samedi 1 avril 2023

DE PIF À PLAYBOY : LE DIKTAT DE LA COM’ POUR LA COM’ !

 


À l’ère de l’ultra com', du diktat des « conseillers » et de leur « idée de génie », rien n’est étonnant et tout est possible. Ainsi, un Président peut accorder une interview à Pif (gadget) ; une ministre poser en Une de Playboy, comme S. Royal, jadis, dans Le Parisien Magazine, se muait en « Liberté guidant le peuple » en toge blanche, pieds nus et drapeau à la main.


À l’ère de l’ultra com', tous les supports se valent. Fini les arbitrages entre la presse régionale, nationale et magazine en fonction des objectifs, des messages et du ciblage. Aujourd’hui, il n’y a plus de hiérarchie ni de différence de cibles entre les supports. Diktat du buzz oblige, il n’y a que des opportunités, des rebonds possibles, des événements-marketing à créer pour le buzz et des relais souhaités, en masse. Ainsi, à l’heure du « brand-content », Pif (Gadget) vaut Le Point, Playboy vaut L’Express, Chasse, Pêche et Nature vaut Marianne. Ce qui compte dorénavant, c’est moins la cible que la reprise médiatique (forcément) tout azimut. Le support (papier, numérique, audiovisuel…) n’est qu’un prétexte, rien d’autre.

À l’ère de l’ultra com', tous les intervieweurs se valent aussi. Un journaliste, un youtubeur, un influenceur, un vidéaste-animateur, un écolier : qu’importe l’interlocuteur, c’est le « sparring-partner », choisi pour son originalité et casté pour le spectacle, qui compte, rien d’autre.
Aussi, compte tenu de la crise actuelle, l’interview d’E. Macron dans Pif puis celle de M. Schiappa dans Playboy qui, à l’ère du spectacle politique décomplexé ne surprendront personne, tombent plutôt mal en termes de timing. Elles confirment néanmoins toutes les deux que dans le champ politique, il n’y a désormais plus de distinction entre « le frivole et le sérieux ». Le frivole, c’est du sérieux. Et inversement.

Illustration du diktat du coup de com’ permanent, ces interviews, sous forme d’happening dans Pif et Playboy, confirment la dimension (trop) spectaculaire de la politique : une logique de « com’ de marque », à l’heure de la défiance des élus, qui continue chaque jour un peu plus de discréditer le politique et de nuire à la politique, de façon plus générale.
Les conseillers politiques et autres communicants devraient être payés pour pouvoir dire « non ». Encore faudrait-il en avoir le courage.


Par François Belley, essayiste,
auteur de l'essai " Le Nouveau Spectacle politique " (Editions Nicaise)
https://lnkd.in/ghgFYEh8

dimanche 26 mars 2023

L’ HOMME POLITIQUE EST MORT. VIVE LE NÉO-POLITIQUE !


























La réforme des retraites est un marqueur de plus dans la vie, caduque, de la politique française à la papa. Dans une ère multicrise, elle signe sinon illustre parfaitement le déclin du "professionnel de la politique", lié au mieux au trop plein de com’, à l’impuissance et la sur-promesse ; au pire au carriérisme, aux affaires multigenre et à la seule quête du pouvoir pour le pouvoir.

Perçu selon les sondages comme « déconnecté du réel », « parlant trop » et « n’agissant pas assez », le professionnel de la politique, au signe et au cumul facile, n'imprime plus. Distancé par les nouveaux entrants sur le marché, il ne convient plus à l'époque, en attente de plus d'authenticité, de sens et d'action. La mode du dégagisme reposait sur la volonté de sortir les sortants. La réforme des retraites, elle, va balayer par principe les professionnels de la profession. Et nul retour en arrière possible !

LE TEMPS DU NÉO-POLITIQUE.
Diktat de la société sociale-médiatique oblige, la matrice du spectacle qui, avec les réseaux sociaux vit son âge d’or, continue, elle, sa quête permanente de nouvelles têtes spectaculaires qu'elle sait mettre en lumière et pousser dans l’arène politique, une fois l'audience et la notoriété acquises.

