lundi 27 novembre 2023

DE LA SURENCHÈRE DES IMAGES ET DES MOTS DANS LA SOCIÉTÉ DU CLIC ET DES VUES.

Le devoir de production de contenus spectaculaires constitue l’injonction première de l’ère sociale médiatique où pour exister désormais, il convient d’être vu, relayé et suivi par le plus grand nombre. À ce titre, l’étude des réseaux sociaux Snapchat et Twitter/X - le premier par la sociologie de son jeune public ; le second pour le profil politique, partisan et influent de son audience -, me paraît intéressante à mener dans la période multicrise actuelle tant elle regorge de dérapages, sujets à la logique de la surenchère des images et des mots. Ainsi fonctionne la société du spectacle, à l’heure du diktat des plateformes sociales et du tout-puissant trendtopic.
Chez le producteur de contenus, qu’il soit politique, influenceur, publicitaire, rappeur, humoriste, chroniqueur ou primo-émeutier, la recherche de la polémique tous azimuts, à travers la stratégie dite du dissensus vendeur, ne répondrait pas forcément à une motivation que politique mais à un nouvel impératif social : celui d’être remarqué à tout prix dans la sphère sociale médiatique. Aussi, les indignations, les provocations, parfois même les menaces « à l’encontre de » produites au sein même de l’écran du spectacle trouveraient ainsi leurs motivations premières dans la course à l’audimat, aux airs de fuite en avant, où pour être vu, partagé et commenté - graal de notre époque -, tout semble aujourd’hui permis, à commencer par les pires publications, sous forme de lives, de stories ou de tweets. Ainsi fonctionne la société du spectacle, à l’heure du diktat de l’émotion et du débat en continu.
Pour être intégré, accepté et reconnu comme un membre actif de la société sociale-médiatique, il convient pour l'homme-connecté d’être produisant mais surtout spectaculaire : c’est-à-dire de publier un contenu susceptible aussitôt d’accrocher les masses, accroc avant tout aux images et aux propos choc. Selon la règle première de la matrice sociale médiatique, l’avatar le plus spectaculaire devient par l'effet de l'impact, du bruit et du nombre aussi le plus important. C'est ainsi : sur les réseaux sociaux, celui qui est vu est bien vu, donc relayé. Celui qui est relayé est à voir. Et celui qui est vu est surtout à revoir. Ainsi fonctionne la société du spectacle, à l’heure du diktat des chaînes d’infos et du bandeau déroulant.
De première nécessité pour l’homme-connecté, la publication sur Snapchat, Twitter/X ou TikTok comme produit essentiel à sa survie constituerait, dans ce quart du 21ème siècle, le seul moyen de s’insérer socialement, d’être accepté par le groupe, autrement dit de ne pas être trop vite écarté par les algorithmes et l’obsolescence programmée de la matrice. Aujourd’hui, publier, c’est d’abord exister ; compter aux yeux de ; être parmi et faire partie de. Ainsi, pour l’homme-connecté (qu’il soit politique, influenceur, publicitaire, rappeur, humoriste, chroniqueur ou primo-émeutier) qui n’existe et n’agit plus que par rebond de l’actualité, ici la mort de Nahel par un tir d’un policier, là le meurtre de Thomas à Crepol, le sacro-saint « post » ne semble être au fond qu’un moyen d’appartenance, là où, divisée, fracturée plus que jamais, la société du réel a failli. Ainsi fonctionne la société du spectacle, à l’heure du diktat des communautés et du chacun pour soi.
Dans la nouvelle industrie du « à voir », il convient donc - chacun dans son couloir aussi politique qu’égotique - pour être visible et performant d’être hors du cadre, parfois même hors de la légalité, autrement dit céder, dans la société du clic et des vues, à la surenchère des images et des mots. Et cela passe par la production d’un contenu sans limites sous forme de lives, de stories ou de tweets, hier dans le cadre des émeutes urbaines, aujourd’hui dans le cadre de la guerre entre Israël et le Hamas.
Aussi, si les crises multiples, successives et imprévisibles viennent révéler un peu plus chaque jour les fractures tous azimuts de la société, elles démontrent une fois de plus l’emprise du virtuel et le règne absolu de la société du contenu de masse. Ainsi, dysfonctionne la société du réel au profit de celle, glorifiée, de la société du spectacle.
François Belley,
Auteur de « L’homme politique face aux diktats de la com » (Institut Diderot, 2023).

vendredi 24 novembre 2023

LE SPECTACLE DU RETOUR À LA VIE RÉELLE.













