mercredi 21 juin 2023

Greta Thunberg ou l’émergence du néo-militant.


Le parti politique avec sa carte de membre, son fonctionnement à la verticale et ses instances vieillissantes autour de la figure inamovible du chef, n’attire plus. Comme l’homme du réel, le professionnel de la politique n’a pas vu venir ou simplement pas su éviter le violent coup de balai de l’ère numérique. N’en déplaise aux caciques, aux doigts encore agrippés au monde d’avant, le parti tel que nous le connaissons est mort et déjà enterré avec ses leaders de carrière. Quoi qu’il fasse, il ne survivra pas au monde d’après les réseaux sociaux.

Aujourd’hui, les luttes s’organisent, prennent forme et s’expriment à l’extérieur des organisations politiques traditionnelles. Désormais, l’engagement du citoyen connecté, plus au fait de l’actualité et de ses enjeux, se retrouve ailleurs : dans un collectif, un comité de soutien ou sur un compte Instagram. Victimes de «LBD», de « harcèlements » ou de « violences sexuelles » ; collectifs « pour la vérité de », « les droits des » ou « la justice pour » : la nouvelle génération de militants, a-partisane, ne s’engage plus derrière un homme providentiel. Elle adhère d’abord à une cause pour laquelle, ponctuellement, elle se mobilise, marche et milite activement.

De la liberté de parole dans le débat public à la propagation rapide de ses idées en passant par la mobilisation massive d’un événement jusqu’à la possibilité d’interpeller personnellement le pouvoir en place : le nouveau militant, affranchi de la tutelle du dogme et de la ligne politique, trouve avec les réseaux sociaux tout ce qu’un parti, en plus d’un siècle d’histoire, n’a jamais pu offrir à ses membres.

Fort de son audience puissante, le nouveau militant, acquis à la cause de la lumière et de la représentation publique, n’hésite plus à monter sur scène et s’emparer du micro, prendre la place du politique et s’autoproclamer devant la nouvelle foule le porte-voix de « l’écologie », du « néo-féminisme », du « lesbianisme » ou encore de « la lutte contre le racisme ». Plus visible, plus bruyant, plus radical, le nouveau militant comme produit frais de la politique forme la nouvelle coqueluche des médias. Utilisé pour son rôle de catalyseur et d’allume-feu, il caractérise la tête parlante du néo-spectacle. Unes de presse, interviews, débats, reportages, prix, distinctions : pour le besoin du néo-divertissement, le nouveau militant devient vite la figure emblématique d’une cause, l’égérie d’une séquence, le visage d’un combat, la tête de gondole d’une tendance : soit l’instrument du nouveau spectacle politique. Catapultée icône à l’échelle mondiale de « la lutte pour le climat », Greta Thunberg « the power of youth », sacrée « person of the year » de l’année 2019 par le magazine Time, étale, à elle seule, l’exemple type de la nouvelle militante starisée : l’illustration parfaite du processus de l’inversement des rôles au sein du spectacle politique.

François Belley
francoisbelley.fr