Depuis « l’inversement » permis par les réseaux sociaux (où tout homme connecté a désormais le droit à la parole et au spectacle), c’est l’anonyme, nouvellement connu, vu et entendu, qui fait l’actu politique, qu’on veut écouter, croire et suivre. Peu importe sa légitimité sur le sujet, sa crédibilité et sa sincérité, ce que « la matrice des vues » encourage et veut voir maintenant c’est la « techno-gréviste » se déhancher, le youtubeur balancer du lourd sur sa chaîne, le twittos clasher en rafales ou « l’expert en Tout » décrypter le champ politique. Oyez, oyez, Mesdames et Messieurs, c'est désormais l'ère du néo-politique : ce non-professionnel de la politique qui, dans l'écran du spectacle, assure le renouvellement du show avec un sens du marketing remarquable.

LE NOUVEAU SPECTACLE POLITIQUE.
Mise en scène de la vie privée ; omniprésence dans les talk-shows, marelle dans une cour d’école ; concours d’anecdotes avec des youtubeurs : la politique-spectacle, pratiquée jusque-là par un politique professionnel discrédité, n’amuse plus le système spectaculaire, las des vieilles ficelles de la com’ politique. Danse, vidéo-live, clash, punchline… : place désormais au "Nouveau Spectacle politique" permis par les réseaux sociaux, lesquels ont, à la vitesse de la lumière, changé LA et LE politique.

- - -
Par François Belley, essayiste,
auteur de l'essai " Le Nouveau Spectacle politique " (Editions Nicaise)
https://lnkd.in/ghgFYEh8

mercredi 22 mars 2023

LA NOUVELLE FOULE.


Née des réseaux sociaux, la nouvelle foule forme le public du spectacle contemporain : celui, connecté, que l’on appelle communément aussi l’audience.

Abonnés, followers, fans, amis… la foule dite numérique se présente comme le nouveau public de masse, en lieu et place de celui amorphe et vieillissant du cinéma ou de la télévision. De la nouvelle foule, instinctive, primitive et puissante, à la fois productrice et productive, émerge la composante indispensable de la réussite du spectacle en ligne.

Le comportement de la nouvelle foule suit les codes classiques et les caractéristiques suivistes, propres au phénomène et à la psychologie de groupe. Anonyme, nombreuse et facilement influençable, la nouvelle foule qui vient s’ajouter et enrichir la classification historique des types de « foules », ne se sent pas responsable et ne réfléchit pas. Incapable de raisonner, elle ignore l’esprit critique, l’analyse et toute forme de discernement. Comme un seul être, elle avance en bloc, parle et commente d’une même voix, publie, like et partage d’une seule main. La nouvelle foule ne parle et ne comprend qu’un langage : celui de l’instantanéité, de l’émotion et du court-circuit. Elle est appréciée pour son fanatisme et sa démesure, ses comportements irrationnels et ses propos passionnés, ses attitudes imprévisibles, ses dérapages soudains et ses réactions brutales : autrement dit, son sens inné du spectacle.

Dans le cadre d’une manifestation ou d’une allocution, la nouvelle foule comme premier agent productif peut en effet s’appuyer sur des millions de chevilles ouvrières galvanisées pour assurer le spectacle en ligne. À l’heure du numérique, rejoindre une foule en tant que membre actif n’a jamais été aussi simple. Depuis son smartphone, un seul clic suffit. C’est ce qui différencie la nouvelle foule d’une masse de manifestants ou de spectateurs, de supporters ou de militants dans la vraie vie : les risques de rejoindre un groupe chauffé à blanc s’effacent tout à coup.

Portée par le nombre, guidée par l’instinct animalier et l’impulsivité qui la caractérisent, la nouvelle foule assure le rôle principal du spectacle en ligne : celui qui fait l’événement et en parle, lui donne de l’importance par le contenu de masse et le bruit qu’elle génère autour. Prescriptrice, la nouvelle foule décide de la publication à voir, de l’article à lire, du compte à suivre, de la vidéo à partager ou de l’avatar à bannir. C’est elle qui décrète le bien et le mal, fixe les critères du beau et du laid, trace les limites de l’acceptable et de l’inacceptable, règle le niveau d’intensité de la lumière sociale-médiatique.

Par son influence et ses retombées immédiates dans les médias traditionnels, la nouvelle foule a donné naissance à un nouveau type d’opinion publique, virtuelle cette fois-ci, qui selon l’actualité du jour, peut imposer sa vérité au monde entier, se déchaîner, juger et, par la force d’un hashtag, dresser des bûchers en place numérique. La nouvelle foule adore ou déteste. Elle est le fan ou l’ennemi. Elle célèbre ou exécute. Il n’y a pas de nuances possibles. Prévisible, le public, acteur du spectacle contemporain, ne réserve jamais de surprise dans ses agissements. Sur une petite musique répétitive, la nouvelle foule est tel l’automate qui marche, pivote puis tourne ; déambule, pivote puis tourne à nouveau. La nouvelle foule libère la parole, se nourrit de l’image et des formules chocs, pousse le public au mimétisme. Sur les réseaux sociaux, elle est l’alpha et l’oméga de la production du nouveau spectacle ».