Signe de la déconnexion du politique avec les vraies gens, de la non-pratique du quotidien et de la vie hors sol de ceux qui nous gouvernent, le retour au réel – aussi fugace soit-il – de l’homme de pouvoir demeure pour le médiatique une information de la plus haute importance : à couvrir si possible de la même manière qu’une rencontre de troisième type.

Symbolisant à l’écran le contact entre le haut et le bas, le national et le local, le connu et l’anonyme, le déplacement sur le terrain sous forme d’une déambulation filmée se présente au public toujours comme un événement : une séquence rare au cours de laquelle regarder un élu prendre le métro ou le train de nuit, un ministre boire un café sur une terrasse rouverte devient un spectacle. Impatient, le public veut voir en effet si le politique, une fois lâché dans le réel, sera à la hauteur : au même niveau que celui qu’il valorise d’un regard, d’un clin d’œil ou d’un tutoiement. Voir s’il sera naturel dans ses mots, attitudes et réactions ; s’il pourra aussi, devant la détresse et les larmes parfois de son interlocuteur, être crédible dans le rôle du coach, du psychologue, du grand frère ou encore du père de la Nation. Savoir enfin si face caméra, il deviendra force de propositions, d’improvisations et de compassion devant les problèmes de retraite et de pension d’invalidité des uns, de feuille de paie et d’impôt des autres.
Avec le savoir-faire d’un producteur de téléréalité, le système médiatico-politique a réussi, par le biais de l’écran, à nous vendre le normal comme exceptionnel et, par l’épreuve du réel, à noyer les foules dans un océan de rien. Si pour le politique, à travers une tenue décontractée, une main sur l’épaule ou un trait d’humour, la redescente sur terre relève de l’exercice d’image pour paraître cool, sympa et proche du peuple à un moment précis du calendrier, le spectacle doit pour le médiatico-numérique venir surtout de la confrontation avec le réel, provenir du tête-à-tête, parfois sous forme de collision, de gouffre ou de malaise, avec le monde des agriculteurs ou des ouvriers, celui des jeunes ou des chômeurs. Si dans l’écran du spectacle, les courses sur le marché, la dégustation de charcuterie, la poignée de main à la populace ou la bise à Madame Michu ont toujours la cote et continuent (à cause de l’événementialisation et la médiatisation de masse) d’intéresser les foules, c’est bien de l’accrochage ou de la leçon de vie d’un Président qui détiennent le plus de valeur sur le marché spectaculaire du « à voir ».
Mais ne nous trompons pas ! En mettant les pieds dans la vraie vie comme on rentre dans une eau froide, le politique ne vient pas pour s’intéresser et comprendre l’autre, sentir pour agir. Mais parce qu’avec le réel et une stratégie ostentatoire tout-terrain, il a simplement trouvé une occasion supplémentaire pour rester un peu plus dans l’écran du spectacle.
François Belley.

lundi 20 novembre 2023

JAVIER MILEI OU L’ÂGE D’OR DE LA POLITIQUE-SPECTACLE.













Pour performer dans le débat public à l’heure de la société du spectacle - aujourd’hui global et total -, le politique doit requiert 3 « qualités » indispensables.

1- D'abord, nul besoin d’être reconnu, il faut être connu !
Pour réussir dans le spectacle politique, la notoriété est indispensable. Sans elle, pas de reconnaissance du public, donc pas d’acte d’achat possible. Dans les linéaires, un produit à forte notoriété constitue en effet un gage de qualité et de sécurité, de garantie et de réassurance pour un conso-spectateur formaté qui, dans son gros caddie, met de préférence ce qui est connu et déjà vu. Economiste de formation, Javier Milei s’est fait connaître médiatiquement (dès 2014) comme « expert » à grands coups de plateaux de télévision et de radio, avec le style polémique, anti-système et punchliner qu’on connaît aujourd'hui.

