, vise à séduire, flatter et préserver le plus grand nombre  ; également aider l’orateur à se sortir, plus ou moins habilement d’un sujet embarrassant.

Objets d’illusions, les éléments de langage en politique servent de ciment au discours officiel de l’homme de la représentation publique, aguerri à l’exercice de la restitution. Aussi, sur l’écran du spectacle, les éléments de langage livrés sous forme de fiches, finissent par se retrouver, sans surprise, parqués dans les fils d’actu et les bandeaux déroulants des chaînes d’info. Dans le cadre d’une pandémie, d’un projet de loi ou d’une mobilisation sociale comme celle des retraites, les éléments de langage doivent créer de la cohérence, un sentiment de maîtrise et d’unité au sein d’un gouvernement afin de limiter les risques de confusions, de dérapages et de mauvaises interprétations lors d’une publication, d’une interview ou d’un micro tendu.

Or, le système spectaculaire est bien fait. Il sait qu’avec les nouvelles technologies de communication, les éléments de langage décodés, décortiqués et dénoncés tout aussi vite par une nouvelle foule moins crédule, seront, une fois mis sur la place publique, à l’origine de la collision entre le monde de la politique traditionnelle et celui du numérique, titulaire désormais d’une créance de vérité.

François Belley
publicitaire et essayiste
auteur de l'essai " Le Nouveau Spectacle politique " (Éditions Nicaise, 2022).
https://francoisbelley.fr