Extraits de l’essai « Le Nouveau Spectacle politique » (éditions Nicaise)
François Belley

mercredi 8 mars 2023

DE L’ ÉMOTION EN POLITIQUE !


... ou la stratégie des « larmes de croco » !

À l’heure du diktat de l’apparition-écran et du marketing continu, lémotion est un registre de com’ apprécié et recherché des acteurs politiques.

Chez la femme ou l’homme politique dont l’image est écornée, l’émotion crée de l’authenticité, humanise, normalise aussi à l’heure de la défiance et de la distance du politique. L’émotion que l’on recherche, créée et scénarise dans l’espace public, s’adresse à la sensibilité des foules, touche le cœur des masses, réveille les passions de l’électorat. Parce qu’elle s’inscrit s’inscrit dans une logique de compassion, de séduction donc d’adhésion, elle fait office de pensée, de message et de programme, à l’heure du vide.

Sur la scène du théâtre politique, les larmes de croco lorsqu’elles coulent à flot sont donc devenues une arme de communication. Celles d’A. Bergé hier à l’Assemblée, d’E. Macron lors du 11 novembre 2021 ou de B. Obama lors de son dernier discours (janv 2007), celles de S. Royal lors de sa défaite cinglante aux primaires (octobre 2011) ou de J. Trudeau dans les locaux du parlement (oct 2007), celles d’A. Corbière sur un plateau de télévision (fév 2018), de N. Hulot lors de l’annonce de sa démission (Sept 2018) ou d’A. Juppé lors de ses adieux à sa ville de Bordeaux (fév 2019) : les larmes - naturelles ou non - font sortir l’homme politique de sa fonction, percent la bulle de l’intimité.

Comme au cinéma, au théâtre ou dans le sport, l’émotion est attendue par le spectateur. Pour les médias, les séquences en sanglots, qui plus est en direct, valent de l’or. Pour le politique, elles créent de la publicité. Pour son caractère humain, elles font naître de la compassion, de la sympathie et de la proximité chez l’électorat. Dans nos sociétés d’image avant tout, mieux vaut être porté sur l’émotion que sur la raison. L’adhésion, l’approbation, le soutien, exprimés par « le commentaire », « l’abonnement à », « le like », « le retweet » ou « le vote », sont souvent le fruit d’une émotion savamment construite.

François Belley

La suite ici :
« Le Nouveau Spectacle politique » (Editions Nicaise), Essai.
https://lnkd.in/eJRjsiyD

mardi 28 février 2023

Le décryptage permanent par la voix de « l’expert ».


À l’écran, chaque thématique traitée se doit d’avoir sur le plateau une personne référente, chargée par son titre d’« expert » mentionné en gros, d’apporter en direct du crédit et du muscle à la discussion.

Pilier des chaînes d’info, « l’expert » appelé pour meubler à chaud, revient sur l’événement, sous-titre les images et décrit les faits ; constate les chiffres et commente « les propos de ». Par sa présence, « l’expert » est celui qui illustre le sujet et, par sa voix, celui qui légende l’actu du jour, lui donne du relief, l’oriente aussi par ses interventions vues et revues avec l’effet de boucle et de répétition.

Qu’il soit ex-taulard ou repenti du show-bizz, médecin en réa, flic, politique, agrégé de philosophie ou psychologue, « l’expert », adepte de la gonflette des mots et de la paraphrase, est appelé en urgence pour décrypter. En réalité, comme l’intellectuel médiatique, il se retrouve à l’antenne pour assurer le service après-vente d’un « événement-vache à lait ».

Dans le choix de l’intervenant, il ne s’agit en effet pas de compétences ni de savoir, de connaissance du terrain ni même de pratique mais avant tout d’une capacité à bien incarner et à représenter un sujet d’actualité à un moment-clé du calendrier.

Acteur du nouveau spectacle politique, « l’expert » à l’avis sur tout est d’abord un spécialiste de la parole et de la formule, du verbe haut et du commentaire. Ainsi se dépêche-t-il par les mots, de compenser les images parfois limitées d’un événement en cours.

