mardi 18 janvier 2022

Le règne absolu des médecins de plateau.


Le savant est mort !

Dans l’ère de la communication et du spectacle, il n’existe plus. Historiquement pourtant, le savant représentait dans nos sociétés une forme d'autorité. Ils étaient physiciens, chimistes ou mathématiciens. Ils représentaient la science à travers le monde et tel Louis Pasteur ou encore Marie Curie, détenaient le savoir donc la vérité. Par ses travaux, le savant était celui que l’on respectait et écoutait : le seul aussi capable, du fond de son laboratoire où il travaillait vraiment, de trancher et de clore de manière scientifique un sujet.

Avec l’apparition des médias de masse, des chaînes d’info puis des réseaux sociaux, la parole du savant a été dévaluée : la notion même de vérité, remise en cause, déclassée, remplacée au profit de vérités multiples, variées et toutes de même valeur. Dans le monde contemporain où le petit sachant a désormais remplacé le grand savant, chacun détient sa vérité : alternative et contradictoire.

« Épidémiologiste », « médecin-généraliste », « urologue », « anesthésiste », « généticien », « réanimateur », « rhumatologue », « spécialiste des maladies infectieuses », « néphrologue », « chef des urgences » : la pandémie du coronavirus a fait du néo-sachant le nouvel entrant dans l’écran du spectacle. Le néo-sachant, à travers la figure du médecin de plateau, ne détient pas le savoir : il est celui qui sait. Homme de la représentation, le néo-sachant à la sainte parole affirme plus qu’il ne démontre. Privilégiant la réaction à l’explication, le néo-sachant, à la blouse blanche et au micro-cravate, lit l’avenir en nouveau prophète et à l’appui d’études et de chiffres jetés en vrac sur le plateau, assène sa vérité au public-apprenant.

Homme à tout dire et à se contre-dire, le néo-sachant comme nouveau consultant et commentateur de la vie politique est une personnalité médiatique qui clive l’opinion, appréciée pour sa capacité à créer de la réaction en cascades. Pour le besoin du spectacle dont les principes et les règles de fonctionnement ont été intégrés en seulement quelques émissions, le néo-sachant, symbole de la médecine-spectacle, joue de sa suffisance, de son mépris, de ses prédictions et à l’écran, amplifie volontairement certains traits jusqu’à la caricature, pour optimiser le bruit autour de son personnage transformé, le temps de la séquence, en homme-spectacle, parfois aussi en publicité vivante pour les labos.

Si la parole scientifique du médecin de plateau, comme celle du politique ou du journaliste, fait l’objet de défiance dans l’opinion (la faute au trop plein de com’ et à une starisation inutile), elle répond, néanmoins parfaitement dans la forme, au besoin des rouages de la nouvelle machine spectaculaire, en attente de personnages forts et frais.

François Belley

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mercredi 8 décembre 2021

Le spectacle des parrainages.

Long métrage écrit, réalisé et interprété par les candidats, petits et grands.

Top départ de la course, mis en péril de la candidature, coup de gueule ou de détresse (à venir) sur les plateaux de télévision, compte à rebours avant la date limite, appels puis relances téléphoniques en direct, dépôt des 500 signatures à la dernière seconde jusqu'à la validation de candidature in extremis : la séquence des parrainages est toujours un grand moment de cinéma mis en scène par le candidat en coproduction avec les médias.

Au politique, le feuilleton de la course aux parrainages permet de tenir l'affiche et de se positionner, au fil des épisodes, comme un candidat (encore) victime du système. Aux médias, le (faux) suspense, rythmé chaque jour par des rebondissements, offrent l'opportunité de raconter une histoire dans l'histoire. Les grands candidats finissent toujours sur la ligne de départ. Les petits s'y arrêtent bien souvent avant mais repartent, dans la poche, avec un capital médiatique : une prime remise aux perdants par le système spectaculaire. Pour l'élection présidentielle, on n'échappera pas à cette règle. Cette dernière faisant partie du grand show électoral.

