samedi 25 février 2023

L'interpellation publique du politique.


Comme le consommateur lésé qui sollicite, brocarde et malmène en direct les marques commerciales, le citoyen repolitisé réclame à son tour sa part de bousculade en public, qu’il pense, provoque et produit lui-même face caméra. 
Lors d’une visite d’usine, d’un hôpital ou d’un salon, sur un marché, un plateau de télé ou sur les réseaux sociaux, le citoyen-spectacle, armé de son smartphone, n’hésite plus à prendre la parole, à interpeller directement le politique et à faire irruption dans l’arène médiatique.

Un ouvrier qui exprime sa colère face à un candidat ; un jeune des quartiers qui défie un député ; un sinistré qui apostrophe un Premier ministre ; une infirmière qui, dans un couloir, invective un Président : l’échange sur le terrain entre le professionnel de la politique et le néo-politique constitue l’un des divertissements à voir les plus prisés sur la scène de spectacle du réel : le lieu de rencontre et de fusion des émotions, des pulsions et des frustrations. Plus elle est virulente et inattendue, plus l’interpellation publique sous l’œil voyeur et fugace des smartphones, engendre de la médiatisation, crée de la polémique-spectacle et offre à celui qui en est à l’origine, la tribune et la place recherchées dans l’espace public. Dans la sphère médiatico-politique, le micro ne se donne plus. Comme la parole, il se prend, s’arrache puis se garde tant l’objet chromé, symbole du spectacle, fait briller de mille feux l’individu contemporain. Vue comme une contribution citoyenne au débat public, l’interpellation à bout portant du professionnel de la politique, à travers une discussion filmée, franche et directe, fait entrer aussitôt dans le champ du spectacle le citoyen connecté, tapi dans l’ombre jusque-là.

Dans cette logique de fixation, de médiatisation et d’« immédiatisation » du sujet, le message dilué dans une forme toujours sensationnaliste, n’a pas d’importance là encore. À l’écran, c’est le messager que l’on garde, fait parler et exploite ainsi que la séquence, de laquelle sera extraite la meilleure image à l’origine du débat du jour. L’interpellation du politique par le néo-citoyen comme voie rapide vers le nouveau spectacle politique, si elle traduit une colère légitime, témoigne aussi du besoin de vedettariat de l’époque qui sollicite la lumière avec le public et ses applaudissements.

La suite dans le livre ci-dessous :

« Le Nouveau Spectacle politique » (Editions Nicaise), Essai.

François Belley

vendredi 17 février 2023

POURQUOI TANT DE BORDEL À L’ASSEMBLÉE ?

 


















À l’heure de l’ultra-com, 3 explications :

- L’AVÈNEMENT DE L’AUTO-ENTREPRENARIAT POLITIQUE.
Avec l’accès à la publication et la personnalisation du débat public comme conséquences directes, l’acteur politique, en écho à une société recentrée sur elle-même, a muté vers un statut nouveau : celui d’auto-entrepreneur politique qui, à la manière d’une petite entreprise individuelle, gère seul désormais, son image, ses coups de com’ et le développement de sa propre marque sur le marché.
Obnubilé par la croissance de sa petite personne qu’il veut et voit grande, l’auto-entrepreneur politique nouvellement émancipé se singularise par son indépendance, sa liberté d’entreprendre et de se mettre en spectacle. L’auto-entrepreneur réfléchit par lui-même. Il agit surtout pour lui-même. Dans cette logique, la personnalité cannibalise le collectif ; l’individu vampirise le groupe.

- LA RECHERCHE DU HAPPENING PERMANENT.
Pour celui qui s’aventure sur le marché du nouveau spectacle politique, l’impact de la sortie publique, par le coup d’éclat ou le dérapage, la publication ou la déclaration, s’apparente à une véritable obsession. Parce que la lumière sociale-médiatique ressemble à une libido qu’il faut assouvir au plus vite, le professionnel de la politique, comme le néo-politique, face à sa pulsion de représentation, cherche l’audimat désespérément. Ainsi, faute d’idées et de vrais combats, le politique au besoin vital d’être vu, braque l’actualité par le biais de happenings, sous forme d’opérations coup de poing, calibrées pour les médias et les réseaux sociaux.
Dans un monde où l’agitation a remplacé l’action politique et le divertissement balayé la réflexion, l’agitprop médiatique par la voie de la subversion est devenue la nouvelle façon de faire de la politique : celle qui se remarque, fait parler et dont la réussite s’évalue par le nombre de vues, de likes et de partages.