Comme le montre un monde tenu par le temps ultra-court, «  l’expert  » ne doit sa présence qu’à l’actu chaude. C’est elle, avec sa baguette magique, qui décide seule de sa téléportation immédiate sur la scène et de son incrustation dans le décor du spectacle. C’est l’actu encore qui lui donne du temps de parole et par la récurrence construit le personnage. C’est l’actu toujours qui lui permet en écho à la position tranchée du néo-sachant, de répondre sereinement à une question à laquelle parfois personne, même les autorités les plus compétentes, n’est bien capable de répondre.

Par le pouvoir (social) médiatique qu’offre l’apparition à la télévision, l’«  expert  » s’affirme progressivement dans l’espace public, se starifie à longueur d’émissions et finit par s’éditorialiser. Avec la notoriété aidant, il peut même parfois se politiser profitant de la crise du politique eu égard à la défiance portée à son égard.

À la manière du sparring-partner interchangeable, «  l’expert  » qui critique, prédit et interprète n’est pourtant qu’un pion au service du système spectaculaire. Qu’importe le fond de ses propos tenus, la teneur de ses analyses et la qualité de ses prévisions  : de lui ne sont attendus que la forme, le style et la propension au one-man-show. Au commencement était le Verbe et le Verbe est spectacle.


La suite dans le livre ci-dessous :

« Le Nouveau Spectacle politique » (Editions Nicaise), Essai.
https://lnkd.in/eJRjsiyD

François Belley 

samedi 25 février 2023

L'interpellation publique du politique.


Comme le consommateur lésé qui sollicite, brocarde et malmène en direct les marques commerciales, le citoyen repolitisé réclame à son tour sa part de bousculade en public, qu’il pense, provoque et produit lui-même face caméra. 
Lors d’une visite d’usine, d’un hôpital ou d’un salon, sur un marché, un plateau de télé ou sur les réseaux sociaux, le citoyen-spectacle, armé de son smartphone, n’hésite plus à prendre la parole, à interpeller directement le politique et à faire irruption dans l’arène médiatique.

Un ouvrier qui exprime sa colère face à un candidat ; un jeune des quartiers qui défie un député ; un sinistré qui apostrophe un Premier ministre ; une infirmière qui, dans un couloir, invective un Président : l’échange sur le terrain entre le professionnel de la politique et le néo-politique constitue l’un des divertissements à voir les plus prisés sur la scène de spectacle du réel : le lieu de rencontre et de fusion des émotions, des pulsions et des frustrations. Plus elle est virulente et inattendue, plus l’interpellation publique sous l’œil voyeur et fugace des smartphones, engendre de la médiatisation, crée de la polémique-spectacle et offre à celui qui en est à l’origine, la tribune et la place recherchées dans l’espace public. Dans la sphère médiatico-politique, le micro ne se donne plus. Comme la parole, il se prend, s’arrache puis se garde tant l’objet chromé, symbole du spectacle, fait briller de mille feux l’individu contemporain. Vue comme une contribution citoyenne au débat public, l’interpellation à bout portant du professionnel de la politique, à travers une discussion filmée, franche et directe, fait entrer aussitôt dans le champ du spectacle le citoyen connecté, tapi dans l’ombre jusque-là.

Dans cette logique de fixation, de médiatisation et d’« immédiatisation » du sujet, le message dilué dans une forme toujours sensationnaliste, n’a pas d’importance là encore. À l’écran, c’est le messager que l’on garde, fait parler et exploite ainsi que la séquence, de laquelle sera extraite la meilleure image à l’origine du débat du jour. L’interpellation du politique par le néo-citoyen comme voie rapide vers le nouveau spectacle politique, si elle traduit une colère légitime, témoigne aussi du besoin de vedettariat de l’époque qui sollicite la lumière avec le public et ses applaudissements.

La suite dans le livre ci-dessous :

« Le Nouveau Spectacle politique » (Editions Nicaise), Essai.

François Belley

vendredi 17 février 2023

POURQUOI TANT DE BORDEL À L’ASSEMBLÉE ?

 


















À l’heure de l’ultra-com, 3 explications :

- L’AVÈNEMENT DE L’AUTO-ENTREPRENARIAT POLITIQUE.
Avec l’accès à la publication et la personnalisation du débat public comme conséquences directes, l’acteur politique, en écho à une société recentrée sur elle-même, a muté vers un statut nouveau : celui d’auto-entrepreneur politique qui, à la manière d’une petite entreprise individuelle, gère seul désormais, son image, ses coups de com’ et le développement de sa propre marque sur le marché.
Obnubilé par la croissance de sa petite personne qu’il veut et voit grande, l’auto-entrepreneur politique nouvellement émancipé se singularise par son indépendance, sa liberté d’entreprendre et de se mettre en spectacle. L’auto-entrepreneur réfléchit par lui-même. Il agit surtout pour lui-même. Dans cette logique, la personnalité cannibalise le collectif ; l’individu vampirise le groupe.

