mercredi 8 décembre 2021

Le spectacle des parrainages.

Long métrage écrit, réalisé et interprété par les candidats, petits et grands.

Top départ de la course, mis en péril de la candidature, coup de gueule ou de détresse (à venir) sur les plateaux de télévision, compte à rebours avant la date limite, appels puis relances téléphoniques en direct, dépôt des 500 signatures à la dernière seconde jusqu'à la validation de candidature in extremis : la séquence des parrainages est toujours un grand moment de cinéma mis en scène par le candidat en coproduction avec les médias.

Au politique, le feuilleton de la course aux parrainages permet de tenir l'affiche et de se positionner, au fil des épisodes, comme un candidat (encore) victime du système. Aux médias, le (faux) suspense, rythmé chaque jour par des rebondissements, offrent l'opportunité de raconter une histoire dans l'histoire. Les grands candidats finissent toujours sur la ligne de départ. Les petits s'y arrêtent bien souvent avant mais repartent, dans la poche, avec un capital médiatique : une prime remise aux perdants par le système spectaculaire. Pour l'élection présidentielle, on n'échappera pas à cette règle. Cette dernière faisant partie du grand show électoral.

François Belley

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dimanche 5 décembre 2021

LE POLITIQUE : 1er PRODUCTEUR DE SPECTACLES.


À l’image du premier meeting de Zemmour (avec les images de la salle chauffée, le zoom sur l’arrivée des soutiens, l’entrée en scène de l’acteur, les applaudissements, les drapeaux et les punchlines, les jets de chaises, les coups de poings, de pieds et de ceintures en direct), le meeting politique est devenu un spectacle comme un autre.

Le meeting politique ne vise évidemment pas à convaincre les militants, déjà convaincus des promesses de l’homme providentiel mais d’impressionner le grand public avec des paroles et des images fortes. Retranmis en direct sur les chaînes d’info en continu (parfois même sur des généralistes), le meeting, avec des “images fournies par l'équipe du candidat” sont du contenu-spectacle que l’on livre aux conso-spectacteurs. Cette mention, imbriquée dans l’écran du spectacle, n’a rien d’anodin. Car elle fait définitivement du politique un producteur de spectacles.

Aussi, la mise en scène conçue pour le besoin du show se doit d'être impeccable. Dans cette fabrique du divertissement, le rôle du militant à qui l’on offre le matériel nécessaire pour faire du bruit constitue la pièce maîtresse d’un spectacle réussi. Indissociable du spectacle, le militant est discipliné. Il applaudit, crie, chante, hue, siffle, scande à la demande. Le temps du meeting, il joue le rôle d’ambianceur du politique. Il est à l’origine de la fabrique du son et de l’image : un élément de la scénographie, aussi important que le décor, la musique ou encore la lumière. Comme le politique, le militant est un producteur de divertissement, au service du spectacle politique.

François Belley

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L’affiche de campagne : support du spectacle politique.


Support publicitaire qui vise à vendre le politique sans complexe avec une image et des mots. Rassembler son camp, aller au-dessus des clivages, faire proche du peuple, atténuer l’agressivité du candidat, gagner en crédibilité ou en présidentiabilité : l’affiche politique est conçue, comme dans l’univers des marques, pour mettre en lumière les attributs (vrais ou non) d’un produit de grande consommation. Pour attirer l’attention, gagner l’adhésion et déclencher le vote en faveur du politique, tout est pensé pour exprimer au mieux le positionnement et la valeur ajoutée : l’angle et le cadrage de la photo, le regard, le sourire, le costume, l’arrière-plan, le filtre, les vraies gens, la vraie vie aussi. Dans une affiche de campagne, tout n’est qu’une question de forme, de packaging, de naturel que l’on fabrique avec des professionnels du paraître, des apparences et de la représentation-produit pour sublimer l’image du candidat figée dans un moment de séduction, au plus près du plus grand nombre.