- LE DIKTAT DU SPECTACULARISME.
Dans le spectacle, il n’y a rien de pire que l’insensibilité, l’impassibilité et l’indifférence du public ; l’absence totale d’émotions et d’impressions, d’avis et d’opinions. Aussi, l’adhésion comme le rejet du spectacle doivent nécessairement susciter de la réaction, positive ou négative. Qu’importe, pourvu que le commentaire offre aux masses, à la vie monotone, la décharge d’endorphine et d’excitation attendue. Idéologie de la société de contenus, le spectacularisme, c’est précisément cette capacité de l’industrie sociale-médiatique à servir, dans l’assiette gargantuesque du public, du contenu de nature spectaculaire. Celui même qui, le temps d’une connexion, fera vivre à l’abonné au néo-divertissement, la fameuse « expérience utilisateur ».

C’est comme ça : devant son écran de spectacle, l’homme connecté veut vivre des moments intenses, atteindre l’épilepsie, être touché et transporté, stimulé et serré : en avoir plein la vue, la tête et les oreilles

Une fois ce constat fait, il existe des solutions pour contourner le diktat de la com’ et redonner de crédit à la parole politique. Elles sont dans ce livre, précisément à la page 225.
« Le Nouveau Spectacle politique » (Editions Nicaise), Essai.

François Belley.

lundi 13 février 2023

jeudi 19 janvier 2023

LA MANIF : PRODUIT-STAR DE L'ACTU.















Qu’elle concerne les syndicats ou les gilets jaunes, les féministes, les étudiants ou les infirmières, une manifestation, même confidentielle sur le terrain, devient toujours dans l’écran du spectacle un événement d’envergure qu’il faut couvrir, voire sur-couvrir pour le besoin de l'audimat.


Par définition, la manifestation dont l’intérêt premier repose sur les images spectaculaires qu’elle produit, est synonyme d’actu. Parcours, foule et cortège ; déclarations, punchlines et premières estimations ; tensions, charges et affrontements : la manif doit être un manège à sensations fortes. Ou être présentée comme tel. Pour les médias, un rassemblement réussi doit en effet présenter des coups d’éclat, multiplier les symboles, livrer les meilleurs plans pour remplir de contenus à voir "le direct" en cours, "l’article" à venir et "le débat" du soir, consacré aux faits marquants de la journée. C’est pourquoi la manifestation s’inscrit toujours dans un objectif de performance visuelle et sonore galvanisante !

Plus que sur le fond, c’est d’abord sur la forme que la manif doit peser pour gagner des parts de voix. Aussi, parce qu’elle constitue le premier sujet de fixation des médias, la revendication de manifestation sous forme de slogans et de calligraphies, de dessins, de photomontages ou de caricatures, fait toujours l’objet d’un travail particulièrement soigné de la part des manifestants en colère. Exprimé sur un carton, une banderole, un tee-shirt, une bâche, un gilet, un dos ou une paire de seins transformés en un support publicitaire mobile, le message engendre de manière naturelle chez ceux qui le portent, l’enfilent ou le brandissent, de la surenchère dans les mots et les images employés. À l’origine parfois d’une vague d’indignation et de colère dans la population, la sacro-sainte pancarte de manifestation, ready-made de la contestation, devient alors du pain béni pour la matrice sociale-médiatique, responsables de son ultramédiatisation puis de sa monétisation.

Netflix-isation des esprits oblige, la manifestation, comme produit-star de l'ère spectaculaire, est attendue et annoncée tel un feuilleton, consommée et commentée massivement comme une série. « Pour les retraites», « le climat », « l’hôpital » ou « l’école républicaine » ; « contre le racisme et les violences policières » ou « en hommage aux victimes » : la manif avec sa médiatisation de masse, son effet de contagion et son dispositif exceptionnel de retransmission, est devenue un programme de divertissement comme les autres, une "marchandise" prête-à-être consommée : le gagne-pain à la fois des rédactions, des politiques à l'affût comme des citoyens-smartphone qui assurent maintenant, les jours de mobilisation, les duplex sur le terrain et les débriefs sur les réseaux sociaux.

François Belley.

Pour aller plus loin, lire l'essai :
"Le Nouveau Spectacle politique", Editions Nicaise

samedi 14 janvier 2023

BRIGITTE MACRON EN CAMPAGNE. Pourquoi elle coche toutes les cases !













IMPOSER LE DÉBAT. Check !

