jeudi 29 juin 2023

De la violence dans l'écran du spectacle.


Meurtres, fusillades, bagarres, hold-up, règlements de comptes, enlèvements, prises d’otages, suicides, scènes de guerre, de torture ou de viol : la violence inonde le cinéma. À la télévision, sur les réseaux sociaux comme dans les jeux vidéo, plus largement dans l’ensemble des expressions du spectacle, elle y est omniprésente. À l’écran, la violence explicite est même l’ingrédient vivant du spectacle : celui qui, avec le sexe, attire les foules et révèle le caractère voyeur du spectateur, addict au son des coups, à la vue du sang et aux rubalises jaunes de police.


Depuis le théâtre antique jusqu’à la retransmission en direct d’un affrontement entre manifestants et forces de l’ordre, la violence, par son esthétique et les passions qu’elle fermente dans le cœur et les tripes du public, conserve – faute de concurrence il est vrai – sa première place au sein du classement des divertissements à voir. Pour les médias convaincus que « la réalité sera toujours plus forte que la meilleure série télé », la violence constitue la clé de voûte de son écosystème : la garantie du clic et du vu, de la viralité et du replay.

« Violences urbaines », « violences policières », « violences sociales », « violences conjugales », « violences sexuelles », « violences passionnelles » : le mass-médiatique aime récupérer et mettre en lumière tous les faits de violence, petits et grands, de la société : sur lesquels avec du temps d’antenne, il investit lourdement comme en bourse.

Parce qu’elle électro-choque aussitôt le grand public et génère chez lui des émotions fortes, les faits de violence dans leur exploitation, leur mise en scène et leur narration, deviennent au quotidien la matière idéale pour fabriquer « l’image du jour » : soit une vidéo montrée au téléspectateur via tous les angles possibles et imaginables : à commencer par celui de la victime elle-même qui, malgré la violence de la situation vécue, n’oublie pas en sa qualité de premier producteur et diffuseur de contenus, d’enclencher son mode caméra.

Dans nos sociétés spectaculaires où le bruit et le visible ultradominent, la violence par le biais du cassage de vitrines, le pillage de magasins ou de feux de voitures, est devenu le moyen d’expression de la contestation comme celui de la fête et de la célébration : une nouvelle forme d’événement-spectacle pour les médias qui, à l’appui d’un dispositif en direct exceptionnel, savent toujours couvrir les grandes occasions.

François Belley
Auteur de l’essai « Le Nouveau Spectacle politique » (2022)
https://francoisbelley.fr