Avec l’image, le slogan est l’autre élément-clé d’une affiche de campagne. «  Impossible n’est pas Français », « Make American great again », « Yes we can », , « Faire plus pour ceux qui ont moins », « La France qui ose », « Ensemble tout est possible », « Le changement, c'est maintenant », « Sous les pavés la plage », « CRS SS », « Police Assassin » : qu'il vende un homme, un pays, une thématique, un candidat, un programme, un positionnement, un rassemblement, une colère, une manif, un soulèvement, un mouvement : le slogan doit marquer les esprits. Quelques mots seulement doivent suffire pour faire passer un message, véhiculer une promesse, qualifier un produit, imposer ou changer une image. Le slogan est fait pour être repris et décliné partout jusqu’au plus petit support visible du monde marchand. La force du slogan réside dans sa formulation spectaculaire et sa répétition. Le slogan, réduit aujourd'hui en un mot avec le hashtag, répond à l'instantanéité et au temps d’attention ultra-court de l'époque, qui se contente de lire le résumé. La politique comme souhaitée par le spectacle doit rentrer dans le format imposé des bandeaux des chaînes d’« info » et l’espace-réduit des réseaux sociaux. C'est pourquoi la politique se limite aujourd’hui à un nombre de signes très réduit, des formules et des petites phrases, suffisantes pour faire le show.

François Belley

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samedi 20 novembre 2021

Le zoom sur la « poignée de mains ».

La poignée de mains illustre l'état du climat, le rapport de forces voire le bras de fer entre politiques.

Vigoureuse, historique, manquée ou carrément absente : la poignée de mains entre politiques fait toujours l’objet de gros plans de la part des médias, de décryptages d’experts en langage corporel et de commentaires sur les réseaux sociaux.

Symbole de paix et de diplomatie, de tensions et de puissance, de moment de vérité aussi, la poignée de mains politique se trouve toujours sur-interprétée par de la sphère journalistique obsédé par la politique en gros plan et la forme des rencontres.

Le serrement de mains est la première image de la diplomatie-spectacle qui s’illustre par une photo historique, un dîner au sommet, une visite dans un château, un déjeuner en tête-à-tête médiatique.

Dans le spectacle politique, la poignée de main constitue donc une image forte, un moment de télévision,  un rendez-vous médiatique vu, revue et commenté le temps de la séquence.

François Belley

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vendredi 19 novembre 2021

L’effet déformant des chaînes d’info.


La télévision comme canal historique de diffusion de la politique-spectacle a un pouvoir inégalitaire : elle rend en apparence plus « intelligent » et plus « grand », plus « puissant », plus « beau » et plus « influent » ceux qui y passent plutôt que ceux qui la regardent. La télévision est ainsi. Elle déforme la réalité, la maquille souvent aussi parfois, même grossièrement.

Ce n’est un secret pour personne. Depuis toujours, la télévision fait « le » et « la » politique. C’est elle qui construit encore les personnages, raconte les histoires, installe les thèmes, les personnalités et les candidats qu’elle finit par imposer comme une tendance voire une évidence, par un effet de répétition et de grossissement.

La télévision aujourd’hui, à travers notamment l’omniprésence des chaînes en continu, est avant tout une fabrique d’images et d’opinion, de notoriété et de popularité. Ainsi, qu’il s’agisse d’un politique (Macron, Zemmour…) ou d’un thème de campagne (immigration, écologie, made in France...), un « bon » produit doit passer à la télévision, passer et repasser non-stop sur les chaînes d’information jusqu’à ce que le dit produit, marketé par des professionnels, finisse par rentrer dans la tête du conso-citoyen. Pour le consommateur habitué aux marques du petit écran, le « vu et revu à la télé » institutionnalise et rassure. En apparence, il constitue encore un gage de sécurité, de crédibilité et de légitimité. La séquence extensible de la pandémie, à travers notamment l’intervention en boucle de nombreux apprentis-médecins, continue de le démontrer chaque jour.

À la manière du "fait divers" et de "la polémique", du "débat" ou de "l’affaire", tout personnage politique se construit de manière cathodique avec des images fortes, des émotions vives, des plans rythmés, des séquences travaillées et surtout une fréquence d’apparition dans l'écran, qui n'a rien de petit. 