- LA RECHERCHE DU HAPPENING PERMANENT.
Pour celui qui s’aventure sur le marché du nouveau spectacle politique, l’impact de la sortie publique, par le coup d’éclat ou le dérapage, la publication ou la déclaration, s’apparente à une véritable obsession. Parce que la lumière sociale-médiatique ressemble à une libido qu’il faut assouvir au plus vite, le professionnel de la politique, comme le néo-politique, face à sa pulsion de représentation, cherche l’audimat désespérément. Ainsi, faute d’idées et de vrais combats, le politique au besoin vital d’être vu, braque l’actualité par le biais de happenings, sous forme d’opérations coup de poing, calibrées pour les médias et les réseaux sociaux.
Dans un monde où l’agitation a remplacé l’action politique et le divertissement balayé la réflexion, l’agitprop médiatique par la voie de la subversion est devenue la nouvelle façon de faire de la politique : celle qui se remarque, fait parler et dont la réussite s’évalue par le nombre de vues, de likes et de partages.

- LE DIKTAT DU SPECTACULARISME.
Dans le spectacle, il n’y a rien de pire que l’insensibilité, l’impassibilité et l’indifférence du public ; l’absence totale d’émotions et d’impressions, d’avis et d’opinions. Aussi, l’adhésion comme le rejet du spectacle doivent nécessairement susciter de la réaction, positive ou négative. Qu’importe, pourvu que le commentaire offre aux masses, à la vie monotone, la décharge d’endorphine et d’excitation attendue. Idéologie de la société de contenus, le spectacularisme, c’est précisément cette capacité de l’industrie sociale-médiatique à servir, dans l’assiette gargantuesque du public, du contenu de nature spectaculaire. Celui même qui, le temps d’une connexion, fera vivre à l’abonné au néo-divertissement, la fameuse « expérience utilisateur ».

C’est comme ça : devant son écran de spectacle, l’homme connecté veut vivre des moments intenses, atteindre l’épilepsie, être touché et transporté, stimulé et serré : en avoir plein la vue, la tête et les oreilles

Une fois ce constat fait, il existe des solutions pour contourner le diktat de la com’ et redonner de crédit à la parole politique. Elles sont dans ce livre, précisément à la page 225.
« Le Nouveau Spectacle politique » (Editions Nicaise), Essai.

François Belley.

lundi 13 février 2023

jeudi 19 janvier 2023

LA MANIF : PRODUIT-STAR DE L'ACTU.















Qu’elle concerne les syndicats ou les gilets jaunes, les féministes, les étudiants ou les infirmières, une manifestation, même confidentielle sur le terrain, devient toujours dans l’écran du spectacle un événement d’envergure qu’il faut couvrir, voire sur-couvrir pour le besoin de l'audimat.


Par définition, la manifestation dont l’intérêt premier repose sur les images spectaculaires qu’elle produit, est synonyme d’actu. Parcours, foule et cortège ; déclarations, punchlines et premières estimations ; tensions, charges et affrontements : la manif doit être un manège à sensations fortes. Ou être présentée comme tel. Pour les médias, un rassemblement réussi doit en effet présenter des coups d’éclat, multiplier les symboles, livrer les meilleurs plans pour remplir de contenus à voir "le direct" en cours, "l’article" à venir et "le débat" du soir, consacré aux faits marquants de la journée. C’est pourquoi la manifestation s’inscrit toujours dans un objectif de performance visuelle et sonore galvanisante !

Plus que sur le fond, c’est d’abord sur la forme que la manif doit peser pour gagner des parts de voix. Aussi, parce qu’elle constitue le premier sujet de fixation des médias, la revendication de manifestation sous forme de slogans et de calligraphies, de dessins, de photomontages ou de caricatures, fait toujours l’objet d’un travail particulièrement soigné de la part des manifestants en colère. Exprimé sur un carton, une banderole, un tee-shirt, une bâche, un gilet, un dos ou une paire de seins transformés en un support publicitaire mobile, le message engendre de manière naturelle chez ceux qui le portent, l’enfilent ou le brandissent, de la surenchère dans les mots et les images employés. À l’origine parfois d’une vague d’indignation et de colère dans la population, la sacro-sainte pancarte de manifestation, ready-made de la contestation, devient alors du pain béni pour la matrice sociale-médiatique, responsables de son ultramédiatisation puis de sa monétisation.

