jeudi 20 avril 2023

LAURENT BERGER : FUTUR 3ÈME HOMME ?

 


« Le phénomène X ! », « La surprise Y ! », « La révélation Z » : à chaque séquence pré-présidentielle, c’est le même impératif : il faut voir éclore de la narration médiatique, un outsider d’où peut venir la surprise, un candidat chargé de perturber le jeu politique, « un troisième Homme » capable de bouleverser la donne, déjouer les pronostics et perturber - à défaut de l’empêcher - « le duel » annoncé.
Sur la liste des convives, « Le Troisième Homme » est l’un des premiers à recevoir, sous forme de sésame, un carton VIP ouvrant les portes des médias. J. Lecanuet, J. Chaban-Delmas, R. Barre, F. Bayrou, E. Zemmour, C. Taubira, « Le Troisième Homme », c’est le refus du duel annoncé, la carte de l’originalité : le choix de l’audace, du moins tel qu’il est présenté et vendu par la presse.
Invité faussement surprise des campagnes (pré) électorales, « Le Troisième Homme » vite porté par la vague des sondages, aidé aussi par les Unes spéculatrices, est en réalité une création médiatique qui vise, pour des raisons logiques d’audience, de surenchère et d’emballement journalistique, à rendre à travers l’hypothèse « crédible » d’un coup de théâtre à venir, l’impossible finalement « possible », l’improbable peut-être « probable » et l’irréalisable finalement tout à fait « réalisable ».
Avec Laurent Berger, les titres de presse sont écrits d'avance : « Laurent Berger : jusqu’où peut-il aller ? », « Laurent Berger : et si c'était lui ? », « Laurent Berger : pourquoi pas lui ? », « Laurent Berger : lui Président ? » : le rôle du « Troisième Homme », enfermé par les médias dans une politique-fiction à laquelle parfois même l’intéressé ne croit pas, ne doit son existence qu’au suspense qu’il permet de créer et maintenir jusqu’au terme de l’élection, période après laquelle " Le Troisième Homme" disparaît souvent du premier plan de la caméra. Comme au Cinéma, il convient d’accrocher le spectateur, au risque de le voir sinon jeter son cornet, se lever fissa et quitter la salle sans le moindre espoir de retour sur son siège.
Souvent utilisé par les diffuseurs du spectacle politique comme formule marketing d’aide à la vente, « Le Troisième Homme » comme pseudo candidat-rempart à la bipolarisation de l’élection, finit pourtant par stagner, s’effondrer lors de la cristallisation de la campagne et devenir le grand perdant de l’élection, lui restant alors que la maigre consolation de sa déclaration de l’entre-deux tours avec l’annonce toujours très attendue des consignes de votes, ultime passage dans la lumière.
Le 19 avril 2023, Laurent Berger a annoncé lors d'une interview au Monde qu'il quittera la tête de la CFDT le 21 juin prochain. Aussitôt sorti, il entrera donc officiellement, au moins pour les médias, dans le costume du "Troisième Homme" : élément-clé du spectacle.
François Belley
publicitaire, essayiste
auteur de l'essai " Le Nouveau Spectacle politique " (Éd. Nicaise)