Tenue, sourire, gestuels, mimiques, regard, mains, style vestimentaire, apparence, élocution, voix, débit: à la télévision, le message passe d’abord par l’image. Alors le politique qui suit docilement les normes médiatiques imposées par l'écran s’entraîne à regarder droit une caméra, à contenir son stress, à formuler un message, à faire court, clair et concret pour apparaître au mieux. Chez le politique-cathodique, la moindre anomalie est corrigée, les traits de personnalités gommés ou amplifiés parfois pour entrer dans le format télégénique et faire du politique un « bon client » comme les autres.

La télévision, à travers notamment les chaînes d’info et leur talk-show, ont formaté le politique, l’ont moulé médiatiquement : autrement dit, l’ont préparé pour le spectacle de l’écran. Pour qu'à la veille de la campagne présidentielle, le "produit politique" soit tout à fait mûr, c'est-à-dire prêt à être consommé. 

François Belley

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Le bon filon du made in France.


Thème classique des campagnes présidentielles, depuis les années 70. 

« Produisons Français », « Acheter Français », « Produire Français », « Protectionnisme industriel », « Patriotisme industriel », « Patriotisme économique » : le made in France est d’abord une affaire de sémantique qui doit correspondre au positionnement politique du candidat qui l’emploie. 

La thématique du made in France vient répondre à une double crise : la première industrielle marquée par les délocalisations et les fermetures d’usines ; la seconde identitaire, marquée par la remise en cause de la mondialisation et de l’Europe. 

Pour le politique, s’approprier la paternité du concept du Made in France permet de surfer sur la mode du local, d’afficher son patriotisme et de se réfugier, comme dans l’univers commercial, derrière un label « France », gage de qualité, de savoir-faire et d’authenticité. 

 La défense du « fabriqué en France » est une tendance : un AOP politique. Elle imprime dans l’opinion : le made in France est stratégique. Il se prête aux effets d’annonce, à la fabrique de l’image, aux mises en scènes, en enfilant ici et là un béret ou une marinière.

François Belley

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vendredi 12 novembre 2021

Le spectacle de la larmichette.

L’émotion est un registre de com’ apprécié et recherché des acteurs politiques.

Chez l’homme ou la femme politique, l’émotion crée de l’authenticité, humanise, normalise aussi à l’heure de la défiance et de la distance du politique. L’émotion que l’on recherche, créée et scénarise dans l’espace public, s’adresse à la sensibilité des foules, touche le cœur des masses, réveille les passions de l’électorat. Parce qu’elle s’inscrit s’inscrit dans une logique de séduction, elle fait office de pensée, de message et de programme.

Sur la scène du théâtre politique, les larmes lorsqu’elles coulent sont donc devenues une arme de communication. Celles d’E. Macron lors du 11 novembre ou de B. Obama lors de son dernier discours (janv 2007), celles de S. Royal lors de sa défaite cinglante aux primaires (oct 2011) ou de J. Trudeau dans les locaux du parlement (oct 2007), celles d’A. Corbière sur un plateau de télévision (fév 2018), de N. Hulot lors de l’annonce de sa démission (Sept 2018) ou d’A. Juppé lors de ses adieux à sa ville de Bordeaux (fév 2019) : les larmes - naturelles ou non - font sortir l’homme politique de sa fonction, percent la bulle de l’intimité.

Comme au cinéma, au tâtre ou dans le sport, l’émotion est attendue par le spectateur. Pour les médias, les séquences en sanglots, qui plus est en direct, valent de l’or. Pour le politique, elles créent de la publicité. Pour son caractère humain, elles font naître de la compassion, de la sympathie et de la proximité chez l’électorat. Dans nos sociétés d’image avant tout, mieux vaut être porté sur l’émotion que sur la raison. L’adhésion, l’approbation, le soutien, exprimés par « le commentaire », « l’abonnement à », « le like », « le retweet » ou « le vote », sont souvent le fruit d’une émotion savamment construite.

François Belley

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Voir l'interview donnée à Atlantico sur l'émotion en politique. 

https://atlantico.fr/article/decryptage/ames-sensibles-s-abstenir--pourquoi-il-faut-etre-une-machine-de-guerre-pour-faire-de-la-politique-meme-si-on-pleure-comme-cecile-duflot-ou-segolene-royal-francois-belley-rene-zayan