Netflix-isation des esprits oblige, la manifestation, comme produit-star de l'ère spectaculaire, est attendue et annoncée tel un feuilleton, consommée et commentée massivement comme une série. « Pour les retraites», « le climat », « l’hôpital » ou « l’école républicaine » ; « contre le racisme et les violences policières » ou « en hommage aux victimes » : la manif avec sa médiatisation de masse, son effet de contagion et son dispositif exceptionnel de retransmission, est devenue un programme de divertissement comme les autres, une "marchandise" prête-à-être consommée : le gagne-pain à la fois des rédactions, des politiques à l'affût comme des citoyens-smartphone qui assurent maintenant, les jours de mobilisation, les duplex sur le terrain et les débriefs sur les réseaux sociaux.

François Belley.

Pour aller plus loin, lire l'essai :
"Le Nouveau Spectacle politique", Editions Nicaise

samedi 14 janvier 2023

BRIGITTE MACRON EN CAMPAGNE. Pourquoi elle coche toutes les cases !













IMPOSER LE DÉBAT. Check !

Tel un politique professionnel, Brigitte Macron démontre qu'elle maîtrise, elle aussi, les codes de l'époque-punchline pour faire parler d'elle et occuper la scène médiatique. Jadis utilisée par Ségolène Royal (« ordre juste », « jury citoyen », « camp de redressement ») plus récemment par Sandrine Rousseau (« barbecue », « affaire Bayou »), la technique marketing est connue : elle consiste, tel un youtubeur à succès, à lancer une formule choc et polémique par intervention. Aussi, que ce soit sur le modèle à la française (« dans quel pays c’est mieux ? ») ou l'uniforme à l'école (« une tenue simple et pas tristoune »), toutes les récentes sorties de Brigitte Macron visent à faire l'actualité, lancer le débat puis laisser les autres commenter, sur les plateaux, les réseaux sociaux ou dans la salle des 4 colonnes.

CRÉER LA SÉQUENCE. Check !

Chez celle qu'on appelle communément « Brigitte » (comme jadis « Ségolène » ou aujourd'hui « Marine »), la semaine passée est particulièrement intéressante à analyser en termes d’apparition publique. Car, sur le plan de la construction-média pensée en temps forts, elle ressemble à s'y méprendre à une semaine-type de campagne où le candidat doit sans cesse occuper l'espace. Il y a d'abord eu sa « visite » (de campagne) à l'hôpital, puis son interview (de campagne) au sacro-saint 20h, puis sa com’ (de campagne) comme co-animatrice avec Arthur sur TF1 (« Le Grand concours spécial Pièces Jaunes »). Avec l'aide de l'Opération Pièces Jaunes dont elle dépasse la mission, " Brigitte " cristallise. Incontestablement, elle s'est imposée comme le "sujet" de la semaine, au point même de rivaliser, en termes de bruit médiatique, avec le sujet pourtant chaud des retraites.


RECHERCHER LA LÉGITIMITÉ. Check !

« Justice » aux côtés d’Éric Dupond-Moretti, « Education Nationale » devant Pap Ndiaye, « Santé » en lieu et place de François Braun : Brigitte Macron sort de son rôle de manière tactique, fait de la politique avec son style et intervient sans complexe sur tous les sujets. Pour autant, compte tenu de son statut de première dame, elle n’est pas (encore) légitime ni aux yeux des Français, ni aux yeux du camp présidentiel. Tout son travail, avec celui des communicants, sera donc ces prochains mois d'apparaître de plus en plus crédible. Dans son édition du 13 janvier, le journal Le Monde la présente comme "une première dame de plus en plus politique." C’est une première étape dans la construction de la marque et son objectif. D'autres papiers iront en ce sens. Aussi logiquement, il est fort à parier que viendra bientôt l'heure des déclarations de type "je suis en phase d'écoute", "j’avance" ou "je suis prête au débat", lesquelles renforceront l'ambiguïté de candidature, lanceront la phase de teasing et installeront le probable improbable duel « Brigitte VS Marine » ? La politique est complexe. Mais le marketing politique si prévisible.

François Belley. Check !

Pour aller plus loin, lire l'essai :

"Le Nouveau Spectacle politique", Editions Nicaise

https://lnkd.in/ghgFYEh8