Les chaînes d’info (sans exception) conditionnent le public au spectacle et le préparent mentalement avec toute une série d’artifices qui apparaissent à l’écran. À la manière d’une voiture de rallye marquée de logos et de slogans, les chaînes en continu recouvrent leurs carrosseries de bandeaux déroulants, de carrés multicolores et de rectangles clignotants. À l’antenne, le macaron des news channels signe l’événementialisation à outrance de l’information. Collé à l’écran comme la vignette sur le pare-brise, il renseigne sur l’événement phare de la journée. Au téléspectateur, il rappelle surtout le bon feuilleton à suivre au cas où, amnésique, il oublierait ce qu’il doit scroller et voir, savoir et revoir.Marqueur d’un événement « majeur » en cours ou à venir, le macaron donne de l’importance au sujet mentionné et apporte une dimension sensationnelle. Par sa seule présence, il confère un caractère dramatique, spectacularise l’info du moment préparé et servi à la chaîne : un traitement surfait qui n’est pas sans conséquence pour le public, dans la manière d’appréhender l’actualité, la façon de percevoir l’événement et la capacité à se faire sa propre opinion.
À l’écran, le macaron altère, fausse et influe la réalité. Comme l’ensemble de la signalétique hypnotique des chaînes en continu, il a fini par habituer les foules cathodiques au spectacle permanent : un fait d’actualité, aussi tragique soit-il, ne pouvant être vu et « consommé » désormais que par le filtre de l’événement, du récit, de la scénarisation, c’est-à-dire de du feuilletonnage médiatique. Ainsi, pour tenir en haleine le téléspectateur, accroché aux révélations et aux rebondissements à venir, les chaînes de spectacle qui voient l’actu comme une fiction, avancent par bribes, divisent en épisodes et distillent l’info au compte-gouttes. Au macaron, les chaînes en continu peuvent aussi ajouter un compte à rebours pour faire parler de l’événement avant l’événement.
Par le dispositif « exceptionnel » vendu au public, le titre du film écrit en gros à l’écran et le climat (souvent anxiogène car plus vendeur) installé avec la bande-annonce, le macaron comme le compte à rebours font saliver le spectateur qui, la main sur le smartphone ou la télécommande, se voit déjà propulser au cœur de la manif ou s’approcher au plus près du Titanic.
Avec ses codes visuels qui répondent à la politique éditoriale du spectacle, les news channels à la recherche d’impact, d’audimat et de résonance, encadrent sans exception tous les événements avec les mêmes ornements dorés. Aussi, quelle que soit l’information à obsolescence programmée, l’emphase sémiotique sera identique tout comme les commentateurs « experts » aux corps vissés à la table du spectacle. Ainsi est et fonctionne le spectacle.
François Belley
Auteur de l’essai « Le Nouveau Spectacle politique » (2022).