Tel un politique professionnel, Brigitte Macron démontre qu'elle maîtrise, elle aussi, les codes de l'époque-punchline pour faire parler d'elle et occuper la scène médiatique. Jadis utilisée par Ségolène Royal (« ordre juste », « jury citoyen », « camp de redressement ») plus récemment par Sandrine Rousseau (« barbecue », « affaire Bayou »), la technique marketing est connue : elle consiste, tel un youtubeur à succès, à lancer une formule choc et polémique par intervention. Aussi, que ce soit sur le modèle à la française (« dans quel pays c’est mieux ? ») ou l'uniforme à l'école (« une tenue simple et pas tristoune »), toutes les récentes sorties de Brigitte Macron visent à faire l'actualité, lancer le débat puis laisser les autres commenter, sur les plateaux, les réseaux sociaux ou dans la salle des 4 colonnes.

CRÉER LA SÉQUENCE. Check !

Chez celle qu'on appelle communément « Brigitte » (comme jadis « Ségolène » ou aujourd'hui « Marine »), la semaine passée est particulièrement intéressante à analyser en termes d’apparition publique. Car, sur le plan de la construction-média pensée en temps forts, elle ressemble à s'y méprendre à une semaine-type de campagne où le candidat doit sans cesse occuper l'espace. Il y a d'abord eu sa « visite » (de campagne) à l'hôpital, puis son interview (de campagne) au sacro-saint 20h, puis sa com’ (de campagne) comme co-animatrice avec Arthur sur TF1 (« Le Grand concours spécial Pièces Jaunes »). Avec l'aide de l'Opération Pièces Jaunes dont elle dépasse la mission, " Brigitte " cristallise. Incontestablement, elle s'est imposée comme le "sujet" de la semaine, au point même de rivaliser, en termes de bruit médiatique, avec le sujet pourtant chaud des retraites.


RECHERCHER LA LÉGITIMITÉ. Check !

« Justice » aux côtés d’Éric Dupond-Moretti, « Education Nationale » devant Pap Ndiaye, « Santé » en lieu et place de François Braun : Brigitte Macron sort de son rôle de manière tactique, fait de la politique avec son style et intervient sans complexe sur tous les sujets. Pour autant, compte tenu de son statut de première dame, elle n’est pas (encore) légitime ni aux yeux des Français, ni aux yeux du camp présidentiel. Tout son travail, avec celui des communicants, sera donc ces prochains mois d'apparaître de plus en plus crédible. Dans son édition du 13 janvier, le journal Le Monde la présente comme "une première dame de plus en plus politique." C’est une première étape dans la construction de la marque et son objectif. D'autres papiers iront en ce sens. Aussi logiquement, il est fort à parier que viendra bientôt l'heure des déclarations de type "je suis en phase d'écoute", "j’avance" ou "je suis prête au débat", lesquelles renforceront l'ambiguïté de candidature, lanceront la phase de teasing et installeront le probable improbable duel « Brigitte VS Marine » ? La politique est complexe. Mais le marketing politique si prévisible.

François Belley. Check !

Pour aller plus loin, lire l'essai :

"Le Nouveau Spectacle politique", Editions Nicaise

https://lnkd.in/ghgFYEh8

lundi 13 juin 2022

La défaite du politique. La victoire du spectacle.


























La défaite du politique.
Avec un taux d'abstention de 52,49% au 1er tour des Législatives, le record des élections de Juin 2017 (51,17%) a été battu... sans surprise.
Signe au mieux d'un désintérêt, au pire d'une défiance à l'égard de l'offre proposée dans les linéaires, ce chiffre vient démontrer, une fois de plus, la défaite, sonnante et trébuchante, de l'homme politique qui, décidément, n'imprime plus, n’intéresse plus et ne mobilise plus même localement. L'homme politique, au sens traditionnel du terme, est mort ! Dans sa pratique, il devra se renouveler (et vite) s'il veut demain retrouver la confiance. Car en effet, élu aujourd'hui avec plus de 50% d'abstention, quelle pourra être la légitimité d'un candidat (quand bien celui-ci aurait été élu avec 100 % des votants) qui ne pèse au final... que la moitié des inscrits ?