François Belley

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dimanche 5 décembre 2021

LE POLITIQUE : 1er PRODUCTEUR DE SPECTACLES.


À l’image du premier meeting de Zemmour (avec les images de la salle chauffée, le zoom sur l’arrivée des soutiens, l’entrée en scène de l’acteur, les applaudissements, les drapeaux et les punchlines, les jets de chaises, les coups de poings, de pieds et de ceintures en direct), le meeting politique est devenu un spectacle comme un autre.

Le meeting politique ne vise évidemment pas à convaincre les militants, déjà convaincus des promesses de l’homme providentiel mais d’impressionner le grand public avec des paroles et des images fortes. Retranmis en direct sur les chaînes d’info en continu (parfois même sur des généralistes), le meeting, avec des “images fournies par l'équipe du candidat” sont du contenu-spectacle que l’on livre aux conso-spectacteurs. Cette mention, imbriquée dans l’écran du spectacle, n’a rien d’anodin. Car elle fait définitivement du politique un producteur de spectacles.

Aussi, la mise en scène conçue pour le besoin du show se doit d'être impeccable. Dans cette fabrique du divertissement, le rôle du militant à qui l’on offre le matériel nécessaire pour faire du bruit constitue la pièce maîtresse d’un spectacle réussi. Indissociable du spectacle, le militant est discipliné. Il applaudit, crie, chante, hue, siffle, scande à la demande. Le temps du meeting, il joue le rôle d’ambianceur du politique. Il est à l’origine de la fabrique du son et de l’image : un élément de la scénographie, aussi important que le décor, la musique ou encore la lumière. Comme le politique, le militant est un producteur de divertissement, au service du spectacle politique.

François Belley

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L’affiche de campagne : support du spectacle politique.


Support publicitaire qui vise à vendre le politique sans complexe avec une image et des mots. Rassembler son camp, aller au-dessus des clivages, faire proche du peuple, atténuer l’agressivité du candidat, gagner en crédibilité ou en présidentiabilité : l’affiche politique est conçue, comme dans l’univers des marques, pour mettre en lumière les attributs (vrais ou non) d’un produit de grande consommation. Pour attirer l’attention, gagner l’adhésion et déclencher le vote en faveur du politique, tout est pensé pour exprimer au mieux le positionnement et la valeur ajoutée : l’angle et le cadrage de la photo, le regard, le sourire, le costume, l’arrière-plan, le filtre, les vraies gens, la vraie vie aussi. Dans une affiche de campagne, tout n’est qu’une question de forme, de packaging, de naturel que l’on fabrique avec des professionnels du paraître, des apparences et de la représentation-produit pour sublimer l’image du candidat figée dans un moment de séduction, au plus près du plus grand nombre.

Avec l’image, le slogan est l’autre élément-clé d’une affiche de campagne. «  Impossible n’est pas Français », « Make American great again », « Yes we can », , « Faire plus pour ceux qui ont moins », « La France qui ose », « Ensemble tout est possible », « Le changement, c'est maintenant », « Sous les pavés la plage », « CRS SS », « Police Assassin » : qu'il vende un homme, un pays, une thématique, un candidat, un programme, un positionnement, un rassemblement, une colère, une manif, un soulèvement, un mouvement : le slogan doit marquer les esprits. Quelques mots seulement doivent suffire pour faire passer un message, véhiculer une promesse, qualifier un produit, imposer ou changer une image. Le slogan est fait pour être repris et décliné partout jusqu’au plus petit support visible du monde marchand. La force du slogan réside dans sa formulation spectaculaire et sa répétition. Le slogan, réduit aujourd'hui en un mot avec le hashtag, répond à l'instantanéité et au temps d’attention ultra-court de l'époque, qui se contente de lire le résumé. La politique comme souhaitée par le spectacle doit rentrer dans le format imposé des bandeaux des chaînes d’« info » et l’espace-réduit des réseaux sociaux. C'est pourquoi la politique se limite aujourd’hui à un nombre de signes très réduit, des formules et des petites phrases, suffisantes pour faire le show.

François Belley

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