2- Ensuite, nul besoin d'être compétent, il faut être populaire !
Pour épouser l’époque spectaculaire, il convient, à l’ère du diktat de l’image, conquérir le cœur plutôt que la tête des électeurs. Sur le marché du spectacle politique en effet, la popularité qui s’exprime chaque jour à travers des enquêtes et des sondages quotidiens, est devenue avec l’audience en ligne et la notoriété, l’un des premiers niveaux de lecture pour jauger la crédibilité d’un « candidat probable » puis d'un « candidat sérieux »... selon les critère de la "politicgame". Populaire, Javier Milei le deviendra dans l'opinion à grands coups de propositions chocs, de déclarations volontairement à contre-courant : soit la stratégie dite du dissensus vendeur.

3- Enfin, nul besoin d'être un professionnel de la politique, il faut avoir le sens du spectacle !

Pour gagner les faveurs des médias et rester au zénith du Trendtopic, il faut "buzzer", toujours "buzzer", encore "buzzer", savoir braquer l’actualité en permanence, entrer dans la peau d’un personnage, multiplier les masques et respecter, comme au théâtre, le devoir de la scène. Ancien chanteur de rock et joueur de footballeur, mi Noel Gallagher mi George Best, Javier Milei comme nouvelle pop star de la politique cultivera ce sens du spectacle par le biais d'apparitions toujours happening aussi bien dans la rue avec sa tronçonneuse que dans ses meetings aux airs de concerts grunge dont il manquera seulement le slam final de l'artiste.

L’élection de Javier Milei (comme hier celle de Trump ou Zelensky ) démontre que, dans la société du spectacle, la com pour la com est en réalité faite pour la conquête du pouvoir, finalement relativement simple. Une chose est sûre en revanche, la com pour la com est par la suite tout simplement inapte à l’exercice du pouvoir. Nous continuons de le constater un peu plus chaque jour.

François Belley,
Auteur de " L'homme politique face aux diktats de la com "
(Institut Diderot, 2023)
https://lnkd.in/emx5MGfS

jeudi 19 octobre 2023

LE RETOUR DU « SYNDROME DUPONT DE LIGONNÈS »


ou l'inéluctabilité de l'emballement médiatique.


Un journal devrait se lire toujours 3 fois : le jour même, 100 jours après puis enfin 1 000 jours après ! C’est en effet selon moi la seule et unique technique au long cours pour se faire un avis solide, objectif et sérieux sur un sujet. Faites l’exercice : avec la recette « SOS », vous gagnerez à tous les coups face à l’info tous azimuts.


Au regard de l’actualité du moment et de la production de contenus de masse, j’ai donc sorti de mes archives de ma collection de journaux l’exemplaire collector de « la vrai-fausse arrestation » de Xavier Dupont de Ligonnès : cas d’école du fiasco journalistique et exemple-type de l’emballement médiatique. Pour rappel, dans cette histoire datée du vendredi 11 octobre 2019, tout y était : le fait divers, le scoop, l’info exclusive puis officielle (donc a priori fiable et authentique), le commentariat immédiat, la course à l’audimat puis enfin ladite Une du lendemain avec ce titre vendeur « ARRÊTÉ », écrit en capital, en gros, en gras et dénué de toute ponctuation.


À l’époque, au regard de l’affaire et son mystère, son retentissement dans l’opinion et surtout son potentiel commercial élevé, la sphère journalistique n’avait pu (hélas) se contenir, autrement dit se priver d’un tel sujet-poule aux œufs d’or avec son gros paquet cadeaux de clics et de vues, tombés du ciel. Diktat de l’époque avec son devoir d’expressions, de réactions et d’émotions, les rédactions, sans surprise, avaient aussitôt twitté et titré, commenté, analysé et tiré des conclusions, oubliant au passage le b.a.-ba du métier qui est, rappelons-le, d’enquêter, de vérifier les sources et de recouper. Mais le peut-on seulement à l’ère de l’autre diktat, celui de l’immédiateté ?