La victoire du spectacle.
Au regard maintenant du taux d'abstention de 26,31% du 1er tour de la dernière Présidentielle, ce chiffre de 52,49% vient démontrer, une fois de plus, que le consommateur-citoyen se déplace et vote d’abord pour un personnage, une image et une notoriété ; une histoire et une communication : autrement dit, pour des stars cathodiques… les mêmes réélues parfois dès le 1er tour.
Ce record d'abstention de 52,49% démontre finalement que, maintenu éloigné des grandes idées et des vrais enjeux, le consommateur-citoyen ne s'intéresse à la politique qu'à travers le prisme du spectacle, c'est à dire du casting, du débat et du clash ; des sondages, des polémiques et du commentariat permis et alimentés, jour et nuit, par les réseaux sociaux et les chaînes d'info en continu.

Aussi, au lendemain de cette séquence législative, il va devenir urgent, pour l’homme politique, de quitter le monde de l’apparence et de la représentation, de revenir dans le réel, de fuir l’image et de refuser la mise en scène, de pulvériser la com’ et d’expulser enfin le spectacle du champ politique.

Dans le livre "Le Nouveau Spectacle politique" ci-dessous, publié le mois dernier aux Editions Nicaise, j’apporte quelques idées, étant convaincu que le spectacle est depuis toujours l’ennemi du et de la politique.


François Belley.

samedi 11 juin 2022

L’interpellation publique comme « nouveau spectacle politique ».

Comme le consommateur lésé qui sollicite, brocarde et malmène en direct les marques commerciales, le citoyen repolitisé réclame à son tour sa part de bousculade en public, qu’il pense, provoque et produit lui-même face caméra. Lors d’une visite d’usine, d’un hôpital ou d’un salon, sur un marché, un plateau de télé ou sur les réseaux sociaux, le citoyen-spectacle, armé de son smartphone, n’hésite plus à prendre la parole, à interpeller directement le politique et à faire irruption dans l’arène médiatique.

Un ouvrier qui exprime sa colère face à un candidat ; un jeune des quartiers qui défie un député ; un sinistré qui apostrophe un Premier ministre ; une infirmière qui, dans un couloir, invective un Président : l’échange sur le terrain entre le professionnel de la politique et le néo-politique constitue l’un des divertissements à voir les plus prisés sur la scène de spectacle du réel : le lieu de rencontre et de fusion des émotions, des pulsions et des frustrations. Plus elle est virulente et inattendue, plus l’interpellation publique sous l’œil voyeur et fugace des smartphones, engendre de la médiatisation, crée de la polémique-spectacle  et offre à celui qui en est à l’origine, la tribune et la place recherchées dans l’espace public.

Dans la sphère médiatico-politique, le micro ne se donne plus. Comme la parole, il se prend, s’arrache puis se garde tant l’objet chromé, symbole du spectacle, fait briller de mille feux l’individu contemporain. Vue comme une contribution citoyenne au débat public, l’interpellation à bout portant du professionnel de la politique, à travers une discussion filmée, franche et directe, fait entrer aussitôt dans le champ du spectacle le citoyen connecté, tapi dans l’ombre jusque-là. Dans cette logique de fixation, de médiatisation et d’«  immédiatisation  » du sujet, le message dilué dans une forme toujours sensationnaliste, n’a pas d’importance là encore. À l’écran, c’est le messager que l’on garde, fait parler et exploite ainsi que la séquence, de laquelle sera extraite la meilleure image à l’origine du débat du jour.

L’interpellation du politique par le néo-citoyen comme voie rapide vers le nouveau spectacle politique, si elle traduit une colère légitime, témoigne aussi du besoin de vedettariat de l’époque qui sollicite la lumière avec le public et ses applaudissements.

La suite dans le livre « Le Nouveau Spectacle politique » ci-dessous, publié le mois dernier aux Editions Nicaise.

https://www.amazon.fr/Nouveau-Spectacle-politique-Francois-Belley/dp/2493489012

François Belley


mardi 7 juin 2022

L'ère de l'ubérisation de la politique.

Le syndrome Manuel Valls.

L'échec de l'ancien premier ministre dès le premier tour des législatives est un marqueur dans la vie politique française. Il signe sinon illustre parfaitement le déclin du "professionnel de la politique", lié au mieux au trop plein de com’ et à la sur-promesse ; au pire au carriérisme, aux affaires et à la seule quête du pouvoir pour le pouvoir. Déconnecté du réel, le professionnel de la politique, au cumul facile, n'imprime plus. Distancé, il ne convient plus à l'époque, en attente désormais d'authenticité, de sens et d'action. La mode du dégagisme reposait sur la volonté de sortir les sortants. Le syndrome Manuel Valls, lui, va balayer par principe les professionnels de la profession. Ce n'est qu'une question de temps. L'ère de l'ubérisation est là. Et la politique n'y échappera pas.

