jeudi 11 mai 2023

LA RECHERCHE DU HAPPENING PERMANENT.


Des professeurs qui brûlent leurs copies ; des infirmières qui jettent au sol leurs blouses blanches ; des avocats qui enlèvent leurs robes ; des pompiers qui déposent leurs casques ; des policiers qui lancent leurs menottes sous l’œil des caméras : dans la société du spectacle, la politique se réduit essentiellement à la fabrique, la mise en scène et l’utilisation massive des symboles.

A l'heure du tout-numérique, le symbole constitue le signe de reconnaissance du spectacle politique. Il répond à la société de l’image et de l'ultra com’. Diktat du contenu oblige, il naît de la demande toujours plus forte de photos et de vidéos. Utilisé aussi bien par le président de la République que par le primomanifestant ou le professeur d'anglais, le symbole raconte une histoire, nourrit le récit politique et accroche pour faire parler. Le symbole touche le cerveau droit du spectateur, celui de ses émotions et sentiments, de sa sensibilité et son imaginaire. Plus facile à décoder qu’un long discours, il est utilisé pour sa force et son impact sur les foules sociales-médiatiques.

Compréhensible du plus grand nombre, le symbole rend visible et audible celui qui le manie tout à coup. Ainsi, pour l’homme de l’apparition publique, il s’est imposé comme l’outil le plus efficace pour faire parler de lui, séduire, agir et convaincre « politiquement ». Un geste, une posture, un déplacement, une date, un lieu suffisent à l’acteur du nouveau spectacle politique pour créer l’actualité, faire passer un message, déclencher le processus du commentariat et devenir un sujet de conversation. « Une image vaut mille mots » répétait Confucius. À l’heure du tout-écran, cette citation n’a jamais été aussi vraie.

Le symbole est le contraire des actes. En politique, il s’est pourtant installé comme un mode de gouvernance : un langage universel pour émerger et s’affirmer, divertir et manipuler les masses. Pour le médiatique, en effet, l’intérêt ne repose plus dans la production d’idées, de sens et de concepts politiques, mais dans celle d’images et d’événements (mis en scène), de symboles et de signes forts qui se consomment, se commentent puis se jettent.

Le recours systématique au symbolique par le (néo) politique qui compte avec ce registre harponner le cœur des médias, cristalliser son nom de marque et gagner des points de popularité, démontre l’impuissance à faire vraiment ; prouve aussi l’obsession pour la communication et le spectacle.

François Belley
auteur de l'essai " Le Nouveau Spectacle politique " (Éd. Nicaise)
https://francoisbelley.fr