Dans la société du spectacle, le port de signes ou d'objets dits « spectaculaires » est encouragé et même vivement conseillé pour exister. À l’heure du diktat de la com’, c'est ainsi : il faut être visible, reconnaissable, identifiable. C'est-à-dire manifester ostensiblement son appartenance et sa soumission au spectacle.
Blouses blanches, gilets jaunes, chemises orange, bonnets ou foulards rouges : le spectacle politique demande des symboles. L’engagement citoyen a donc besoin au plus vite d’un élément d’identification et de reconnaissance, visuelle ou sonore, pour satisfaire le médiatique qui réclame des signes distinctifs ; des insignes calibrés pour l’écran et ses images. Pour le conso-spectateur, les signes du spectacle – lesquels peuvent prendre la forme d’un dress code (le black-bloc), d’un accessoire (le parapluie ouvert) ou d’un objet (une casserole) pourvu qu’il soit voyant – constituent des repères, des raccourcis, des simplificateurs.
Sur les foules (sociales) médiatiques, les signes distinctifs de spectacle politique doivent agir comme des logotypes, lesquels doivent renvoyer à un message clair, un positionnement précis et à une tonalité d’expression singulière. À l’ère du diktat des « vues », c’est donc par la production ostentatoire de spectacles et l’impact visuel et/ou sonore que le citoyen contemporain fait de la politique, s’exprime et prend position. Si le signe extérieur de spectacle montre, pour celui qui le porte, la maîtrise du langage visuel et l’adhésion à une philosophie sensationnaliste, il permet par le phénomène de mode, l’effet de foule et le mimétisme, de rallier aussi plus facilement les masses à la cause défendue.
Qu’il s'agisse d'une casserole, d'un gilet jaune ou d'un bonnet rose avec des oreilles de chat porté à l’occasion d’une manifestation contre le sexisme, le mécanisme est toujours le même : pour l’apparent, il s’agit de s’agenouiller devant le culte du marketing et de l’image ; d’obéir aux injonctions de l’écran et du spectacle pour impressionner son public et émerger sur son marché. Cochant la case du « vu » ainsi que celle du « entendu », la casserole comme « ready made » de la fronde est intéressante. Synonyme à la fois de mécontentement, d’engagement et de rassemblement, la casserole, objet universel de la vie quotidienne, fait passer celui qui la porte de l’invisible au visible, propulse sur la scène de spectacle celui qui peut enfin être entendu.
Nouvel accessoire de la contestation spectaculaire, la casserole (et sa déclinaison événementielle « la casserolade générale ») correspond parfaitement aux canons de l’époque communicante dont la demande de contenus spectaculaires à voir, à partager et à commenter, est chaque jour de plus en plus forte.
François Belley
publicitaire, essayiste
auteur de l'essai " Le
Nouveau Spectacle politique " (Éditions Nicaise)
https://francoisbelley.fr