Le temps du néo-politique.

Diktat de la société sociale-médiatique oblige, la matrice du spectacle recherche néanmoins toujours des têtes spectaculaires qu'elles encouragent, une fois l'audience et la notoriété acquises, à se lancer dans l'arène politique. Depuis l’inversement où tout homme connecté a désormais le droit au spectacle, c’est l’anonyme, connu, vu et entendu, qui fait l’actu politique. Peu importe son discours et sa ligne, ce que l'on veut et exige, c'est d'entendre le boulanger s'émouvoir, le gardien de la paix s'indigner, l'ex-vainqueur de Koh-Lanta polémiquer, le chroniqueur télé, l'humoriste ou le postier clasher. C'est l'ère du néo-politique : ce non-professionnel de la politique devenu candidat à tout et qui, dans l'écran du spectacle, assure le renouvellement du show.

Le nouveau spectacle politique.

Mise en scène de la vie privée ; omniprésence dans les talk-shows, marelle dans une cour de récréation ; concours d’anecdotes avec des youtubeurs : la politique-spectacle pratiquée jusque-là par un politique discrédité, ne surprend plus un public lassé des vieilles ficelles du marketing ; n’amuse plus non plus le système spectaculaire au besoin de renouveler les têtes comme le contenu. Place désormais au "nouveau spectacle politique" permis par les réseaux sociaux, lesquels ont, en quelques années seulement, changé LE et LA politique.

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Par François Belley, essayiste,

auteur de l'essai " Le Nouveau Spectacle politique " (Editions Nicaise, paru le 07 avril 2022).

vendredi 20 mai 2022

La quête de l’écran-génisme.


 

EXTRAIT OFFERT parce que vous êtes trop... cools !   

Chapitre / " La quête de l’écran-génisme ". 

Le Nouveau Spectacle politique, François Belley (essai, 226 pages / Editions Nicaise)

" Dans l’écran, nul besoin d’avoir recours aux grands moyens : de diffuser un film à sensations fortes, programmer une enquête choc ou s’appuyer sur un événement sportif d’envergure pour faire impression sur le public. Par une simple apparition, une tête écran-génique suffit pour produire à bas coût du spectacle à la chaîne. Ainsi, dans le champ médiatico-politique, ce sont des « têtes » comme ressources premières dont le système a besoin : des vedettes de l’écran qui, par leur visage multifonction, sauront incarner le sujet du moment, répondre aux attentes, exprimer le mieux possible les émotions du spectacle et créer le contenu à voir.

À la recherche de têtes écran-géniques et non de cerveaux intelligents, le système spectaculaire puise dans la tendance du marché, s’inscrit là dans l’engouement pour le temps des femmes, suit ici la mode des non-professionnels de la politique, des populistes ou encore des écologistes post-ados. 

Glorifiée par l’époque spectaculaire, la tête écran-génique, est attendue sinon construite par les médias. Sélectionné pour sa fraîcheur, son potentiel de vente et de narration, le nouvel entrant mis en avant dans l’écran comme une tête de gondole dans un rayon, distrait, séduit ou repousse le public par ses invitations sur les plateaux, la teneur de ses propos et la publication régulière de vidéos : un public à qui il donne rendez-vous inlassablement chaque jour dans l’écran du spectacle.

À la manière de l’idiot utile, la tête écran-génique pense à l’image servir une cause et défendre publiquement des convictions profondes. Or, en échange d’une surexposition médiatique, l’homme-visage comme principal contributeur du spectacle ne fait qu’alimenter la machine et travailler pour le compte du néo-divertissement. En politique comme dans le show-business, les carrières longues n’existent plus. Alors, une fois son rôle rempli à l’écran, la tête écran-génique en sort immédiatement pour, dans un souci de renouvellement, laisser sa place à une autre figure du spectacle tout aussi court-termiste. Dans l’écran, l’erreur serait de croire qu’il n’y a que dans la coupure pub (autrement dit, « l’écran publicitaire », cet espace commercial réservé au matraquage des marques), où l’on trouve des produits à vendre. En réalité, tout ce qui apparaît à l’écran, à commencer par les têtes médiatico-politiques qui s’efforcent de le crever pour ne pas le quitter, forme une marchandise que l’on impose au consommateur et avec laquelle on remplit ses yeux.