Coup magistral d’un point de vue commercial assurément, la « vraie fausse arrestation » de Xavier Dupont de Ligonnès a été selon moi surtout un marqueur de notre époque numérique et de sa matrice où le « sujet » comme contenu n’est plus qu’un moyen, disons-le plus directement, une marchandise au service du « publier-visionner-partager » : triptyque gagnant du divertissement contemporain.


Alors Cher lecteur, prenons de la hauteur et posons-nous la question du rapport à la vérité dans un monde où tout est devenu marchandise et où tout contenu – non hiérarchisé par principe – se vaut. Dans cette époque qui balance en permanence entre le faux-vrai et le vrai-faux, ce qui compte, au fond, ce n’est plus la vérité (souvent orientée pour des raisons idéologiques via le fameux biais de confirmation) mais dorénavant ce qu’on jette aux nouvelles foules numériques « regardantes » , « partageantes » et « commentantes », c’est-à-dire « consommantes ».


Désormais, ce sont les fake news (fausses informations), les deep fake (fausses vidéos) ou encore les fake audio (faux enregistrements) qui se chargent d’alimenter à elles-seules le débat public par la production et la diffusion éclair du contenu sur les réseaux sociaux, à destination du public qu'il soit journaliste, intellectuel, militant, faiseur d’opinions ou simple "abonné". Si bien qu’aujourd’hui, l’actu est régie principalement par deux types d’information : l’information qui circule et la validation ou non de celle-ci a posteriori.


Conséquence directe du diktat du post et son injonction de produire sans cesse du contenu partout tout le temps, c’est la fake news comme « première vérité » lancée aux masses qui génère de la réaction en cascade au sein de la twittosphère (la X-sphère), s’imbrique dans les bandeaux déroulants des chaînes d’info et pousse le politique à se positionner au plus vite. Autrement dit, c’est la fake news, labellisée ainsi à tout-va, qui fait l’actu et qui, compte tenu de son caractère souvent spectaculaire, détient sur le marché de l’info la valeur marchande la plus importante. À l’ère de la fake news que l’on étiquette partout, on ne prétend pas dire le vrai, on veut juste dire quelque chose : quelque chose de fort, si possible.


La « vraie fausse arrestation » de Xavier Dupont de Ligonnès comme l’actualité du moment où la guerre est aussi une guerre d’info-communication multiple entre pays, personnages publics, partis politiques, rédactions, comptes Twitter, Tiktok, Snap et autres Youtube, invitent à la prudence et au temps long ? Mais le peut-on seulement à l’ère du diktat de l’info-conso et de la société du spectacle ?


Conclusion : les journaux que vous lirez aujourd’hui devront être relus aussi dans 100 jours puis dans 1 000 jours. On n'a pas trouvé mieux en effet que la technique « SOS » pour se faire un avis solide, objectif et sérieux sur un sujet.


François Belley,

Publicitaire-essayiste,

auteur de « L’homme politique face aux diktats de la com »

(Institut Diderot, 2023).  



mardi 1 août 2023

LA FABRIQUE INDUSTRIELLE DE "L'ACTU".

Dans la sphère du journalisme, l’actualité diffère sensiblement de « l’actu ». À l’heure du tout-média, les deux notions sont même devenues presque antagonistes.

Jusqu’au raz-de-marée des chaînes d’info et celui plus dévastateur encore des réseaux sociaux, l’actualité induisait une hiérarchie dans les événements. Pour le journaliste en effet, « l’actualité » supposait un arbitrage dans les thèmes. Elle exigeait une priorisation : une sélection dans le traitement de l’information du jour. Pour les rédactions, elle impliquait des choix pour les grands titres et donc des renoncements. En réponse au droit de savoir des populations, l’actualité ne visait pas à satisfaire le téléspectorat, contenter les lecteurs et ravir les auditeurs mais à rapporter des faits et rendre compte objectivement de ce qui se passait dans la société, se jouait à l’international ou se déroulait en politique. « Notre métier n’est pas de faire plaisir », répétait Albert Londres, « non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. » Ainsi, l’actualité répondait hier à une seule promesse : celle d’informer le citoyen du rythme cardiaque du monde.

