mercredi 2 mars 2022

LE RÉFLEXE DU FIL D’ACTU… ET DE « SPECTACLES ».


Les réseaux sociaux ont permis un accès universel à l’information et, par l’apport continu et massif de l’homme en ligne, donné des clés de compréhension aux coulisses et aux jeux de pouvoir.

La découverte de cet amas gigantesque de matière informationnelle a fait naître chez le citoyen connecté aux réseaux un niveau de conscience jamais vu auparavant, créé une nouvelle forme d’engagement public, validé aussi une nouvelle façon de faire de la politique par la mise en lumière soudaine, sous forme de publications, des dérives et des dysfonctionnements de la société. Avec une si forte exposition au contenu de masse, l’homme ne s’est jamais autant informé qu’aujourd’hui.

Avec le principe du « fil d’actu », fonctionnalité propre à tous les médias sociaux, plus rien n’échappe aux utilisateurs des plateformes. Par son caractère continu, la timeline permet, par le suivi assidu de comptes, d’être tenu informé de l’actualité de la vie des autres, de celle du monde, plus largement de prendre connaissance en temps réel des nouvelles de la production du contenu de masse.

Hier avec le sport, les talk-shows ou la télé-réalité, aujourd’hui avec la guerre comme nouvelle marchandise à voir, l’homme connecté peut savoir immédiatement, ce qu'il veut, quand il veut : surtout consommer, avec la même distance depuis son smartphone, une colonne de blindés ou un clash entre deux chroniqueurs télés. Pour l’homme-smartphone, le fil d’actu est devenu la principale source d’information et de divertissement (quel que soit le contenu) : le journal du jour, plus exactement celui de l’instant, en lieu et place de la radio, de la presse ou encore de la télévision. C’est sur ce fil continu que l’utilisateur actif consulte, ingurgite et digère plus ou moins bien l’ensemble des informations-spectacles, pertinentes ou non, parfois partielles et imprécises, souvent subjectives, biaisées, voire carrément fausses, véhiculées par le tout-venant des nouveaux producteurs de l’actualité.

Avec le fil d’actu, il n’y a plus besoin de chercher pour se documenter : c’est l’ère de la notification « push », de « l’alerte » où tout vient directement à soi, sans effort. Le fil d’actu (newsfeed en anglais) est la première chose que l’homme-écran regarde lorsqu’il se connecte aux réseaux sociaux. À travers son obsession de voir et savoir (plus que de comprendre), c’est ce qui explique chez lui le déverrouillage et la prise en main démesurée bientôt maniaques de l’outil de production. « Le fil d’actu a changé la façon dont on voit le monde », déclara un jour Mark Zuckerberg : la manière surtout dont est diffusé et consommé non-stop le spectacle en ligne.

Antre de l’exposition sociale, le fil du néo-divertissement est à la fois l’espace de production, de partage et de diffusion : le grand étal de la nouvelle marchandise à voir. Sur les réseaux sociaux, c’est le fil d’actu, par sa forme d’expression et d’apparition, sa réactualisation et son flux ininterrompu, qui rend le spectacle inédit. Du showfeed en effet sortent toujours le hashtag et le débat, l’image et le clash, la polémique, l'attaque ou l'explosion du jour.

Le fil comme lieu de vie du spectacle en ligne se présente comme le terrain de jeu de l’homme connecté qui fait naître l’information, la lance, la signale et la révèle au plus grand nombre. Par l’émergence de sujets et d’images, la dénonciation des faits ou la vulgarisation de pratiques, l’homme de la publication crée à chaque seconde l’électrochoc dans l’opinion, mobilise par l’effet de publication et fait tomber la tête de ceux, au top du trend topic, visés et pointés du doigt. Là où il vit désormais, l’homme du fil et de la publication produit et consomme le spectacle à la fois.

François Belley.