L’écran-génisme se remarque particulièrement dans le cadre du spectacle du remaniement ministériel : un turnover davantage médiatique que politique qui, à l’ère de l’emballage, privilégie « un visage », mise sur « une notoriété » et achète « une star » ; retient « une cote de popularité » et nomme « une personnalité ». Ainsi n’y a-t-il pas de différences entre un ministre, une figure de proue de la lutte contre les violences policières et un soda, l’égérie du néo-féminisme radical pourfendeuse du patriarcat et un abonnement téléphonique : tels des annonceurs, tous apparaissent à l’écran in fine pour promouvoir leur discours ou leur produit, leur marque et leur idéologie ".

Le Nouveau Spectacle politique, François Belley (essai, 226 pages / Editions Nicaise)

https://www.amazon.fr/Nouveau-Spectacle-politique-Francois-Belley/dp/2493489012

mercredi 18 mai 2022

L' ÈRE DES RADICALITÉS.

 

 

Oyez, oyez, Mesdames et Messieurs,

vous êtes lá : formatés pour le spectacle !

 

Aujourd'hui, c'est noir ou blanc. Il faut être "pour" ou "contre", "côte à côte" ou "face à face": c'est forcément glacial ou brûlant ! Dans la nouvelle société du spectacle, il n'y a pas ou plus de place pour la nuance, le recul, la mise en perspective permise par le temps long.

Oyez, oyez, Mesdames et Messieurs, vous êtes lá : formatés pour le spectacle !

Imposé par l'ère du tout-numérique, le temps court, propre à l'émotion, pousse aujourd'hui à s'engager, si possible sans réfléchir : l'époque sociale-médiatique de toute façon n'a pas le temps de penser, de s'interroger et de poser le problème. Pas assez rentable sans doute. Pas vraiment d'intérêt non plus sur le fond, puisqu'il n'existe plus.

Pressée par le spectacle (le sacro-saint "contenu") qu'elle doit produire sans cesse pour divertir les foules, l'époque sociale-médiatique doit prendre parti tout de suite, être pour ou contre immédiatement, se ranger d'un côté ou de l'autre sur le champ.

Paradoxalement, on est passé du "en même temps" macroniste commenté par tous au "tout ou rien" spectaculaire validé par tous.  Ainsi va la mode et le champ politique n'y échappe pas.

Oyez, oyez, Mesdames et Messieurs, vous êtes lá : formatés pour le spectacle !

Conséquence de l'ère numérique et des réseaux sociaux, du diktat des vues et de la logique du "putaclic", cette tendance à la radicalité touche aujourd'hui tous les sujets du champ politique :

- d'abord, les blocs politiques réduits au nombre de trois aujourd'hui.

Minimaliste, l'époque-spectacle veut désormais de la clarté dans l'offre : en gros aucune nuance. Alors, elle propose dans les linéaires prêts-à-voter : une gauche très à gauche ; une droite très à droite et un macron très macroniste.

Oyez, oyez, Mesdames et Messieurs, tenez-vous prêts bientôt, dans l'arène sociale-médiatique, à débattre, à défendre chacun votre extrême et surtout... à vous battre en ligne pour le spectacle.

- ensuite, sur le plan des candidats (beaucoup plus intéressant maintenant),

l'époque spectacle propose dans le cadre des prochaines législatives par exemple :

- soit des professionnels de la politique (Ministre, députés, maires et autres élus) ;  

- soit carrément des amateurs de la politique (ce que j'appelle des "néo-politiques"), tels des boulangers, des gardiens de la paix ou carrément des ex-vainqueurs de Koh-Lanta...

Bon maintenant, vous connaissez le refrain de de ce texte.

Oyez, oyez, Mesdames et Messieurs, ces candidats-lá, castés, sont formatés pour le spectacle !

- enfin, sur le plan du commentariat (l'autre pollution de ce siècle) produit par" la nouvelle foule" (ce que j'appelle le public contemporain),

la matrice, par le diktat de son réflexe ("j'aime", "je partage", "je signale", "je bloque"...) et de son format (nombre de signes réduits, stories, durée de vie limitée du post...) ne peut qu'engendrer, en masse, de la radicalité dans le contenu "pensé" et publié, c'est-à-dire du clash, du trolling, de l'insulte, du harcèlement : mère du nouveau spectacle politique. 

Eh bien, c'est cette nouvelle radicalité à la mode, que je décris en long, en large et en travers dans l'essai-critique "Le Nouveau Spectacle politique" paru aux éditions Nicaise le 07 avril dernier.