L’actu comme pâte spectaculaire offerte au consommateur-spectateur, répond quant à elle à un objectif d’audimat et une demande du public ; une nécessité aussi de combler avec du contenu attractif les multigrilles d’expression médiatique. Au service d’abord de l’audience, l’actu vit sous le diktat permanent du nombre : celui des clics, des vues et des replays générés par le triptyque éditorial dominant du « quotidien » (avec le fait divers et le micro-trottoir), « des gens » (avec la vie des personnages publics comme ici avec J. Biden) et « du temps » (avec le bulletin météo). Celle qui domine désormais le monde numérique avec son fil, l’actu répond au besoin de l’info non-stop, de l’émotion et du divertissement. Par principe, il n’y a donc pas de sélection préalable. Puisque tout est actu, tout est à publier et à diffuser, à relayer et à voir.

Alors que l’actualité s’impose naturellement par des faits importants, l’actu, elle, peut se créer artificiellement, s’amplifier par la synergie des différents canaux de diffusion et s’alimenter par la logique du partage en ligne. Ainsi, l’insignifiant et le banal, l’accessoire et le futile, l’inintéressant et l’anecdotique suffisent qu’ils apparaissent à l’écran, pour prétendre tout à coup faire l’actu, la une et les gros titres. Par l’effet de la médiatisation, « l’infra-ordinaire » cher à Georges Perec vaut aujourd’hui l’extra-ordinaire. Par son caractère éphémère et sa formule raccourcie, le trend topic par les sujets qu’il sait mettre en lumière, atteste tout à fait de la profondeur mince, de la consistance creuse et du poids plume de ce qui nous est présenté en gros et en gras comme l’actu du jour.

François Belley

La suite à lire dans ce livre :
https://lnkd.in/eJRjsiyD

samedi 1 juillet 2023

POLITIQUE VS NÉO-POLITIQUE : LA NOUVELLE GUERRE.


« On va péter les comptes ! » : cette phrase du Garde des Sceaux prononcée ce jour est intéressante et révélatrice à la fois. Non seulement elle vient faire écho à la sortie médiatique de Thierry Breton d’Avril 2023 qui disait qu’« à partir de septembre, Elon Musk fera ce qu'on lui demandera de faire s'il veut continuer à opérer (« Questions politiques », France Info, 23/04/2023) mais surtout elle vient marquer, de manière claire désormais, une scission entre deux mondes au fonctionnement et à l'approche philosophique radicalement opposées :

- d'un côté, l'ancien monde, avec son principe de modérations et de régulations (via notamment le Digital Service Act), ses acteurs politiques historiques et ses relais médiatiques traditionnels (télévision, radio, presse…); 
- de l'autre, le nouveau monde "absolutiste" porté par des magnats et des e-citoyens de la Tech (devenus les néo-politiques), avec une liberté d'expression et de publications totales, promises à des milliards de comptes à l'influence surpuissante. Les émeutes actuelles le
confirment.

En réalité, c'est une « guerre » politique d'un nouveau genre, entre deux blocs du monde moderne, qui commence à s'installer : le premier bloc, né avant les réseaux sociaux, voudra conserver un système politique en place avec un État fort ; quand le second - contre l'intervention de l'État, propre à la logique libertarienne-, né après les réseaux sociaux, mettra tout en œuvre pour le déstabiliser voire le renverser. Avec les réseaux sociaux, c’est donc une bataille féroce entre le politique professionnel et le « néo-politique » dont la figure se multiplie en ligne à chaque nouvelle crise (gilets jaunes, covid, ukraine, banlieues).

Dans la courbe du cycle de vie du produit, les réseaux sociaux entrent donc ce jour dans le stade de la "maturité". Qui dit « maturité » dit inévitablement « déclin », le déclin ne signifiant pas la « mort du produit » mais plutôt son évolution.

Aussi, à l’heure des débats sur le harcèlement en ligne, l’encadrement des influenceurs, l’anonymat et la liberté d’expression totale ou non, il est fort à parier que les réseaux sociaux, tels que nous les connaissons et pratiquons aujourd’hui, vivent leur dernier souffle.

François Belley
Auteur de l’essai « Le Nouveau Spectacle politique » (2022).