lundi 14 février 2022

Le surgissement du néo-politique.

 

Il n’est pas élu et ne le souhaite pas. Pourtant, par son audience, sa forte exposition et son savoir-faire du coup d’éclat médiatique, sa voix, dans l’espace public, pèse autant, voire plus, que celle d’un siège politique à l’Assemblée.

Essayiste, infectiologue, généticien, humoriste, médecin réanimateur, réalisateur, comédien, chef étoilé, chanteur de variété, chauffeur routier, acteur de cinéma, professeur de philosophie, avocat, influenceur : le néo-politique est celui qui, par la représentation continue et la fabrique d’opinions, assure à l’écran le renouvellement de la forme du spectacle politique.

Catapulté sur le devant de la scène, éclairé tout à coup comme un chanteur de music-hall, le néo-politique comme illustration de l’inversement des rôles, se présente comme la nouvelle vedette cathodique : le nouvel homme-spectacle, en lieu et place de l’homme politique traditionnel qui, entre presse people et talk-show, n’a pas su se réinventer dans l’exercice du divertissement. Contrairement au professionnel de la politique, le néo-politique ne vise pas l’élection. À travers l’invitation au commentaire et à la réaction, au débat et au clash, il ne recherche que le pouvoir médiatique. Dépendant de l’actualité, le néo-politique est vu comme un « bon client » qui sait créer des émotions collectives, s’adresser à un journaliste avec des images percutantes et par l’utilisation de mots simples, se faire comprendre du plus grand nombre. Face caméra, le politique de substitution à l’avis sur tout maîtrise l’ensemble de la palette du spectacle. Il utilise et connaît sur le bout de ses doigts de jongleur les variations des couleurs composant le nuancier du divertissement. Ainsi, le néo-politique est à la fois à l’aise dans le registre de l’humour et de la provocation, de la polémique, l’indignation ou du dérapage. Si Jacques a dit : « quitte le plateau ! », le néo-politique s’exécutera. Il se lèvera et s’en ira avec fracas.

Pour les médias en quête de spectacle en général, le surgissement de ce nouvel acteur public dans le champ politique représente une aubaine. Élu et reconnu par le système médiatique pour sa capacité à produire du spectacle, le néo-politique est devenu pour les chaînes d’info qui l’invitent, le mettent en scène et l’utilisent à des fins d’audimat, un élément incontournable du nouveau divertissement. Le néo-politique qui jouit d’abord du privilège de sa notoriété n’a pas forcément d’actualité : c’est son apparition à l’écran qui la crée. Avec le néo-politique, le spectateur sait à l’avance qu’il va se passer quelque chose. Ses interventions sur le plateau ou en visio sont attendues : ce sont celles qui tourneront en boucle sur les réseaux sociaux avant d’être reprises, sous forme de breaking news dans les médias.

Investi et engagé dans la vie de la Cité, tout du moins son spectacle, le néo-politique est un acteur disponible : toujours prêt à répondre présent aux demandes d’interview en duplex, connu aussi pour ses temps de chrono record pour rejoindre les émissions de débats dans lesquelles il officie d’abord comme invité du spectacle avant d’en être le commentateur régulier puis l’« expert » à qui il sera demandé, comme à un clown, un équilibriste ou un prestidigitateur venus faire leurs numéros de cirque, de rentrer et de bien rester dans la case, conçue et réservée par la production.

François Belley