Par François Belley, 

Essai à découvrir ici ▼

https://www.amazon.fr/Nouveau-Spectacle-politique-Francois-Belley/dp/2493489012



dimanche 1 mai 2022

La manif' comme produit-star de "l'actu".


Qu’elle concerne les syndicats, les étudiants ou les infirmières, les pompiers ou les policiers, les féministes ou les prostituées, les retraités ou les motards, une manifestation, même confidentielle sur le terrain, devient dans l’écran du spectacle forcément un événement d’envergure qu’il faut couvrir.

Par définition, la manifestation dont l’intérêt premier repose sur les images spectaculaires qu’elle produit, est synonyme d’actu. Parcours, foule et cortège ; slogans, insultes et nasses ; affrontements, charges et caillassages ; pillages, interpellations et bavures : la manifestation est un manège à sensations fortes. Pour les médias, un rassemblement réussi doit en effet présenter des coups d’éclat, multiplier les symboles, livrer les meilleurs plans pour remplir de contenus à voir le direct en cours, l’article à venir et le reportage du soir, consacrés aux faits marquants de la journée. C’est pourquoi la manifestation s’inscrit toujours dans un objectif de performance visuelle galvanisante.

Plus que sur le fond, c’est d’abord sur la forme qu’elle doit peser pour gagner des parts de voix. Aussi, parce qu’elle constitue le premier sujet de fixation des médias, la revendication de manifestation sous forme de slogans et de calligraphies, de dessins, de photomontages ou de caricatures, fait toujours l’objet d’un travail particulièrement soigné de la part des manifestants en colère. Exprimé sur un carton, une banderole, un tee-shirt, une bâche, un gilet jaune, un dos ou une paire de seins transformés en un support publicitaire mobile, le message engendre de manière naturelle chez ceux qui le portent, l’enfilent ou le brandissent, de la surenchère dans les mots et les images employés. À l’origine parfois d’une vague d’indignation et de colère dans la population, la sacro-sainte pancarte de manifestation, ready-made de la contestation, devient du pain béni pour les médias et le spectacle, responsables de son ultramédiatisation.

« Acte I », « Acte X », « Acte XX » : les manifestations, à l'instar aussi de celles du 1er mai, sont annoncées, vues et attendues aujourd’hui comme des pièces de théâtre : « l’acte » comme nouvelle appellation renvoyant à la fois à une unité de temps et de lieu, au caractère dramatique ou tragique de l’événement, à l’idée aussi de scène, donc au devoir de représentation et de spectacle pour les acteurs de la pièce. « Pour le climat », « l’hôpital » ou « l’école républicaine » ; « contre le racisme et les violences policières » ou « en hommage aux victimes » : témoignage réel d’un monde en ébullition, la manifestation avec sa médiatisation de masse, son effet de contagion et son dispositif exceptionnel de retransmission, est devenue un programme de divertissement : le gagne-pain des rédactions, des politiques comme des citoyens-reporters qui assurent maintenant, les jours de mobilisation, les duplex sur le terrain.

Diffusé désormais systématiquement en direct, le produit star de l’actu constitue aujourd’hui pour les chaînes d’info, le feuilleton à suivre dans la case horaire qui précède celles de l’access et du prime time, lesquelles remplies de longs et lourds débats, reviendront bien sûr dans le détail sur l’événement du jour.

Pour le reste des "produits spectaculaires" de grande conso prêts-à-consommer, vous les découvrirez dans ce livre "Le Nouveau Spectacle politique", paru aux éditions Nicaise le 07 avril dernier.

https://www.amazon.fr/Nouveau-Spectacle-politique-Francois-Belley/dp/2493489012

François Belley.

jeudi 28 avril 2022

Elon Musk et la nouvelle industrie du spectacle en ligne.

À travers le rachat de Twitter par Elon Musk, les réseaux sociaux viennent de dessiner les contours d'un nouveau monde ; à l'ère du social-médiatique, posé aussi les bases d'un nouveau paradigme. Engagé d'abord par les GAFAM dès 2006 puis le 25 avril dernier par le patron de Tesla, la mutation du champ politique (plus largement du débat public) est aujourd'hui irréversible ; le grand basculement du "spectacle" qui va avec, définitivement acté.

Sous nos yeux, il y a désormais deux mondes au fonctionnement et à l'approche philosophique radicalement opposées qui vont s'opposer frontalement : d'un côté, l'ancien monde, avec son principe de modérations et de régulations (via notamment le Digital Service Act), ses acteurs politiques historiques et ses relais médiatiques traditionnels ; et de l'autre, le nouveau monde "absolutiste" porté par des magnats et des e-citoyens de la Tech (devenus les néo-politiques), avec une liberté d'expression et de publications totales, promises à des milliards de comptes et de bots à l'influence, sur l'opinion publique, surpuissante.

En réalité, sur le fil ininterrompu d'actu et de spectacles en ligne ("Let's make Twitter maximulm fun" pour rappel, selon Musk), c'est une guerre politique d'un nouveau genre, entre deux blocs du monde moderne, qui va s'installer durablement : le premier bloc, né avant les réseaux sociaux, voudra conserver un système politique en place avec un État fort ; quand le second - contre l'intervention de l'État, propre à la logique libertarienne-, né après les réseaux sociaux, mettra tout en œuvre pour le déstabiliser voire le renverser. Du point de vue du bloc où il se trouvera, le citoyen du 21ème siècle devra se positionner entre le monde "libre" et celui qui ne l'est pas. Ou entre le monde qui "n'est pas libre" et celui qui l'est. Un même citoyen qui assistera également à une bataille féroce entre le politique professionnel (incarné par Obama, Biden ou Von der Leyen) et l'entrepreneur néo-politique (incarné par Musk ou Trump). Et c’est précisément de cette collusion cataclysmique-là, entre ces deux blocs-là (aux acteurs, visions et styles politiques antagonistes) qui ne se comprennent pas, que naîtra la production de contenu à grande échelle, à l’origine de la nouvelle industrie du spectacle en ligne.

Comme tous ceux de la Silicon Valley (Youtube, Twitter, Facebook...), Elon Musk sait que les GAFAM ont créé un "monstre" qui est en train d'échapper à ses créateurs, aux politiques, à l'homme du 21ème siècle comme aux pouvoirs en place. Aussi, si derrière le rachat d'Elon Musk, il y a en filigrane, un enjeu politique d'envergure, il y a dans le même temps pour le Mozart de la Big Tech un enjeu économique colossal, d'où l'intérêt de défendre une position "libertarienne" ou "absolutiste" des réseaux sociaux. Car dans la matrice du numérique où les gens ne se rencontrent pas mais se suivent, ne se connaissent pas mais s’ajoutent, ne cherchent pas à comprendre mais à commenter, les réseaux, qui n’ont finalement de « sociaux » que leur nom, n’aspirent pas à être un espace de dialogue, d’ouverture et d’échanges mais avant tout un lieu de spectacle (gratuit mais monétisable), de fight et de clash, de menaces, de harcèlements et de propos de signalement, dignes d’intérêt dans le processus de marchandisation de la publication à voir: le produit de grande conso à "aimer" et "partager" à l'heure du siècle numérique.

Par François Belley, auteur de l'essai "Le Nouveau Spectacle politique"   

(Editions Nicaise, paru le 07 avril 2022). 

 

Essai à découvrir ici

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lundi 25 avril 2022

Le Nouveau Spectacle politique.

 


LE NOUVEAU SPECTACLE POLITIQUE,

C'EST VOUS !

Depuis l'avènement des réseaux sociaux, la politique n'est plus l'apanage des professionnels mais l'affaire du youtubeur et du comique, de l'influenceur et de l'épidémiologiste, de l'avocat et du médecin anesthésiste, du chanteur et du passant anonyme qui ne l'est plus à l'heure du siècle numérique.

Avec les médias sociaux, les rôles, inamovibles jusque-là, de l'acteur et du spectateur se sont tout à coup inversés. À l'écran, ce n'est plus l'homme politique, déclassé et relégué maintenant au rang de commentateur qui assure le spectacle mais vous : un produit bankable, aujourd'hui bien plus attractif aux yeux de la nouvelle société de divertissement.

Désormais, c'est de la sphère sociale-médiatique que sortent les sujets et les débats d'actualité, proviennent les indignations, les révélations et les affaires du jour, jaillissent les nouveaux personnages publics, figures de proue et autres égéries, à l'origine de ce que François Belley appelle " le nouveau spectacle politique ".

À la frontière de la sociologie, des sciences de la communication et de l'information, Le Nouveau Spectacle politique décrypte les mécanismes de production, de diffusion et de consommation de masse du spectacle politique contemporain.

" Inversement ", " néo-politique ", " dictature du commentariat " : Le Nouveau Spectacle politique a pour but d'amener dans le débat public de nouveaux concepts.

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